décembre 2004
Eva Wiesendanger (CDAS)
Il y a actuellement en Suisse quelque 170 institutions de thérapie résidentielle des dépendances qui, selon le canton et leur mandat, dépendent de divers départements ou relèvent de la responsabilité des communes.
Ces six dernières années, quelque 40 institutions ont dû fermer leurs portes, de nombreuses autres se trouvent dans une situation financière dramatique et ne savent pas combien de temps encore elles pourront maintenir leur offre. Le couperet menace aussi indifféremment celles qui, quoique ayant rempli leurs obligations professionnelles, qualitatives et gestionnaires, sont malheureusement victimes du vide créé par le retrait financier de l’assurance invalidité.
Le fait est là: le domaine de la thérapie résidentielle des dépendances ne cesse d’évoluer, les institutions professionnelles investissent beaucoup de savoir et de ressources pour mettre à disposition de différents groupes-cibles des offres spécifiques tenant compte de besoins qui se sont fortement modifiés ces dernières années. Mais cela a un prix qui – à défaut de standards de prestation et de qualité – ne peut plus guère être contrôlé ni augmenté ou diminué en conséquence. Ce n’est cependant dans l’intérêt ni des personnes tentant de sortir de leur dépendance, ni dans celui de la politique sociale cantonale de laisser le pilier de la thérapie et de la réhabilitation devenir un luxe ou, au contraire, de le solder au profit des places les moins chères.
Dès 1998, lorsque cette crise débuta, Confédération et cantons cherchèrent, en étroite collaboration, comment poursuivre – y compris dans le domaine résidentiel – la stratégie menée jusque-là avec succès en matière de politique des dépendances. La Confédération était prête à promettre des montants compensatoires pour la période de transition vers un modèle intercantonal satisfaisant de financement. Les cantons et la CDAS, de leur côté, ont montré – en collaborant au développement du modèle en question ainsi que dans le cadre de projets pilotes – leur volonté de trouver une solution nationale.
Si, finalement, aucun modèle de financement national suisse n’a réussi à s’imposer, des modèles comparables quant à leur finalité sont actuellement en cours d’élaboration et mis en œuvre au niveau régional.
Par ailleurs, ces dernières années ont vu le développement d’importants instruments aujourd’hui déjà directement utilisables dans le cadre de ces modèles régionaux:
Contrairement à d’autres institutions du domaine social, les institutions résidentielles s’occupant de dépendances disposent donc déjà des principales bases professionnelles pour une collaboration intercantonale.
C’est là un élément certes indispensable, mais pas suffisant. Avec le retrait de l’AI et l’introduction de la RPT (nouvelle péréquation financière, soumise à votation en novembre 2004) «la parenthèse fédérale» en vigueur jusque-là va tomber et les cantons seront responsables de la collaboration au plan national des institutions sociales 1. Qu’il faille à cet effet des conventions plus formelles va de soi: la planification dans le domaine des institutions sociales doit certes constamment tenir compte de l’évolution des besoins, mais supporte mal de brusques changements d’orientation.
Il est cependant indispensable de disposer d’obligations et de conventions minimales auxquelles cantons et services placeurs puissent se fier. Les conventions intercantonales ne sont certes pas un instrument nouveau dans le domaine social. C’est ainsi que la Convention intercantonale relative aux institutions (CII), en vigueur depuis 1987, a largement fait ses preuves. Bien que destinée d’abord, à l’origine, au règlement intercantonal des charges financières (entre cantons mettant à disposition des institutions et cantons qui en font usage), le besoin s’est fait peu à peu sentir d’étendre cette collaboration au-delà de simples questions de coûts. Furent ainsi abordées la possibilité d’une planification intercantonale, l’introduction d’une amélioration et d’un contrôle systématique de la qualité, ainsi que l’admission de nouveaux types d’établissements dans la convention.
Aussi la CII fut-elle soumise à une révision de fond. Les procédures de calcul et d’indemnisation des prestations furent adaptées aux exigences actuelles et une attention accrue fut portée aux exigences de qualité. Une importante innovation résida dans l’accueil des «institutions résidentielles s’occupant de dépendance» et des «écoles spécialisées». De surcroît, la convention se vit attribuer un statut juridique clair de concordat intercantonal ainsi qu’un nouveau nom: la CII se transformant en Convention intercantonale relative aux institutions sociales (CIIS).
Cette CIIS fut mise sur pied par la CDAS en 2002 en même temps que s’ouvrait aux cantons la procédure d’admission (parallèlement à la procédure de retrait de l’ancienne CII). Actuellement, six cantons ont adhéré à la CIIS, une procédure d’adhésion étant en cours dans cinq autres. Quelques autres cantons nous ont informés oralement avoir entamé cette procédure. Nous espérons que les adhésions seront suffisamment nombreuses à fin 2004 pour pouvoir faire entrer en force la convention en 2005.
D’un point de vue technique, le processus d’adhésion ne doit pas être sous-estimé: selon les cantons, la signature d’une telle convention intercantonale doit être approuvée par le parlement cantonal ou le peuple. Alors qu’à Bâle-Ville, par exemple, une décision du gouvernement suffit, l’affaire relève à Fribourg de la compétence du parlement et nécessite, dans les Grisons, une votation populaire. A titre d’illustration, rappelons qu’il fallut trois ans pour que la procédure d’adhésion à l’ancienne CII fut close dans 13 cantons et que cette convention puisse entrer en vigueur (1984 – 1987) – même si, aujourd’hui, 24 cantons sur 26 en font partie.
Les cantons peuvent choisir les catégories d’établissements de la convention CIIS auxquelles ils veulent adhérer (Domaine A = foyers pour enfants et adolescents; Domaine B = institutions pour adultes; Domaine C = institutions résidentielles pour le traitement des dépendances; Domaine D = écoles spécialisées). Les réponses reçues jusqu’ici montrent que les cantons n’adhéreront pas sans autre à la liste C. La raison pourrait notamment en être qu’il ne s’est définitivement révélé qu’à fin 2003 que le modèle de financement FiDé ne serait pas introduit à l’échelle nationale. Y contribue peut-être aussi la tendance à privilégier des offres ambulatoires ou le fait que certains cantons ont délégué le domaine résidentiel traitant des dépendances aux communes.
Du point de vue de la CDAS cependant, l’entrée de la thérapie résidentielle des dépendances dans la CIIS constitue une étape essentielle pour consolider une offre professionnelle et de qualité dans ce domaine 2. En effet, les offres spécialisées ayant une clientèle relativement réduite, elles ont besoin d’un bassin de recrutement relativement étendu alors même que l’accès à une offre thérapeutique adaptée à leurs besoins doit être garanti aux usagères et usagers, au-delà des frontières cantonales ou régionales. D’un point de vue thérapeutique aussi, une certaine distance entre l’institution thérapeutique et le lieu de vie antérieur peut être indiqué. Afin que ce triage professionnellement fondé puisse effectivement être mis en œuvre et ne se heurte pas à des obstacles administratifs, il faut disposer d’une procédure de placement aussi peu compliquée que possible entre les cantons dans le cadre d’une convention.
La première Conférence nationale sur la drogue (NaSuKo) se déroula, en 1991, dans un climat politique des plus chauds. Le grand public, confronté aux images dramatiques du Platzspitz à Zurich, attendait des solutions rapides de la part des politiques. Compte tenu de cette pression, le large consensus ayant présidé à l’adoption de la politique des quatre piliers fut un coup de maître qui fit l’objet d’une grande attention internationale et contribua à calmer la situation ainsi qu’à améliorer les conditions de vie des personnes dépendantes.
Malheureusement, les succès dans le domaine social sont problématiques du fait qu’ils sont perçus à l’extérieur comme «no news» et ne permettent plus de mobiliser l’attention publique. Il serait donc regrettable que le succès de la politique suisse des drogues incite à laisser passer l’occasion de stabiliser durablement chacun de ces quatre piliers. D’un point de vue intercantonal, le domaine résidentiel des dépendances nécessite avant tout les mesures suivantes:
La CDAS s’engage à soutenir ces efforts. Les cantons continueront cependant d’avoir besoin d’une bonne collaboration avec la Confédération et de son soutien actif, en particulier dans les domaines de la coordination et de la prévention.