octobre 2004
S. Tresse, N. Garrigues, D Dejardin, J. Royer et T. Feugère, Intersecteur d'Alcoologie des Bouches du Rhône
L’alcoolodépendance est une maladie dont la souffrance s’étend à la famille et à l’entourage. Le trouble du comportement induit perturbe considérablement les relations «mère-enfant» et rend difficile le soutien de la patiente. L’importance de l’alcoolisme féminin se confirme par un taux d’occupation des lits à 25% en hospitalisation «plein temps» et à 50% à l’Hôpital de jour du service. La population de jeunes femmes alcooliques (en âge de procréer) est en augmentation.
Depuis de nombreuses années, l’Intersecteur d’Alcoologie de l’Hôpital Montperrin d’Aix en Provence, des Bouches du Rhône (France) a étendu ses soins à l’accompagnement de la famille à travers:
Depuis 1982, l’Intersecteur d’Alcoologie a intégré, dans sa palette de soins, des espaces de rencontres spécifiques destinés aux familles des patients pour les informer et réfléchir avec elles aux notions d’alcool, d’alcoolisation et d’alcoolisme.
Dans une famille, un ou plusieurs de ses membres peu(ven)t être porteur(s) de la souffrance liée à la maladie, exprimant un dysfonctionnement groupal, dans une demande implicite de résolution. Cette famille peut:
Les réunions permettent d’aborder, avec les familles, l’avenir en termes positifs et faciliter la reprise du dialogue et reposer une base où chaque membre pourra retrouver toute sa place.
Le cycle d’information et d’expression au rythme de quatre réunions par mois s’est enrichi en 1993 d’entretiens avec les conjoints ou accompagnants, au moment même de la consultation de pré-cure du patient avec le médecin, par un autre membre de l’équipe (assistante sociale, psychologue ou personnel infirmier), un infirmier participant à la consultation avec le médecin.
En terme d’accompagnants, nous entendons la famille mais aussi toute personne soutenant le patient dans sa démarche, des professionnels médicaux (médecin, personnel infirmier), sociaux (assistantes sociales, éducateurs…) ainsi que des amis.
Il est abordé dans ces entretiens tous les aspects de l’alcoolodépendance et du vécu de l’entourage, ainsi qu’une présentation du Centre, de la cure et des soins. Cette première ouverture permet à l’accompagnant de retrouver sa place dans l’évolution du patient dans son projet d’abstinence.
C’est dans cette logique d’accompagnement familial qu’est apparue la nécessité d’organiser un groupe réservé aux enfants, dans une intention explicative. Il s’agit, pour cet enfant, de reconnaître la difficulté qu’il a eu à prendre un rôle qui n’est pas le sien quand l’autre est dans l’impossibilité d’assumer son rôle de parent, le tout dans une grande confusion où l’affectivité intervient.
Depuis 1995, les réunions, une tous les deux mois, s’adressent aux enfants (entre 7 et 17 ans) des patients encore hospitalisés ou déjà sortis de notre Service. Ce groupe est le révélateur de lourds secrets confiés au nounours ou à la meilleure amie… C’est la règle du silence, de la colère, de l’incompréhension, de la culpabilité, de la honte, ou du désespoir…
Cette réunion est un moment d’échange du vécu et des expériences. Elle révèle les capacités des enfants à accompagner ce parent malade de l’alcool et défaillant. De petits adultes, conscients des notions de dépendance, dans une attitude de soignant: «Je le surveille, je lui tiens la main…», vivent dans la peur ou la violence, l’isolement ou la fuite, dans une attitude de révolte et de désordre affectif. L’enfant montre toujours sa loyauté envers son parent, quelle que soit l’expression de sa maladie.
Donner un espace à la parole, briser le silence, expliquer la maladie, recevoir leur vécu, redonner à l’enfant sa place d’enfant, de l’espoir… nous conforte dans notre volonté d’accompagner les enfants dans ce parcours combien chaotique.
De cet accompagnement des familles et des enfants découlait la nécessité de pouvoir accueillir les mamans avec leur bébé, soigner sans rompre la relation Maman-Bébé.
En 1997, lors de la rénovation architecturale du Service, nous avons inclus l’installation de trois chambres «Mère-Bébé». L’architecte a choisi de les implanter en bout de bâtiment pour éviter que les pleurs des enfants ne gênent le repos des autres patients. Elles ont été rapprochées depuis au plus près de la salle de soins pour une meilleure surveillance médicale. Une salle de propreté et une biberonerie ont complété l’équipement nécessaire à cet accueil, à la demande du médecin de la PMI.
Devant l’inquiétude de l’équipe soignante à s’occuper d’un nourrisson (en cas d’incapacité de la mère), la Direction a pris soin de confirmer les aptitudes du personnel infirmier à porter tous les soins nécessaires.
Compte tenu des consignes de sécurité des locaux, l’accueil a été réservé aux enfants de moins de 1 an. L’enfant n’est pas hospitalisé, il accompagne sa maman pour lui permettre d’accéder aux soins sans en être séparé. Il est accueilli, dans la journée de 9 à 17 heures, à la crèche du personnel de l’Hôpital. La mère accompagne son bébé à la crèche avec un membre de l’équipe (en civil). Le personnel de la crèche ne connaît pas l’histoire de l’enfant, dans le respect du secret professionnel. La maman garde la responsabilité de l’enfant et pourvoit à tous les besoins (consommables) de l’enfant. Aucun prix de journée d’hospitalisation n’est facturé à la maman, autre que celui de la crèche.
Ce moment libre, dans la journée, permet à la maman de bénéficier des soins spécifiques (consultations, sevrage, travail de groupe de parole, relaxation…) et des différentes activités (arthérapie, esthétique..).
Si l’équipe infirmière porte toujours un regard bienveillant et assiste la maman en cas de besoin (sevrage difficile, par exemple), les professionnels ne souhaitent en aucun cas intervenir dans la relation mère-enfant.
Ils redonnent à cette femme son rôle de mère et tous les actes destinés à l’enfant sont réalisés à la demande de la maman.
Les enfants en bas âge peuvent soit être pris en charge par la famille soit être accueillis en pouponnière.
Cependant, le nouveau-né constitue souvent un frein à l’hospitalisation de la maman qui ne veut pas être séparée de son tout-petit.
Il est important de conserver ce lien mère-enfant, fragilisé par la maladie de la maman. L’accueil mère-enfant répond au désarroi des professionnels et renforce la maman dans son rôle de parent, éducatif, nourricier où l’affectif peut prendre toute sa place.
A ce jour, ce projet reste au stade expérimental, compte tenu du nombre d’admissions dans ce protocole.
Beaucoup de variables sont apparues ne permettant pas de lecture objective sur la pertinence de ce projet. Ce qui nous amène au questionnement suivant: