décembre 2024
Valentine Peren Coordinatrice de Senior Montessori
UN DOUBLE CONSTAT SOCIÉTAL
Le vieillissement de la population européenne et l’exacerbation des inégalités sociales font émerger notamment des enjeux de santé mentale et d’assuétudes. Il est donc plus qu’urgent de repenser et de faire évoluer les modèles d’institutions dédiées ainsi que les pratiques d’accompagnement de terrain. Depuis plusieurs années déjà, en Belgique et de façon plus évidente encore à Bruxelles, la diversification du public accueilli au sein des maisons de repos et de soins conduit à des aménagements : flexibilité au niveau de la consommation d’alcool, ouverture d’ailes psycho-gériatriques, dérogation pour les personnes de moins de 60 ans connaissant un vieillissement difficile, travail de fond sur les projets de vie individuels, etc.
Toutefois, la majorité des équipes rencontrées expriment le sentiment d’être démunies et dépassées par ces situations au vu de ces problématiques multiples et intriquées. En effet, ces infirmières, aides-soignantes et autres professionnels du soin ont développé leur expertise dans un cadre de pensée classique de la gériatrie. Or, leur formation ne les a pas outillés pour s’adapter rapidement à une telle métamorphose de leur métier. L’incompréhension des besoins spécifiques de ces profils ainsi que le manque de réponses institutionnelles adaptées conduisent bien souvent à de nombreuses formes de stigmatisation et à une frustration exacerbée de chaque partie prenante. Cela peut mener jusqu’à l’expulsion des personnes, un résultat d’autant plus dévastateur pour ce public qui a déjà connu de nombreuses déceptions en termes de logement.
UN EXEMPLE DE BONNE PRATIQUE
Depuis 2021, l’association Senior Montessori a développé un parcours d’accompagnement visant un objectif : faciliter l’entrée en maison de repos et de soins d’un public ayant connu un parcours de rue et cumulant des problématiques de santé mentale et d’assuétudes. L’idée centrale est de sensibiliser et d’outiller les équipes de soins afin de créer un environnement adapté, notamment via la mise en réseau avec les pôles «Housing First» du Smes (Santé mentale & Exclusion sociale), des Infirmiers de rue et du centre d’accueil pour sans-abri DoucheFLUX. En alliant une formation en amont de chaque entrée et un suivi individuel sur le long terme, il est possible de dégager des pistes d’action dans une dynamique de synergie en bénéficiant de l’expertise de chacun.
résident qui a pu s’impliquer dans des activités ayant du sens pour lui, que celles-ci aient une finalité ludique ou qu’elles s’inscrivent dans une volonté de contribuer aux tâches quotidiennes, d’aider les autres résidents qui pourraient avoir moins de mobilité, etc.
PENSER LA MAISON DE REPOS ET DE SOINS DE DEMAIN
Comme nous pouvons le constater au travers de ce projet, les synergies intersectorielles initiées viennent soutenir une ouverture et un décloisonnement d’un modèle médico-centré de lieu de soins vers une approche psycho-socio-affective de la santé au sein d’un lieu de vie communautaire. Il est nécessaire d’orienter notre regard sur l’autonomie, l’indépendance ainsi que le sentiment d’appartenance et de contribution à la communauté de l’ensemble des personnes accompagnées en s’appuyant sur leurs besoins, envies, capacités et ressources.
Pour ce faire, il nous semble fondamental de proposer aux équipes de soins des formations continues afin qu’elles puissent faire face plus sereinement à la complexité des nouvelles réalités des maisons de repos et de soins. De plus, nous avons besoin de sortir d’un travail sectoriel en silo et d’articuler une véritable dynamique partenariale entre les secteurs du vieillissement, de la grande précarité, de la toxicomanie et celui de la santé mentale. Nous appelons également à une plus grande diversité dans les profils des professionnels travaillant en maison de repos et de soins – par exemple des pairs aidants. Chaque corps de métier peut apporter un élément de réflexion complémentaire et ainsi contribuer à l’objectif final : le bien-être et la qualité de vie des résidents.
En guise d’ouverture, nous proposons de réfléchir à la pertinence de la mixité dans ces espaces de soins. Les lieux d’habitat mixtes favorisent-ils le bien vivre ensemble ou devrions-nous plutôt nous lancer dans le développement de lieux spécifiques pour chaque problématique ? Qu’en sera-t-il alors des personnes présentant un double diagnostic ? Quelle prise en soin adapter à ces profils aux problématiques indiquées?