juillet 2014
Etienne Maffli (Addiction Suisse, Lausanne)
Le cannabis est en Suisse de loin la substance la plus consommée parmi les substances illicites. Sur la base des résultats de l’enquête CoRolAR 1 menée annuellement auprès de la population générale depuis 2011, on peut supposer qu’environ 3 personnes sur 10 de la population résidente âgée de 15 ans et plus a déjà expérimenté le cannabis. L’usage actuel (« au cours des 30 derniers jours ») constaté par cette enquête concerne environ 3 % de la population de 15 ans et plus. En extrapolant, ce sont donc autour de 200’000 personnes qui consommeraient activement du cannabis en Suisse. Une sous-estimation de ces chiffres ne peut cependant pas être exclue, étant donné que des activités socialement sanctionnées peuvent être passées sous silence dans le cadre d’enquêtes auprès de la population.
En regardant ces résultats de plus près, il faut d’abord noter que l’usage actuel s’avère être au moins deux fois plus élevé chez les hommes que chez les femmes. Ensuite, la grande majorité des usagers actuels de cannabis se trouve parmi les groupes d’âge de moins de 35 ans. Les taux les plus élevés sont observés parmi les 15-24 ans avec presque 10 % d’usagers actuels dans cette classe d’âge. Les résultats de l’enquête HBSC 2 de 2010, représentative pour les écolières et écoliers des derniers degrés de l’école obligatoire, révèlent que l’usage actuel de cannabis est déjà bien répandu auprès des adolescents (8.3 % des jeunes de 14 ans et 13.2 % des jeunes de 15 ans). Concernant le contexte culturel, les chiffres de l’enquête CoRolAR sont très semblables en Suisse romande et en Suisse alémanique, mais la Suisse italienne se distingue par des taux nettement inférieurs.
Selon les résultats de l’enquête CoRolAR, environ un tiers des usagers actuels de cannabis consomment au moins 10 jours par mois. Les seuils d’un usage problématique de cannabis sont cependant difficiles à déterminer sur la base de l’état actuel des connaissances. En 2012, un module de questions cherchant à détecter la consommation problématique de cannabis (CUDIT (CUDIT) 3 a été appliqué dans le cadre de l’enquête CoRolAR. Les résultats révèlent une proportion de 1.3 % d’usage problématique auprès de la population générale (dès l’âge de 15 ans). Parmi les personnes âgées de 15-29 ans, ce taux se situait à 5.1 %. Ici également, il faut tenir compte de l’éventualité d’une sous-estimation de ces proportions en raison de la désirabilité sociale.
Les résultats de l’Enquête suisse sur la santé (ESS) mise en place dans les années 90 et effectuée tous les 5 ans offrent un certain recul pour se rendre compte de l’évolution dans le temps. Les prévalences de l’usage actuel n’ont que très peu varié dans les enquêtes de 1997 (3.4 %), 2002 (3.7 %) et 2007 (3.4 %) et ne semblent pas être très différentes des prévalences établies récemment par l’enquête CoRolAR, même si ces chiffres ne sont pas directement comparables en raison de questions posées différemment. Contrairement à la situation relativement stable observée concernant les prévalences, les dénonciations pour consommation de cannabis n’ont cessé d’augmenter entre 1990 et 2013 selon les statistiques des stupéfiants de l’Office fédéral de la statistique. De même, une tendance à l’augmentation des demandes de prise en charge liées au cannabis (problème principal) peut être observée parmi les centres d’aide participant au monitorage act-info 4 entre 2006 et 2012.
Si les dénonciations pour consommation de cannabis et la demande de prise en charge thérapeutique liée à ce comportement sont en augmentation, alors que les résultats d’enquêtes auprès de la population ne semblent pas indiquer une telle tendance, c’est peut-être que la perception de la dangerosité et par là même l’acceptabilité sociale de l’usage de cannabis se sont péjorées au cours des 15 à 20 dernières années. Il est probable que le taux de substance active (THC) en augmentation dans les plantes de cannabis et les conséquences nocives suspectées à cet égard ne soient pas étrangers à l’évolution de cette perception. Cependant, les récents rebonds quant au statut légal de la consommation de cannabis dans quelques États et pays américains ainsi que les échos de ces développements dans l’opinion pourraient à nouveau changer l’image de cette substance.
Cet aperçu a été rédigé sur la base du site http://www.monitorage-addictions.ch/fr.html qui permet d’aller plus loin dans la recherche de données épidémiologiques et de consulter toutes les sources mentionnées.