décembre 2021
Martine Lacoste, Catherine Delorme (Fédération Addiction)
Nous écrivons ces lignes au moment où la « cinquième vague » de contamination par le COVID 19 sévit. 5 vagues qui ont bouleversé et continuent de bouleverser le réel de la vie de beaucoup de personnes, de leur quotidien, ainsi que leur représentation de la liberté. De notre place de soignants, d’accompagnants, nous constatons une altération générale de la santé mentale avec la révélation de troubles dépressifs, anxieux, ainsi que de stress.
Parmi les épreuves, celle du confinement fut notable pour la population générale, pour les consommateurs de substances psycho-actives et tout particulièrement pour les plus fragiles psychologiquement et/ou socialement.
Elle a confronté une partie de la population à la solitude, la perte d’emploi, l’expérience du temps, à la place des consommations et aux fonctions d’usage. Pour certains, l’expérience du vide, a révélé le besoin de béquilles individuelles, de consolation, compensation, de trouver des solutions en réaction à un collectif défaillant.
Dans l’histoire moderne des épidémies, la crise du COVID 19 est la première qui vient impacter la population générale et donc les consommateurs. Les modalités de consommations, d’approvisionnement des substances, ainsi que le rapport, singulier, aux produits ou aux comportements addictifs sans substance ont été traversés par cette sidération générale.
Les plus précaires ont subi la déstabilisation de leurs stratégies de survie, d’obtention de ressources issues de la manche, du travail du sexe…etc ; une situation qui a obligé le dispositif à inventer des stratégies de protection et d’accompagnement et à accélérer les processus d’innovations.
Les épidémies agissent comme révélateurs pas seulement dans certaines communautés (consommateurs repérés) mais dans un système tout entier (politique, économique, social, sociétal etc …).
Le SIDA et ses modes de transmission avaient radicalement bouleversé et de façon définitive, les pratiques en imposant la RDR, et en convoquant les politiques de santé publique à les officialiser, et les acteurs à faire évoluer leurs pratiques, enfin les personnes concernées à prendre une parole publique.
La contamination par la COVID a touché toutes les populations, a fait émerger la question de l’alcool et du tabac et fait sortir la RDR d’un périmètre du champ spécialisé pour l’inclure auprès d’une population plus large.
La vision de la nécessité de la RDR alcool s’en trouve alors accélérée ; cette épidémie jouant, à son tour, son rôle de révélateur et d’accélérateur d’évolution des pratiques professionnelles vers les dispositifs de droit commun.
Cette revue aborde 3 grands thèmes :
Les achats des substances, les modalités d’approvisionnements et pratiques de consommation
L‘adaptabilité des professionnels afin de développer des stratégies visant à maintenir le lien et poursuivre les accompagnements
Les effets du confinement sur la politique des drogues.
Parallèlement aux effets délétères de l’épidémie et du confinement, cette crise – comme toutes les crises – génère des effets positifs.
Elle a rendu visibles des actions de terrain confidentielles, peu valorisées ou peu assumées par les institutions et politiques publiques. Car l’évolution constatée des pratiques professionnelles relève autant d’une frénésie d’innovations que d’une confirmation des expérimentations en cours en matière d’accompagnement et de méthodes d’intervention. Dans cette période paradoxale où la vulnérabilité éclate, toute initiative peut devenir possible, il reste un dernier rempart, la politique des drogues.
Du côté de la loi, l’expérience du confinement a continué de confirmer – puisqu’il en est encore besoin – l’inefficacité, pire, les effets contre-productifs d’une guerre à la drogue qui se confond avec une guerre aux drogués.
La crise et son diptyque révélateur/accélérateur de pratiques a ont permis aux politiques de santé publiques de structurer des expérimentations, de les officialiser et de les institutionnaliser.
Reste à la politique des drogues, à impulser un tournant, pour quitter la prohibition et nous engager vers de nouvelles régulations.
Dans ce domaine l’aspect révélateur est resté stérile…
faudra-t-il attendre une révélation ?