décembre 2024
Philippe Castéra Ancien coordinateur général de la Coordination régionale Addictions (COREADD), André Nguyen Pharmacien, coordinateur de la COREADD
LE REPÉRAGE PRÉCOCE ET L’INTERVENTION BRÈVE (RPIB)
Le repérage précoce et l’intervention brève «alcool » est un outil pédagogique facilitant l’intervention auprès des usagers d’alcool en contexte non spécialisé. Son efficacité est reconnue en l’absence de trouble d’usage sévère et la Haute Autorité de santé (HAS) en recommande l’utilisation. AGIR 33 Aquitaine1 en a étudié la faisabilité de 2003 à 2006, avant d’assurer la coordination des formations « RPIB » en Aquitaine. Cette première expérience a montré l’intérêt de motiver la pratique par la venue régulière de délégués santé prévention. Un annuaire en ligne a été créé pour faciliter la connaissance des ressources sur les territoires. Les formations «RPIB » s’associent à une stratégie globale facilitant les différentes étapes du parcours des patients. Le groupe de travail régional du «RPIB » a jugé qu’il serait important de se centrer sur les usagers plutôt que sur le produit « alcool ». Le « RPIB jeunes » pour le mal-être et les conduites à risque et addictives a ainsi été développé et évalué. Puis, fort de cette expérience, le groupe a souhaité développer un « RPIB senior », puis un « RPIB femme enceinte ».
CRÉATION DU RPIB «SENIOR »
L’étude réalisée sur la consommation d’alcool des plus de 75 ans a permis de repérer la difficulté des médecins généralistes à aborder la question avec les aînés, plus grande qu’avec les plus jeunes. La prévalence élevée des troubles de l’usage a été confirmée. Profitant de la publication des recommandations de la Société française d’alcoologie (SFA) pour ce public, le «RPIB senior» a été développé et proposé pour les formations dès 2015, avec des formats variant d’une heure à deux journées. Les formateurs ont participé au groupe de travail ou ont assisté aux formations, avec des profils variés : médecins généralistes et/ou addictologues, psychiatres, gériatres, psychologues, infirmier·es.
PRÈS DE MILLE PROFESSIONNELS FORMÉS
Depuis sa création, près de mille professionnels ont été formés. Le public demandeur est essentiellement constitué des structures intervenantes auprès des personnes âgées, afin de former des coordinateurs de l’Activité physique adaptée (APA) ou des auxiliaires de vie, par exemple. Les formations se déroulent alors sur deux journées. Les formats courts permettent d’inclure des ateliers dans les formations des professionnels de santé.
RETOURS D’EXPÉRIENCE
Les addictions les plus fréquentes sont l’alcool, le tabac, les médicaments et les jeux. Les usages sont classiquement genrés : l’alcool et le tabac sont plus fréquents chez les hommes, les médicaments et les jeux chez les femmes. Mais cette représentation peut être un piège. Il est surtout important de différencier les personnes ayant une addiction ancienne, qui sont survivantes de leurs usages avec de nombreuses comorbidités, des personnes installant une addiction de façon récente. La retraite ainsi que le vieillissement favorisent l’isolement. Les deuils sont multiples, avec le risque élevé d’un mal-être, de troubles anxio-dépressifs, avec installation ou aggravation de troubles de l’usage. De même, les douleurs physiques et les handicaps participent à ce risque. Il est donc important de prévoir un point gériatrique global, intégrant l’ensemble des dimensions sociales, psychologiques et somatiques.
« Vous savez, docteur, mes deux verres de Sauternes le soir, et je ne sens plus mes douleurs… Je peux dormir», me dit Mauricette, après sa fracture du col du fémur suite à sa chute nocturne. Le zolpidem aurait sans doute abouti au même effet. La formation insiste sur les alternatives. Elle permet aux participants de prendre conscience de l’importance de cette approche globale et empathique, dans le respect de la personne. Il s’agit aussi de recevoir leurs difficultés, notamment avec les médecins traitants, les directions et l’entourage. Les usages problématiques sont souvent repérés et signalés mais ne suscitent pourtant aucune réponse adaptée. Le médecin ne fait rien. La direction ne met pas en place une stratégie ou alors demeure dans une position systématique souvent mal adaptée. L’entourage est dans le déni ou apporte l’alcool : « C’est son dernier petit plaisir ! »
Le temps d’échanges est favorisé, les participants apportant leurs solutions et leurs expériences, dans leur contexte, souvent bien meilleures que celle des formateurs. Les ressources adaptées sont également proposées pour les cas les plus complexes, voire sont invitées à venir se présenter quand cela est possible. Ainsi, le RPIB « senior » répond à un besoin bien spécifique et permet d’améliorer certaines situations, quasiment en temps réel.