octobre 2004
Selon les estimations de l’ISPA, de 50’000 à 100’000 enfants grandissent dans une famille touchée par les problèmes d’alcool en Suisse. Au-delà des chiffres se dessine un quotidien douloureux, fait de peur, d’isolement, d’incertitude et de confusion. A l’âge adulte, ils courent un risque important de développer une dépendance à leur tour. On connaît aujourd’hui les facteurs de vulnérabilité de ces enfants: risque génétique, environnement social défavorable, dépressions, etc. Les facteurs protecteurs ont eux aussi été identifiés: parmi eux, le maintien de rituels familiaux, un attachement émotionnel stable en dehors de la famille, une bonne estime de soi.
Pourtant, force est de constater que, dans notre pays, le traitement de cette problématique est le fait d’initiatives isolées et trop peu nombreuses.
La souffrance des enfants dans un milieu régi par l’alcool est encore un sujet tabou, quand il n’est pas tout simplement nié. C’est pour cette raison que la revue dépendances a voulu s’associer à la 8e Journée de solidarité avec les personnes touchées par l’alcool, qui aura lieu le 11 novembre.
En traitant ce thème, les organisateurs souhaitent que lese nfants et les jeunes concernés se reconnaissent et osent demander de l’aide, et que les milieux professionnels de l’enfance et du traitement des dépendances mettent davantage en réseau leurs compétences pour les accompagner.
Améliorer le dépistage des situa-tions à risque par une meilleure information, développer des offres d’aide spécifiques, telle est la demande qui émerge également au fil des articles de ce numéro. Cela demande l’élaboration de stratégies soigneusement pensées, car la découverte d’une telle toile de fonds familiale, par un enseignant par exemple, implique une entrée dans la sphère privée des personnes, où le devoir de réserve doit parfois céder le pas au devoir de signaler.
Il est nécessaire d’agir, non seulement pour que ces enfants aient une meilleure chance de s’épanouir dans la vie adulte, mais aussi parce que soutenir les enfants, c’est permettre une dynamique de changement dans la famille touchée par l’alcool.
En étoffant ce numéro de témoignages, la revue dépen-dances désire mettre en lumière une réalité qui blesse, car elletouche à l’enfance. Plus qu’une sensibilisation, souhaitons que la 8e Journée de solidarité soit aussi l’occasion d’une prise de conscience de la responsabilité que tous, adultes, nous avons à l’égard de la protection de la jeunesse.
Corine Kibora (ISPA)