décembre 2023
Bettina Schildknecht, Rachel Boulé (Fondation Aigues-Vertes) et Fabienne Grondin-Giletti (HUG)
Dans une dynamique inclusive, les professionnels·les de l’addiction sont de plus en plus amenés·es à repérer les situations particulières de personnes dépendantes aux substances qui présentent également une déficience intellectuelle légère (DIL), afin de leur proposer un accompagnement personnalisé et un programme adapté.
C’est ainsi qu’en Suisse romande, les champs du handicap et des addictions ont uni leurs forces et croisé leurs regards. Sous l’impulsion du Groupement romand d’études des addictions (GREA), les Hôpitaux universitaires de Genève, la Fondation Aigues-Vertes et l’association Argos se sont engagés dans un projet collaboratif interdisciplinaire pour tester un modèle d’intervention adapté aux personnes vivant avec une DIL, développé par Tactus, une clinique néerlandaise.
Une trentaine de personnes vivant avec une DIL, âgées de 20 à 78 ans, ont participé au projet. Elles ont chacune bénéficié d’un SumID-Q « Substance Use and Misuse in Intellectual Disability – Questionnaire », un entretien de repérage d’une heure. Le SumID-Q documente l’étendue des connaissances de la personne, son attitude face aux substances, l’usage éventuel de celles-ci, les conséquences de cet usage et les motivations pour changer sa consommation.
L’entretien débute par un jeu avec des images qui représentent des substances connues telles que la cigarette, la bière, la cocaïne, etc. Ce jeu permet d’introduire progressivement le sujet en parlant des psychotropes de manière générale. L’entrevue se poursuit avec des questionnaires spécifiques permettant d’approfondir les thèmes relatifs aux produits reconnus par la personne. Trois questionnaires en moyenne ont été réalisés par participant·e.
Suite aux questionnaires, six personnes âgées de 25 à 43 ans vivant avec une DIL, concernées par les consommations problématiques, se sont portées volontaires pour suivre le programme MDA « moins de drogues et d’alcool », issu des théories de l’entretien motivationnel et de la thérapie cognitivo-comportementale (TCC).
Le MDA regroupe douze thèmes 1 en langage simplifié. La méthode contient de nombreux exercices à mettre en pratique dans la réalité du quotidien, selon un rythme individualisé, avec l’aide d’une personne de confiance que le/la participant·e choisit au préalable parmi son entourage, ses proches ou son réseau social. La personne de confiance soutient le/la participant·e dans la mise en pratique des compétences acquises tout au long du suivi.
Pendant trois mois, chaque semaine est rythmée par un thème et deux rencontres. La rencontre individuelle d’une part, qui sert à présenter et à expliquer le thème de la semaine. La rencontre de groupe d’autre part, qui permet aux participants·es d’échanger autour de leurs expériences, de répéter les concepts et d’entraîner de nouvelles compétences.
Au terme du processus, l’évaluation qualitative a confirmé la pertinence des outils. Les questions relatives aux connaissances des substances et les corrections apportées lors des séances ont permis de renforcer la prévention et de réduire les risques liés à la consommation.
Les personnes concernées ont particulièrement apprécié les espaces de parole individuels et collectifs, les divers outils utilisés et l’attitude de non-jugement des participants. Témoignant d’une autonomie renforcée, ils/elles espèrent recevoir un accompagnement sur le long terme 2.
Une vision nouvelle se dessine, centrée sur l’accessibilité aux soins et l’égalité pour tous. Les personnes vivant avec une DIL disposent aujourd’hui d’un suivi adapté qui répond plus efficacement à leur situation globale et contribue à améliorer leur qualité de vie.
Ce projet nous a permis de mettre en œuvre deux outils innovants que les institutions sociales peuvent intégrer à leurs pratiques. La volonté d’aller plus loin, de créer davantage de synergie et de bâtir des ponts entre ces deux champs ouvre de nouvelles perspectives d’accompagnement.