décembre 2024
Jorge Flores-Aranda Ph.D., professeur à l’École de travail social de l’université du Québec à Montréal et titulaire de la chaire de recherche du Canada Tradis (trajectoires, diversité, substances)
Le chemsex, également connu sous le nom de party and play (PnP) ou «sexe sous substances», est une pratique qui implique la consommation intentionnelle de certaines substances psychoactives (SPA) lors des relations sexuelles afin de les faciliter, intensifier ou prolonger, que ce soit avec un ou plusieurs partenaires. Cette pratique peut impliquer différentes SPA en fonction de leur disponibilité (comme la méthamphétamine, la kétamine et le gamma-hydroxybutyrate -GHB-) et de leurs propriétés à influencer l’expérience sexuelle (Flores-Aranda et Motta-Ochoa, 2024)
Bien qu’il puisse comporter des risques, comme n’importe quelle autre consommation de SPA, le chemsex n’est pas problématique en soi. Il est considéré comme un phénomène culturel documenté principalement parmi les hommes gais, bisexuels (gbHARSAH) (Florêncio, 2021) ainsi que les personnes trans et non binaires (Gaudette et al., 2022). Il est aussi documenté que le chemsex peut faciliter la socialisation et générer un sentiment d’appartenance à une communauté (Gaudette et al., 2022).
LE CHEMSEX ET LES PERSONNES DE 55 ANS ET PLUS
Les personnes de la diversité sexuelle et de genre ont vécu des changements importants au cours des cinquante dernières années : dépathologisation et décriminalisation des relations sexuelles entre personnes du même sexe, épidémie du VIH, arrivée des médicaments antirétroviraux et évolution dans les formes de prévention du VIH (prophylaxie pré et post exposition, indétectable = intransmissible), reconnaissance des droits civiques des personnes de la diversité sexuelle et de genre, etc. (Hammack et al., 2018). Il s’agit également de personnes qui, pour nombre d’entre elles, ont connu les mouvements de libération sexuelle s’inscrivant dans un environnement tolérant à l’usage de substances psychoactives (SPA) ainsi qu’une évolution sociale des pratiques de consommation en lien avec la sexualité (Gfroerer et al., 2003).
L’âge semble important à considérer dans la mesure où cette pratique s’inscrit dans un contexte social marqué par la préoccupation de se rapprocher le plus possible des critères esthétiques associés à la jeunesse (Queiroz et al., 2019). Cet aspect peut être exacerbé par l’utilisation d’applications mobiles de rencontres, permettant d’établir des critères bien définis pour le choix de partenaires sexuels ou affectifs. Les conséquences : les personnes âgées se sentent moins désirées, voire exclues du circuit (Queiroz et al., 2019).
L’étude québécoise «PnP dans la diversité» de la chaire de recherche Tradis (Trajectoires, diversité, substances) a identifié en 2023 que les personnes de 55 ans et plus avaient des motivations spécifiques associées à leur pratique du chemsex : ainsi, se sentir à l’aise avec leur corps et leur âge, accéder à des partenaires sexuels plus jeunes et ne plus se préoccuper de la façon dont leur statut sérologique est perçu par leurs partenaires (Gaudette et al., 2023). Ces constats nous ont menés à effectuer une étude visant spécifiquement à connaître les interrelations entre la pratique du chemsex ou party and play et les parcours de vie des hommes de la diversité sexuelle et de genre et des personnes non-binaires âgées de 55 ans et plus. Les données sont actuellement en cours d’analyse et seront prochainement partagées avec la communauté.