décembre 2024
Pascal Menecier Praticien hospitalier au service d’addictologie de l’hôpital Les Chanaux, Mâcon docteur en psychologie
L’alcool est la première substance psychoactive consommée par les aînés, à des niveaux toujours croissants parmi les générations du baby-boom, pour des aînés plus vulnérables à ses effets et à risque de développer un trouble addictif.
Cependant, ni la recherche clinique, ni les organisations de soins ne priorisent les questions de troubles de l’usage d’alcool chez les sujets âgés (TUAl-SA), même si des recommandations ont été publiées en France en 2013, alors que ces troubles sont communs, méconnus, sous-estimés, sous-diagnostiqués pour être sous-traités. L’âge ne protège de rien, ni des souffrances addictives, pour soi-même ou ses entourages, quand «les vieux» de l’addictologie (55 ans et plus) ne sont pas ceux de la gérontologie (75 voire 85 ans et plus), contribuant à la complexité de la question.
USAGES D’ALCOOL
Si la part des non-consommateurs d’alcool croît avec l’âge (dépassant 50 % après 75 ans), la proportion de consommateurs quotidiens s’élève aussi, pour des aînés qui avaient au début de leur âge adulte des consommations moyennes doubles ou triples de celles des adultes actuels. La sensibilité aux effets de l’éthanol s’accroît avec l’âge, rendant symptomatiques ou pathogènes de plus faibles ingesta. Cette sensibilité s’associe à une majoration des effets neurocognitifs du produit, notamment chez les femmes, souvent polypathologiques et polymédiquées.
Après 65 ans, les seuils de consommation à risque d’alcool sont abaissés de moitié par rapport aux recommandations pour les adultes d’âge moyen, soit à un verre (unité standard) par jour et pas tous les jours.
La prévalence des TUAl-SA ne semble pas décliner avec l’âge, chiffre retenu autour de 10% en France, faisant partie des premiers problèmes de santé croissants chez les aînés. Leur repérage peut avoir recours à des questionnaires (version gériatrique du Michigan alcohol screening test – MAST-G), ou CAGE (DETA) ou AUDIT.
COMPLEXITÉ CLINIQUE
Une présentation clinique souvent atypique ou incomplète complique le repérage puis le diagnostic des TUAl-SA, les laissant apparaître surtout lors de complications : intoxications éthyliques aiguës, sevrages ou alcoolopathies.
Leurs interactions avec des troubles psychiques sont multiples : on parle de pathologies duelles plutôt que relavant d’une causalité réciproque jamais résolue, notamment lors de troubles de l’humeur ou de crises suicidaires où l’alcool est plus un facteur d’aggravation qu’une tentative autothérapeutique.
Les troubles cognitifs liés à l’alcool se mélangent avec des troubles cognitifs d’autres origines, lors de maladies d’Alzheimer ou apparentées, même à des stades précliniques (troubles cognitifs légers), que l’usage d’alcool (ou le mésusage) ne fait qu’aggraver.
SOIGNER
Le pronostic des TUAl-SA est aussi bon ou meilleur que le pronostic réalisé à de plus jeunes âges. Les repères thérapeutiques habituels gardent leur valeur avec des spécificités pharmacologiques orientant vers des benzodiazépines à demi-vie courtes (oxazépam) lors de sevrages ainsi que la place renforcée de la vitamine B1 en prévention de dommages cognitifs.
Les traitements addictolytiques n’ont pas d’autorisation en France sauf le disulfirame, contre-indiqué chez les aînés. Seule la Naltrexone semble proposée dans d’autres pays.
L’intérêt des soins dans des structures spécifiques par groupes d’âge a pu être discuté. Ils sont inexistants en France et cette absence favorise des offres intergénérationnelles sans discrimination d’âge. L’approche thérapeutique de TUAl-SA ne se limite pas aux sevrages, à coté de modalités de réduction de prises de risques et des dommages ou de contrôle externe des accès à l’alcool. la part psychosociale des soins reste fondamentale.