décembre 2004
Franziska Eckmann (COSTE) ; Susanne Schaaf (ISF)
QuaThéDA (Qualité-Thérapie-Drogues-Alcool) est le système de management de la qualité conçu par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) pour les institutions résidentielles du domaine des dépendances et introduit au plan national en 2002.
A l’heure actuelle, 77 institutions du domaine des dépendances sont certifiées QuaThéDA, ce qui est d’autant plus remarquable, en particulier du fait que ces mêmes institutions auraient rempli les exigences de l’OFAS avec une simple certification OFAS/AI 2000. Selon les instituts de certification, le niveau des institutions QuaThéDA est généralement élevé. QuaThéDA constitue ainsi un pas supplémentaire sur le chemin de la professionnalisation de la thérapie résidentielle des dépendances et présente, du point de vue professionnel, un bilan positif.
Des services améliorés, une politique d’information plus claire et une plus grande transparence des prestations, des règles thérapeutiques ainsi qu’en ce qui concerne les droits et devoirs font que l’introduction de QuaThéDA profite directement aux divers segments de la clientèle, de son entourage et des services placeurs.
QuaThéDA soutien l’approche que les centres thérapeutiques fixent leurs propres standards et indicateurs – dans le cadre des directives – et se développent de manière optimale, sous leur propre responsabilité, conformément à leurs conditions. L’OFSP, dans la suite du développement de QuaThéDA, a fait développer des instruments de mesure validés pour les processus de thérapie et de prise en charge, l’objectif visé étant que certaines études soient réalisées par un organisme indépendant extérieur.
Les institutions disposent ainsi – à titre expérimental durant une phase pilote –d’un instrument de mesure de la satisfaction des clientes et clients pris en charge (QuaThéSI-39) et d’un instrument de mesure de la situation de professionnelle et du niveau de burnout des collaboratrices et collaborateurs des institutions thérapeutiques (QuaThéTeam-58). QuaThéSi-39 a été élaboré par l’Institut de recherche sur les addictions ISF de Zurich et par l’Ecole d’études sociales et pédagogiques EESP à Lausanne, QuaThéSI-58 par l’ISF. Grâce au volet quantitatif de l’enquête, chaque institution peut se situer comparativement à l’ensemble de la Suisse, le volet qualitatif permettant aux institutions un explicitation directe des clients et des réflexions sur des améliorations concrètes du processus thérapeutique.
QuaThéDA fournit aux institutions thérapeutiques des instruments pour mesurer la satisfaction des client(e)s, car celle-ci est directement ou indirectement liée à divers aspects du résultats (Outcome). La satisfaction des client(e)s dépend positivement des succès thérapeutiques durant le séjour, du taux de rétention dans la thérapie et de l’intégration après la sortie. 78 institutions, avec un total de 1223 client(e)s, ont participé à la deuxième récolte de données d’octobre 2003. Le groupe des client(e)s très satisfait(e)s se caractérise par un fort pourcentage de Suisses alémaniques, de femmes et de personnes plus âgées (plus de 40 ans). Les Romands et les Tessinois, les hommes et les client(e)s de moins de 30 ans sont plutôt insatisfait(e)s du traitement. Les client(e)s jugent particulièrement positif dans la thérapie de la dépendance leur propre développement personnel, les responsabilité personnelles qui leur sont confiées, le climat fair et amical, le contact avec l’entourage lors de l’entrée ainsi que la manière dont l’équipe les accepte. Pour le reste sont appréciés l’information claire sur les droits et devoirs, les déroulements et offres de thérapie et de traitement ainsi que l’équilibre du programme.
Des améliorations sont souhaitées par les personnes en thérapie surtout par rapport à l’offre de sport et de loisirs. Font l’objet de critiques, comme on pouvait s’y attendre, des aspects posant des limites comme les entretiens de groupes, les réglementations concernant la télévision, la radio et la musique, ainsi que celles concernant les sorties et l’argent de poche. Le 3 septembre 2003, COSTE a organisé un colloque sur le thème de la satisfaction de la clientèle, colloque à l’occasion duquel les institutions thérapeutiques ont discuté, dans des ateliers, comment ils transposaient quels résultats dans leur travail quotidien et sur quelles demandes ils n’entraient pas, avec raison, en matière.
Après l’introduction du questionnaire sur la satisfaction de la clientèle, l’OFSP mit aussi à disposition un instrument pour saisir la satisfaction du personnel, permettant de prendre en considération l’importance de l’équipe thérapeutique. Participèrent au questionnaire de novembre 2003, 663 collaborateurs et collaboratrices de 48 institutions (Schaaf et al., 2004).
L’évaluation des collaborateurs et collaboratrices se révéla généralement très positive. Ce qui ressortit particulièrement fut l’identification du personnel avec le concept de l’institution, l’absence de surcharge privée élevée, l’absence de frustration due au travail exigeant de la prise en charge de personnes dépendantes ainsi que la conviction d’effectuer du bon travail et de faire quelque chose d’utile pour les client(e)s. Le niveau de burnout des interviewé(e)s est faible. Ils/elles voient des possibilités d’amélioration aux niveaux de l’organisation du travail et de la gestion du temps (moins de temps consacré à l’administration, plus de temps pour la réflexion sur les processus des clients), l’organisation des tâches et des compétences (assumer plus de responsabilité), vis-à-vis des client(e)s (que les client(e)s non motivé(e)s donnent moins à faire au personnel), quant aux ressources (que moins de stress provienne de ses propres attentes) et quant au contexte politique (que la situation financière actuelle donne moins à faire aux collaborateurs/trices). Les centres thérapeutiques ont répondu que les résultats étaient utiles pour des changements tant dans le cadre des processus qu’au niveau de la direction et du management.
Les institutions ont beaucoup accompli au cours de ces deux dernières années. Il ne faut pas sous-estimer l’ampleur des ressources engagées dans la phase d’introduction. Les coûts d’investissement en ont pourtant valu la peine pour la plupart des institutions: les instruments QuaThéDA et les processus d’améliorations implémentés permettent un travail plus efficient, que ce soit au niveau professionnel avec les client(e)s ou que ce soit dans le management. Les indications pour un positionnement adapté de l’institution sur le marché furent également de précieux retours dans le cadre de la vérification externe par les certificateurs. Au fond, les institutions thérapeutiques se trouveraient aujourd’hui dans la situation de pouvoir profiter financièrement aussi du travail accompli. Pourtant, une situation encore une fois modifiée se présente aux institutions résidentielles de traitement des dépendances: avec le retrait du financement de l’OFAS, il n’y a plus qu’un petit nombre de ces institutions résidentielles à recevoir encore des prestations collectives de l’AI.
Même si l’introduction de QuaThéDA a amélioré, au plan professionnel, la qualité de la structure, du processus et de l’outcome des institutions, les promesses de prestations financières, qui étaient couplées à l’introduction d’un système de mangement de la qualité, étaient soudainement sans valeur.
Lors de la négociation de contrats de prestations au niveau cantonal, il est demandé d’apporter la preuve certifiée que des prestations de qualité sont fournies. Lors de la fixation du prix de ces prestations par contre, un SMQ certifié n’est pas expressément budgétisé.
Il y a certes des éléments qui indiquent que les services placeurs prêtent attention au label Qualité. Toutefois, la plupart du temps, ce sont toujours encore d’autres mécanismes qui déterminent les placements, comme les résultats de l’enquête d’indication confiée par COSTE à l’ISF l’ont montré (COSTE, Rapport de colloque, 2004).
Pour le moment, de nombreuses institutions sont confrontées, en plus, à des décisions d’économies de la part des cantons. Certaines institutions en viennent donc à se demander si une certification, qui représente un poste budgétaire non négligeable et amène une élévation professionnelle de la qualité, mais qui finalement n’a aucun écho financier, vaut tout simplement la peine.
Avec le temps, il ne sera plus possible, dans les institutions thérapeutiques, d’offrir une qualité élevée et demeurer simultanément concurrentiel avec des prix avantageux. Ces évolutions contradictoires ne peuvent être combattues que par des reconnaissances clairement formulées de la part des services placeurs et des organes cantonaux de surveillance: une thérapie de bonne qualité et efficace a un coût. Au vu de la situation décrite, il est également important que l’ancrage formel de la qualité puisse se poursuivre. A cet égard, les cantons, de même que les lois et contrats de prestations futurs joueront à l’avenir un rôle important.
Au niveau des cantons, des efforts sont actuellement faits, dans le cadre de la CIIS (Convention intercantonale relative aux institutions sociales) pour ancrer de manière contraignante des directives définies de qualité.
QuaThéDA doit être exigé en tant que système contraignant de management de la qualité pour la liste C des institutions s’occupant de personnes dépendantes. Dans le cadre du projet de réforme de la péréquation financière RPT aussi, la qualité des institutions recevra une base légale dans l’élaboration des conditions légales cadre pour les institutions destinées à l’intégration sociale des invalides (LISI).
Un processus coordonné concernant la mise en œuvre et la vérification de QuaThéDA et d’autres systèmes de qualité spécifiques est central pour empêcher que ne parte à la dérive la norme du système. Les services placeurs doivent pouvoir s’en remettre – en particulier lors de placements extra-cantonaux – à des labels reconnus avec des critères transparents.
Jusqu’ici, c’est la plate-forme Confédération-cantons – que COSTE a créée sur mandat de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales (CDAS) – qui avait cette fonction de coordination pour QuaThéDA et le domaine des dépendances. Après le transfert, de la Confédération aux cantons, de compétences pour l’assurance qualité et le financement, la vérification externe des exigences qualité doit continuer à se faire de manière uniforme et non pas être effectuée par chaque canton au moyen de critères et méthodes différents. QuaThéDA offre des conditions optimales pour préserver cette cohérence: en premier lieu par l’engagement de l’OFSP dans le développement de QuaThéDA pour l’ensemble du domaine des dépendances, avec la mise sur pied de formations continues et journées spécifiques, mais aussi avec la vérification externe de QuaThéDA en tant que système certifiable.
Jusqu’à ce que les futures législations et conventions entrent en vigueur, Confédération et cantons doivent préparer ensemble les conditions-cadre du développement futur de la qualité, avec pour objectif de créer des bases claires, constantes et loyales tant juridiquement que financièrement pour une thérapie de bonne qualité.