septembre 2022
Sandrine Perrier (co-facilitatrice en respiration holotropique)
La respiration holotropique (RH) est une méthode d’autonomisation personnelle et d’auto-exploration de soi non pharmacologique, qui a pour but d’accéder à d’autres champs de connaissances. Elle s’inspire de différentes méthodes d’exploration de la conscience, dont le chamanisme qui a toujours misé sur les expériences d’états altérés (jeûne, isolement, transe, rites de passage, etc.) pour accélérer le travail psycho-corpo-spirituel. La mobilisation des ressources énergétiques de l’inconscient par le travail de RH entraine des réaménagements profonds, tant sur le plan psychique que corporel, amenant la personne dans un « mouvement vers sa totalité ». Popularisé dans les années 70, le terme « holotropique » signifie littéralement « mouvement vers la plénitude » (du grec holos = entier/tout et trepo/trepein = qui se dirige vers).
Cette approche consiste à accéder au potentiel de l’impulsion de guérison intérieure de chaque individu (Inner Healer). La RH permet une expansion de conscience transformative positive qui s’appuie sur notre sagesse intérieure innée et ainsi accéder vers une métamorphose psychique, physique, émotionnelle, mentale, voir spirituelle. L’accès à cet état amplifié de conscience est possible grâce à un travail de respiration, qui provoque une hyperventilation. Le processus lui-même utilise des moyens très simples : il associe une respiration profonde et accélérée à une musique évocatrice (playlist) et une forme spéciale de travail corporel proposée par le facilitateur (bodywork).
Cette méthode a été créée par un psychiatre, le Dr Stanis-lav Grof, dont la carrière s’étend sur une période de plus de 60 ans. Dans le milieu de la psychologie transpersonnelle, Stanislav Grof est considéré comme le grand théoricien des états mentaux altérés 1. Né à Prague en 1937, il a étudié et pratiqué la psychiatrie en Tchécoslovaquie avant d’émigrer aux États-Unis, en 1967. Il a enseigné à l’Université John Hopkins où il a notamment mené des recherches sur le potentiel thérapeutique des drogues psychédéliques. Ses études sur le LSD aboutissent à l’idée que certains problèmes psychiatriques, classés comme psychoses, sont en réalité des expériences spirituelles et que le LSD et d’autres substances psychédéliques peuvent être des outils de guérison en psychologie et psychiatrie 2.
En 1973, il se rend en Californie, à l’institut Esalen, centre d’éducation alternatif destiné aux études multidisciplinaires, ordinairement négligées pas les académies traditionnelles. Là-bas, il continue son travail sur les états de conscience élargis sans substances psychédéliques, suite à l’interdiction des psychédéliques en 1966 aux USA. C’est dans la mouvance de cette époque – et des thérapies visant à unifier les plans corporel, mental et spirituel – que Grof élabore avec sa femme Christina la technique de respiration holotropique à laquelle il continue de se consacrer aujourd’hui. Avec son mouvement, il crée une certification qui ancre les principes de cette technique avec le Grof Trans-personal Training (GTT) 3.
Cette technique s’adresse à toute personne cherchant à se libérer de nœuds émotionnels, de blocages énergétiques, de souvenirs traumatiques ou simplement pour une exploration intérieure. Elle peut aider à se défaire des traumas qui ont pu être induits tout au long de la vie, par exemple lorsqu’une dynamique familiale dys-fonctionnelle a laissé des empreintes négatives amenant la personne à des comportements dont elle voudrait se débarrasser. Lorsqu’un déroulement inapproprié est imposé à la personne, soit par la culture ou l’éducation parentale, elle peut se retrouver sur un chemin de vie qui ne lui est pas/plus approprié. Ce que les personnes expérimentent et découvrent avec la RH, serait « ce qui vit en elles ». Les sessions de RH permettent d’accéder à des souvenirs d’enfance pertinents sur le plan émotionnel et à d’autres questions biographiques, à des séquences de mort et de renaissance psychologiques, ainsi qu’à un large éventail d’expériences transpersonnelles. Il n’est pas rare que les participants parlent d’expériences de « contact cosmique ». Fréquemment, les gens disent avoir « revécu leur naissance ».
Lors d’une séance de RH, la personne pratique simplement une respiration ample et rapide pour l’amener dans un état d’hyperventilation. L’exercice, qui dure 3 heures, permet d’entrer dans un état de conscience élargi/ augmenté (on différencie ici l’état de conscience élargi/ augmenté, qui est induit par une transe « naturelle » et l’état de conscience modifié, qui lui, est induit par une substance). Cet état élargi/augmenté donne l’occasion à l’esprit de changer de mode de fonctionnement. Selon Grof, le simple fait de se retrouver dans cet état suscite une activité thérapeutique spontanée. Aucun autre apport n’est nécessaire pour que l’inconscient fasse émerger les conflits qu’il recèle et, surtout, qu’il les traite. La méthode demande seulement d’accueillir ce qui émerge, et de profiter du fait que l’inconscient donne temporairement accès à certains de ses secrets. Malgré les inconforts possibles (cris, larmes, tremblements, rires, frissons, crampes ou douleurs), le contexte sécuritaire aide à supporter l’expérience et à en profiter. Évidemment, celle-ci diffère d’une personne à l’autre et, pour une même personne, d’une séance à l’autre. N’étant orientée par aucun dogme, aucune philosophie, cette approche n’influence pas l’expérience.
Facilitateur
Le/la facilitateur·trice (facilitator) est garant du cadre de sécurité (hold the space). Il veille à ce que les respirant·e·s bénéficient d’un encadrement optimal pour vivre leur expérience en toute confiance et en sécurité (par exemple, veiller à l’intégrité physique lors d’agitations). Il permet aussi de garantir que le cadre de la séance soit propice à la réalisation de son potentiel expressif. Il/elle peut aussi effectuer un travail corporel (bodywork) : enveloppement, contention, pression/contre-pression sur des douleurs diverses. Ceci a pour but de soutenir la libération des blocages ou des émotions. Cette pratique se fait uniquement par les facilitateur·trice·s et ce toujours dans le respect et les limites de la demande du/de la respirant·e.
Seul·e·s les praticien·ne·s certifié·e·s par la GTT sont autorisé·e·s à pratiquer la RH. Il/elle a acquis lors de son cursus de plus de 150 heures d’expériences personnelles en ateliers de RH dirigées par des praticiens certifiés eux-mêmes. Dans la formation sont aussi requis au minimum 7 ateliers thématiques de 6 jours (psychopathologie, urgence spirituelle, travail sur le corps, réalisation de playlist, etc.). 10 heures de consultation individuelle avec un praticien certifié et un stage intensif final de certification de 10 jours complètent la formation 4.
Respirant·e
Le/la respirant·e (breather) est la personne qui « respire » et qui vit l’expérience. Il/elle jouit d’une totale liberté de mouvement et d’expression dans son périmètre. Il ne se préoccupe que de son propre processus, les facilitateurs veillant à sa sécurité. Cependant, la RH peut être déconseillée pour les personnes souffrant de certains troubles psychiatriques avérés, de convalescence postopératoire, ou ayant eu un décollement de rétine. Aussi, une attention particulière doit être portée aux participants souffrant d’asthme ou d’hypertension. Dans ces deux derniers cas, la respiration peut néanmoins se faire, mais à un rythme plus adapté. Pour prévenir ces risques, il/elle remplit un formulaire sur l’état de santé avant chaque séance.
Accompagnant·e
Chaque respirant·e forme un binôme avec une autre personne, l’accompagnant·e (sitter). Pendant que cette dernière respire, il/elle va jouer le rôle de sitter. Le/la sitter veille pendant toute la durée de la RH sur son/sa respirant·e. Il/elle offre sa pure présence et n’intervient à aucun moment du processus. Si un problème devait survenir, elle appelle un·e facilitateur·trice. Durant toute la séance, il focalise son attention sur le processus vécu par le/la respirant·e, sans intervenir, lui offrant en retour une expérience empathique très intense.
Bien qu’une séance puisse se dérouler individuellement, la RH se pratique majoritairement en groupe, dans lequel plusieurs facilitateur·trice·s certifié·e·s sont mobilisé·e·s. Plus qu’une thérapie de groupe, il s’agit plutôt d’une expérience individuelle pratiquée collectivement, chaque participant·e pouvant ainsi profiter de l’énergie mobilisée par l’ensemble des protagonistes. La catharsis du groupe a son importance dans le processus. Selon la formule choisie, l’expérience se déploie sur un ou deux jours, dans une salle prévue à cet effet.
Un·e facilitateur·trice offre d’abord une introduction théorique et pratique pour expliquer le déroulement du travail. Après un cercle de paroles, afin que chacun puisse se présenter, les binômes de respirants-accompagnant sont définis. Puis commence la session à proprement parler. Le/la respirant·e est allongé·e sur un matelas, un bandeau sur les yeux, son accompagnant·e choisi·e au préalable, reste assis·e juste à côté.
Une playlist évocatrice et puissante est lancée. La respiration accentuée se fait plus profonde et plus rapide. « Le voyage » de 3 heures peut ainsi commencer, laissant à la personne l’espace de se laisser surprendre par ce qui émerge de son conscient ou son inconscient. Durant la séance, les images et les sensations se modifient à plusieurs reprises, aidées en cela par le rythme rapide et soutenu de la musique. Le bodywork peut être demandé à n’importe quel instant de la session. Après une phase physiquement intense, les représentations mentales peuvent, au fur et à mesure que la musique s’adoucit, devenir graduellement plus calmes, parfois plus abstraites. Puis l’organisme se prépare naturellement à mettre fin à l’expérience. Suit aussitôt un exercice de dessin, qui permet de se faire une autre « image » des sensations vécues.
Par la suite, les rôles sont inversés. Le binôme restant le même, celles et ceux qui respiraient deviennent, à leur tour, les accompagnants. Les 2 facettes de l’expérience sont importantes pour comprendre et assimiler ce qui vient de se dérouler. En fin de journée et après que les 2 partenaires du binôme aient fait l’exercice et le dessin, une période d’échange verbal favorise l’intégration.
Stanislav Grof a formalisé une cartographie élargie de la psyché humaine, vécue pendant la séance. Elle comprend quatre thèmes principaux 5:
La RH est un espace dédié à la pure expression de soi, où l’on peut tout laisser vivre ce qui est, à l’exception de faire du mal à soi ou aux autres. Pleurs, régression, béatitudes, hystéries, tous ces états sont les bienvenus dans ce cadre. Le travail sur le plan psychique et physique se fait dans le même mouvement, ce qui permet de reconnecter avec son corps, à ce qui se passe en nous et autour de nous, justifiant pleinement le terme « holotropique », puisqu’elle ouvre l’accès à plus grand que soi. Elle peut s’utiliser pour un large public et venir en soutien à un spectre étendu de difficultés psychiques, y compris les troubles addictifs 7.
Cette technique moderne permet parfois des accélérations déterminantes dans le processus de guérison de certains traumatismes et peut raccourcir de longs traitements. On peut la voir comme un accélérateur de résultats. Cette méthode simple pour « recontacter son guérisseur intérieur » constitue un bon complément à d’autres formes de thérapies. Actuellement, seuls 3 thérapeutes formés certifiés GTT opèrent en Suisse romande. Avec l’ardeur actuelle qu’éveillent les états élargis de conscience, la RH connait actuellement un regain d’intérêt et pourrait rapidement se développer dans les années à venir.