février 2015
Astrid Wüthrich ( OFSP) et Christian Schneider (FEDPOL)
Les politiques qui ont pour but une société sans drogues et qui comptent y parvenir grâce à la prohibition relèvent de l’illusion. C’est pourtant la voie suivie par la majorité des Etats de la planète et la Suisse ne fait pas exception: sa loi sur les stupéfiants (LStup) interdit la détention et la consommation de toute une série de substances psychoactives et punit les contrevenants. Même si la réduction des risques y a maintenant trouvé sa place, son article1, alinéa a, demande que l’on prévienne la consommation de drogues « notamment en favorisant l’abstinence ».
Il existe pourtant une réalité, celle de la circulation et de l’usage de drogues, réalité bien plus complexe que la vision législative. La prévalence de la consommation de drogue au niveau mondial est restée relativement constante depuis près d’une décennie (EMCDDA 2014). Dans le meilleur des cas, les cinquante années de prohibition expliqueraient pourquoi la consommation n’a pas plus progressé qu’elle ne l’a fait. Dans le pire des cas, les diverses formes d’interdiction ont entraîné une série de dommages collatéraux, ceux que le discours politique regroupe sous l’euphémisme de «conséquences involontaires ». En effet, l’expérience a montré dans de nombreux pays qu’accroître la pression en augmentant la répression contre les consommateurs ne résolvait pas le problème.
La Suisse a vécu de manière traumatisante les effets de sa politique de la drogue centrée sur l’interdit appliqué systématiquement par la police et les autorités sanitaires jusque tard dans les années 80. On a combattu les scènes ouvertes surgies dans la majorité des villes du pays par des évacuations (Csetse 2010), le contrôle de l’usage des seringues (Wüthrich 2004, 19; Grob, 23), des mesures de répression ciblées contre les consommateurs (Nord/Stohler 2010) et par la stigmatisation de la consommation. A la fin des années 80, le Platzspitz de Zurich – un Needle Park dont les images ont fait le tour de la planète – voyait passer jusqu’à 3000 personnes par jour venues principalement pour y consommer de l’héroïne (Csete 2010; MacCoun/Reuter 2001, 278-286). Un spectacle cauchemardesque et difficilement compréhensible pour les habitants de ce pays habitué au calme et au respect de la loi. Les overdoses y étaient quotidiennes. Le sida et l’hépatite C s’y propageaient rapidement.
Plus de vingt ans après son introduction en situation de crise, la réduction des risques a trouvé un ancrage dans la loi suisse sur les stupéfiants et figure désormais parmi les objectifs de la politique drogues au même titre que le soutien de l’abstinence. La prise en compte de la réduction des risques est certainement l’une des raisons des succès visibles et mesurables de la politique suisse de la drogue: disparition des scènes ouvertes, recul de la criminalité dite « d’acquisition » (Killias/Aebi 2000), baisse importante du nombre de décès liés aux drogues. La propagation du sida et de l’hépatite C entre consommateurs s’est ralentie et l’injection intraveineuse a fait partiellement place à des modes de consommation moins risquées. La réduction des risques a ainsi rendu l’usage de drogues moins risqué et plus supportable pour la cité, mais il a fallu beaucoup de temps et d’efforts pour la faire accepter au niveau politique.. Ce décalage important montre qu’en matière de politique drogues, l’efficacité d’une approche ne conduit pas automatiquement à son adoption.
Cette évolution résulte des interactions complexes entre différents acteurs agissant à différents niveaux politiques. Les choses n’ont pas progressé sans heurts. Au contraire: la perception des problèmes, les attentes mutuelles des acteurs, les objectifs à atteindre ainsi que la marge d’action des uns et des autres étaient loin d’être uniformes et conditionnés par des facteurs qui ne relevaient pas de la politique drogues au sens strict. Au cœur de ce processus, on distingue deux grands acteurs principaux: les milieux d’aide aux usagers de drogues et la police.
Les exemples ci-dessous illustrent clairement trois des défis concrets se présentant dans la pratique de la réduction des risques : la coordination entre police et le milieu de l’aide afin de réduire les externalités de la consommation de drogues, la coopération pour l’amélioration des solutions actuelles et le développement de nouvelles approches, tant théoriques que pratiques, d’adaptation aux problèmes qui surgissent.
Jusque tard dans les années 80, voire au-delà, l’usage ou la simple détention de seringues était déjà considéré comme un délit (Grob 2009, 36). Conséquence paradoxale: alors que, dans le cadre de l’aide ambulatoire proposée par exemple sur les scènes ouvertes, des travailleurs et travailleuses sociaux distribuaient des seringues propres, plus loin la police confisquait ces seringues, les produits et tout autre matériel pouvant servir à la consommation. S’en suivit une guerre d’usure entre travail social et la police sur la «bonne » politique drogues.
En 1986, lorsque le premier Fixerstübli (local d’injection) au monde toléré par les autorités ouvrit ses portes à Berne, les acteurs de la réduction des risques tenaient à protéger les consommateurs contre la police, ce qui, dans le contexte d’alors, n’était pas surprenant. Près de dix ans encore après l’ouverture du premier centre de contact et six ans environ après leur autorisation par le canton de Berne, les consommateurs se plaignaient explicitement de la conduite des policiers. Ils souhaitaient «être traités convenablement » et critiquaient «les manières souvent brutales de la police avec les consommateurs » (Braun et al. 1995, 94). Pour Braun et al., la criminalisation des consommateurs, mais également l’attitude de la police à leur égard firent initialement obstacle à la mise en place d’une collaboration centrée sur la réduction des risques. Il a fallu que la police et l’ensemble de la société reconsidèrent leur perception du problème pour que la remise de seringues propres ou les locaux d’injection ne soient plus considérés comme une incitation à la consommation. Bertino Somaini remarque que cette évolu- tion a permis que «les consommateurs et prostituées redeviennent des citoyens suisses », lesquels, en tant que sujets de la politique fédérale, ne sauraient être rejetés par l’Etat (Somaini 202, 123).
Les premières concertations entre travailleurs sociaux et la police remontent déjà à l’époque du Platzspitz. Peter Gross décrit les patrouilles quotidiennes effectuées par les assistants «le long d’un itinéraire établi avec la police ». Les patrouilles «échangeaient les seringues et les aiguilles, distribuaient de la pommade pour les veines, des tampons d’alcool et des préservatifs, et prodiguaient les premiers secours » (Gross 2009, 55). Aujourd’hui comme alors, il s’agit pour les professionnels socio-sanitaires de créer des conditions de consommation aussi hygiéniques que possible pour prévenir la transmission des maladies et d’assurer des structures de jour aussi complètes que possibles, tandis que la police a pour mission de prévenir l’ouverture de scènes ouvertes, de lutter contre la consommation et le commerce de drogues illégales et d’assurer ou d’améliorer le sentiment de sécurité de la population. Ces deux groupes de professionnels travaillent sur le même groupe-cible avec pour but de réduire les nuisances publiques et privées, mais la mission des autorités de poursuite pénale est en conflit avec l’offre d’espaces protégés aux consommateurs (voir Bürge/Aegerter 2013).
Le principal obstacle à la bonne collaboration entre les parties est l’interprétation trop rigide de leur mission. Ouvrir un local d’injection ou simplement un centre d’accueil pour consommateurs de drogue n’a de sens que si on peut s’y rendre sans être interpellé par la police, qui se voit donc impliquée dans le bon fonctionnement de ces espaces protégés. De leur côté, les personnes qui gèrent ces centres d’accueil concluent avec la police des accords sur les conditions ou circonstances dans lesquelles elle peut y intervenir afin d’y assurer un certain niveau de sécurité et de prévenir les délits.
A Berne notamment, la collaboration des parties prévoit en outre la manière dont les gérants des centres d’accueil et l’unité de police concernée doivent se comporter ensemble face aux consommateurs et face au public, leur manière d’intervenir dans les réunions de quartier et de collaborer en cas de violences ou d’autres menaces (voir Bürge/ Aegerter 2013). Il est crucial de définir clairement les responsabilités, de s’assurer qu’elles sont explicitement acceptées et de veiller à l’égalité des possibilités d’intervention de tous les acteurs.
Si l’exemple ci-dessus est pour ainsi dire l’exemple-type de collaboration, il existe d’autres formes de coopération. La ville de Saint-Gall a ouvert son premier local d’injection en 1990 déjà et l’a soumis à une évaluation constante, en particulier sur la propagation des maladies transmissibles. En 1991, toutefois, une votation populaire entraîna sa fermeture (Lander 1991).
Au cours des années 1990 et 2000, la municipalité a réussi à prévenir la réapparition de scènes ouvertes et à négocier une forme de coexistence acceptable entre habitants, consommateurs, professionnels socio-sanitaires et police, portant sur l’usage de l’espace public. Aujourd’hui, cette coexistence repose largement sur un document intitulé « Attitude à respecter dans les espaces publics de la Ville de Saint-Gall » cosigné par le responsable de la Fondation d’aide aux personnes dépendantes, celui du Secrétariat à la jeunesse et le commandant de la police municipale. Ce document affirme clairement que l’espace public est et doit rester ouvert à l’ensemble de la population et que, parallèlement, des lieux ont été créés à l’intention de « groupes marginaux » qui peuvent les utiliser de manière largement autonome. Parmi les conditions posées à la jouissance de ces lieux, le document mentionne un comportement conforme aux lois, le respect des autres utilisateurs ainsi que le renoncement à toute exclusivité. Le document stipule en conclusion que cette collaboration ne peut se maintenir que moyennant « une communication régulière et formalisée entre toutes les parties responsables de la qualité de vie et de l’espace public ». Ce qui nécessite « des échanges constants aux niveaux tant stratégique qu’opérationnel » et le respect de l’attitude de base convenue d’un commun accord.
On peut regretter le manque de précision sur l’attitude que doivent adopter entre eux les trois partenaires du document. Mais c’est peut-être la condition pour que les aspects concrets de la collaboration stratégique et opérationnelle soient facilement renégociables et que le dispositif puisse ainsi s’adapter aux circonstances et aux besoins. Pour les acteurs soucieux de trouver une forme de collaboration sur l’usage de l’espace public, il serait fatal de vouloir se limiter à la recherche de solutions concrètes aux problèmes complexes qui se posent. Les solutions durables ne reposent pas que sur des procédures bien définies mais bel et bien sur un consensus portant sur un ensemble commun de valeurs et une compréhension assez large de la mission, en l’occurrence la sécurité de l’espace public et son ouverture à l’ensemble de la population.
Le Canton-ville de Genève suit une voie différente et, à notre connaissance, unique en son genre sur le continent européen. En 2012 déjà, les spécialistes en addictions de Suisse romande ont demandé que la politique suisse de la drogue change de cap, le consensus sur l’équilibre entre la réduction des risques et la répression s’étant effrité (voir Savary 2013). A la même époque, un groupe de travail hors partis se constituait sur la question de la sécurité dans l’espace public, répondant au sentiment diffus d’insécurité de la population locale provoqué essentiellement par le développement du deal de rue. Si le groupe de travail hors partis a remis en cause la politique drogues, il n’a pourtant pas demandé l’augmentation des forces de police ou le renforcement des poursuites contre les dealers et les consommateurs. Pour lui, le seul moyen de répondre au deal de rue et à ses effets délétères est de changer de vision et de pratique dans nos rapports avec les substances illicites. Il demande en particulier que, pour des raisons de politique de sécurité, on renonce à poursuivre la consommation du cannabis et qu’on autorise sa production et sa vente dans un cadre bien précis. Concrètement, il s’agit de retourner le problème et de l’aborder sous l’angle de la politique de sécurité. L’expérience a démontré que l’application rigoureuse des mesures d’interdiction des substances illicites ne permettait ni d’améliorer la sécurité de l’espace public ni de protéger la santé publique. Il faut donc oser franchir le pas et adopter d’autres modes de régulation (Francey 2013). La position du groupe de travail genevois est partagée par différents acteurs du terrain (professionnels socio-sanitaires, police), pour des raisons tant stratégiques qu’opérationnelles (voir en particulier Guéniat/Savary 2014).
En ce qui concerne la collaboration entre le travail de réduction des risques et la police, l’exemple de Genève présente un grand d’intérêt car les autorités chargées de la sécurité y abordent la question de leur propre rôle. Du point de vue de la santé publique, la question des rapports entre la société et les drogues ne se pose plus de la même façon que dans la Suisse des années 2000. Le groupe de Genève a choisi de s’attaquer au marché noir et de reposer la question du rôle des professionnels du socio-sanitaire et de la police. Cela lui permet de discuter des réponses à apporter au sentiment d’insécurité, donc de débattre de vraies questions de politique de sécurité, et de répondre simultanément à la revendication centrale de la réduction des risques: la dépénalisation de la consommation et la mise à disposition de substances de bonne qualité. Il est clair que ces propositions exigeraient de chacun qu’il reconsidère son rôle et que l’on réinterprète la politique des quatre piliers.
Les trois exemples ci-dessus – qui illustrent des modes de collaboration en matière de coordination, de coopération et de poursuite de l’action – présentent plusieurs parallèles. Dans les trois cas, les acteurs locaux ont participé à l’analyse de la situation. Dans les trois cas, il a fallu pour s’attaquer aux problèmes que les deux parties (milieux socio-sanitaires et sécuritaires) reconsidèrent leurs principes de base, leur mission et leur identité. Dans les trois cas, la collaboration ne pouvait fonctionner que sur la base de propositions pragmatiques permettant de progresser parallèlement sur plusieurs problématiques. Le dernier exemple montre bien que cette démarche peut être fructueuse et permet de dégager des solutions dépassant, ou du moins remettant en cause les pratiques actuelles.
L’un des points importants de l’application des mesures de réduction des risques est, de toute évidence, d’accorder et de garantir une certaine marge de manœuvre aux acteurs locaux. Pour les autorités fédérales se pose la question de savoir si ce processus est réellement du pilotable, et à l’aide de quels instruments. En se contentant de faire confiance au potentiel d’innovation des acteurs locaux, elles ne répondraient pas à leur mandat de pilotage du processus et prendraient le risque de voir l’application des mesures s’arrêter à des niveaux différents selon les constellations politiques locales. Cela remettrait en cause les objectifs déclarés de la politique du pays en matière de drogue. Cependant, force est de constater que les solutions ne sauraient être simplement imposées par les autorités fédérales. Les solutions doivent en bonne partie être organisées sur le plan local.
De nombreuses villes suisses ont déjà créé des groupes de travail et des plateformes de collaboration chargés d’appliquer les mesures de politique de la drogue. Il ne s’agit pas que de créations spontanées nées des besoins des acteurs de terrain, mais également d’organes résultant d’une volonté politique. Leur particularité: les compétences décisionnelles y sont confiées aux spécialistes des milieux impliqués (voir Wälti et al. 2004; Kübler 2000). Le principal objectif de ces plateformes est la clarification des rapports entre les professionnels socio-sanitaires et la police et la mise en place des conditions-cadre nécessaires à une bonne collaboration. Les autorités fédérales ont imité cette stratégie en créant leur propre plateforme, la Plateforme de coordination et de services dans le domaine des dépendances (KDS). Sa tâche est d’assurer le transfert des connaissances entre services, organisations et acteurs, d’identifier les interfaces permettant d’agir localement, de favoriser le dialogue sur la mise en œuvre des dispositions légales et de lancer des ponts entre la politique fédérale et les réalités locales. Il ne s’agit pas pour le gouvernement fédéral de décréter le dialogue politique sur l’application des directives prévues par la LStup mais plutôt de créer les conditions nécessaires à son instauration.
Organiser les choses de la sorte, est-ce bien gouverner, est-ce bien piloter? Cela dépend de la vision qu’on a de l’Etat. Les travaux scientifiques sur la question signalent toutefois qu’il n’existe que peu d’alternatives à ce type d’arrangements. La collaboration ne peut pas simplement se décréter. Les lois peuvent difficilement forcer les parties réunies autour d’une table à s’entendre. Une pareille approche ne débouche généralement ni sur le partage d’une compréhension des situations, ni sur un mode de collaboration accepté de part et d’autre (Börzel 1998). En revanche, l’Etat coopératif (voir Braun/Guinand 2009) table sur des formes hybrides de collaboration plutôt que sur les ordres venant d’en haut, le réalisme montrant que ces derniers ne sont pas appliqués.
Ces formes hybrides de gouvernance ne fonctionnent pas automatiquement à satisfaction. La recherche a identifié une série de facteurs qui, non seulement simplifient la gouvernance coopérative, mais lui confèrent aussi toute son efficacité. Hughes et al. (2013) les classent selon huit critères: un accès facilité aux processus de recherche de solutions, la recherche du consensus, une claire attribution et acceptation des responsabilités, la transparence des processus, la réactivité (se donner les moyens de réagir à temps aux problèmes que l’on voit poindre), l’efficacité et l’efficience dans l’utilisation des ressources, l’égalité des chances de participation pour tous les acteurs et l’existence de bases légales au processus. Il est sans doute impossible de satisfaire sans fautes toutes ces exigences, si bien que ces huit critères sont plutôt des principes de bonne gouvernance et que leur utilité est surtout de permettre d’analyser les aspects de la coordination insuffisamment développés ou simplement ignorés.
Le fait que la plupart des villes suisses aient trouvé depuis une bonne décennie la manière de traiter la partie publique et visible de leur «question drogues », et le fait que les plateformes de coopération au niveau local et national continuent de fonctionner suggèrent que la voie choisie par le gouvernement fédéral pour piloter et appliquer les mesures qu’il préconise est appréciée des cantons et des villes. De même, les instruments de pilotage semblent assez souples pour intervenir sur des problèmes dont les contours changent avec le temps. Sans pouvoir qualifier la politique suisse en matière de drogues d’exemple de bonne gouvernance au sens de la définition ci-dessus, on peut se féliciter que l’arrangement actuel ne soit pas ignoré des acteurs chargés de résoudre les problèmes.
L’histoire de la politique suisse en matière de drogues est celle d’un radical changement de cap. L’échec de la stratégie répressive – fondée sur une illusion – a ouvert la voie au développement d’approches intégratives. Les autorités supérieures – ici le gouvernement et les autorités – jouent un rôle important puisqu’il leur revient de créer les conditions permettant de dégager des solutions locales, d’identifier les interfaces et d’assurer la diversité des contributions. Mais dans une approche intégrative, la responsabilité, la compétence et l’inventivité nécessaires à l’émergence des solutions est le fait de chacun. Dans le cas de la politique suisse en matière de drogues, une bonne partie de l’innovation vient de la collaboration entre professionnels socio- sanitaires et la police. A la confrontation initiale – provoquée surtout par la différence des perspectives, des missions et des priorités des deux groupes professionnels – a succédé la voie des arrangements ayant permis de résoudre une série de problèmes locaux, une voie accidentée dont on ne pouvait prévoir qu’elle ouvrirait sur une nouvelle approche de la politique de la drogue.
Avant d’aborder en commun la question de leurs rôles respectifs et de la manière de les interpréter, les professionnels socio-sanitaires et la police doivent bien réfléchir à la nature de leur mission, aux conséquences de leurs actes et, surtout, bien percevoir les objectifs sociaux supérieurs en jeu. Au niveau politique, cela signifie qu’il faut trouver un équilibre entre les objectifs de la santé publique et ceux de l’ordre public, équilibre que la simple interdiction à tout prix de consommer et de détenir des drogues ne suffit pas à établir. Les deux milieux professionnels doivent également pouvoir remettre régulièrement en cause leurs rôles et leurs modes d’intervention, et régulièrement reformuler leurs objectifs de manière à rester en phase d’une part avec l’accompagnement des usagers, et d’autre part avec les tâches de police. Etant donné qu’aussi bien les milieux socio-sanitaires que sécuritaires doivent jouir d’un appui social, politique, professionnel et régional, il semble bien que la recherche de la forme idéale de collaboration ne sera jamais vraiment terminée.