juin 2010
Irène Abderhalden, responsable du secteur préventionMichel Graf, directeur, Addiction Info Suisse (anciennement ISPA)
La réalité des enfants vivant dans des familles ayant un problème d’alcool a été peu prise en considération pendant de nombreuses années dans la recherche scientifique, et en l’absence de discours sur ce thème, le grand public n’avait pas conscience du problème. En 1969, dans «Les enfants oubliés», Cork décrit plusieurs symptômes frappants qui sont apparus chez des enfants issus de familles ayant un problème d’addiction. A la fin de 1980, des auteurs tels que Black (1988), Wegscheider (1988) et Lambrou (1990) ont formulé les premiers modèles théoriques de l’alcoolisme vu comme une maladie de la famille («Familienkrankheit Alkoholismus»). Il est décrit comment l’alcool occupe un rôle central dans une famille dont l’un ou l’autre parent est alcoolodépendant et de quelle manière la dépendance à l’alcool des parents influence l’ambiance familiale avec quels effets sur les enfants et leur vie quotidienne.
Alarmés par cette première publication scientifique, des experts se sont rendu compte qu’il fallait intensifier la recherche et développer une aide concrète pour ces enfants. Ainsi, en 1983 aux États-Unis s’est créée l’Association nationale pour les enfants d’alcooliques (National Association for Children of Alcoholics, NACoA). L’objectif de cette organisation a été d’agir pour les intérêts des enfants affectés par l’alcoolisme ou d’autres types d’addiction dans leur famille. NACoA (établie depuis lors aussi au Royaume-Uni et en Allemagne), se donne pour mission de sensibiliser le public, de fournir des informations pour les enfants de parents souffrant d’addiction et d’aborder la dépendance comme une maladie du système familial.
En Europe, le «Réseau européen des enfants affectés par un environnement à risque au sein de la famille» ENCARE («European Network for Children Affected by Risky Environments within the Family») a été fondé en 2002 dans le but de thématiser la problématique des enfants vivant dans des familles ayant une addiction, à promouvoir la recherche sur le sujet et de construire un réseau d’experts. Aujourd’hui, des institutions de 23 pays européens sont représentées dans ENCARE et des réseaux régionaux existent aux niveaux nationaux.
Avec la prise de conscience du monde professionnel ainsi que la constitution de nouveaux réseaux, les offres thérapeutiques de prise en charge des enfants concernés ont également augmenté. Ces dernières années, de nombreux projets ont été lancés, dans lesquels des offres de soutien aux enfants ont été développées sur différents niveaux.
Une enfance dans la peur et le silence
Dans les familles avec des parents alcooliques, l’alcool est l’élément déterminant dans la vie familiale. Le parent dépendant devient le centre de focalisation de la famille et va influencer l’atmosphère et l’ambiance du foyer. Pour les enfants, cette situation est perçue comme une période de stress chronique. L’insécurité, l’instabilité et l’imprévisibilité caractérisent la vie quotidienne. Il n’y a pas de normalité ou de sécurité. Selon que le parent dépendant est dans une phase de consommation active ou d’abstention, l’enfant sent qu’il vit avec un père ou une mère ayant un comportement tout à fait différent, il est confronté à deux personnalités fortement contrastées. Il ne sait jamais quelles seront les conséquences de ses actes, s’il sera puni ou réconforté. Cette situation d’incertitude l’empêche d’être acteur de sa vie et le met dans un statut d’observateur, afin de pouvoir réagir de manière appropriée en fonction de l’humeur du parent dépendant. La relation parent-enfant en souffre, l’enfant ressentant un manque d’intérêt ou un rejet de la part du parent dépendant. Même l’attention du parent non-dépendant est souvent concentrée sur le problème de l’addiction. Ainsi, l’enfant est souvent laissé à lui-même, avec des devoirs et des responsabilités qu’il n’est pas encore capable de gérer. Il est également parfois témoin de conflits intrafamiliaux et de violence, dont il peut aussi être d’ailleurs lui-même victime.
Parce que la dépendance à l’alcool dans la famille est un sujet tabou, les enfants concernés n’ont pas la possibilité de pouvoir exprimer leurs sentiments de honte, de colère ou d’anxiété. Ils se réfugient souvent dans le silence et tentent de faire face seuls à ces charges émotionnelles. Ils espèrent pouvoir influencer ou modifier la situation par leur comportement et éprouvent un grand sentiment d’impuissance quand ils se rendent compte qu’ils n’y parviennent pas.
Groupe à haut risque d’une addiction future
Par rapport aux enfants issus de familles sans problème d’alcool, les enfants de parents alcooliques ont un risque six fois plus élevé de développer une dépendance. Dans les faits, environ 30% d’entre eux en sont affectés à l’âge adulte. Ils sont considérés comme le groupe à risque le plus important en ce qui concerne le développement d’une dépendance. Les facteurs de transmission jouant un rôle sont multiples et difficiles à analyser. Il faut considérer à la fois les facteurs biologiques et les caractéristiques de la personnalité, ainsi que les conditions familiales. A côté des risques de dépendance, ces enfants ont aussi un risque considérable de développer des troubles mentaux ou des problèmes de comportement. Il peut s’agir notamment de troubles de déficits de l’attention et d’hyperactivité, de problèmes de comportement social et de maîtrise du comportement, de l’anxiété et de la dépression, de problèmes scolaires, d’un déficit du sentiment d’efficacité personnelle, d’une faible estime de soi, ainsi que de problèmes somatiques et psychosomatiques.
Toutefois, tous les enfants qui connaissent une dépendance à l’alcool familiale ne vivent pas les mêmes expériences traumatiques. Un enfant sur trois n’est touché que légèrement dans son développement, et un autre tiers ne développe pas de problèmes significatifs; ces enfants ont des ressources suffisantes qui leur permettent, par exemple, de construire des relations fiables à l’extérieur de la cellule familiale, ce qui est considéré comme un facteur de protection particulièrement important. Ainsi, certains enfants de parents dépendants sont tout à fait capables de développer une personnalité autonome et saine. Tous les enfants ne doivent donc pas être automatiquement considérés comme ayant besoin d’une prise en charge. Cela impliquerait une stigmatisation et une pathologisation précoce des enfants, ce qu’il faut éviter dans tous les cas. Ce fait a été pris en compte dans la recherche récente: de nouvelles approches, centrées sur les ressources et compétences des enfants ont été développées en parallèle à celles orientées sur les déficits et les troubles. Ces approches donnent la possibilité aux enfants de se développer de manière positive et d’acquérir de la résilience. Le grand défi consiste à identifier les enfants vulnérables précocement et à leur proposer une aide adéquate (Mayer, 2008).
Des approches porteuses de succès
Dans une méta-analyse menée aux États-Unis (Emshoff 1999), des programmes de prévention et d’intervention pour les enfants vivant avec des parents alcooliques ont été évalués pour en vérifier leur efficacité. Selon cette étude, le travail avec des groupes d’enfants était la forme la plus commune de l’aide citée. La littérature actuelle en langue allemande cite elle aussi l’approche en groupes comme l’une des interventions les plus prometteuses (Klein 2003, Mayer, 2008). L’objectif du travail de groupe est de permettre aux enfants de vivre des expériences de socialisation positives, de partager et de se soutenir les uns les autres, de surmonter l’isolement social, la honte et la culpabilité et d’apprendre à gérer les conflits ainsi qu’à exprimer leurs émotions (Mayer 2008; Emshoff 1999). Cette approche vise également à renforcer le sentiment d’efficacité personnelle des enfants (Klein, 2003).
Le contenu de ces offres est basé sur les connaissances scientifiques relatives aux facteurs de risques et de protection des enfants de parents dépendants. Si à l’origine, on se centrait plutôt sur les expériences les plus traumatisantes des enfants et sur la prévention des risques, on travaille maintenant de plus en plus avec une approche centrée sur les ressources individuelles, dans le but de promouvoir les compétences existantes et le développement social des enfants. De cette façon, les enfants apprennent à faire face à la situation familiale et à développer une attitude positive, car ils découvrent des alternatives à l’influence de la famille (Mayer, 2008).
Comme Emshoff (1999) le montre, la quasi-totalité des programmes d’intervention ayant fait leurs preuves comprennent les éléments suivants:
Dans le travail de groupe avec les enfants, les jeux et la pédagogie de la découverte sont des approches éprouvées. Les enfants et les jeunes apprennent à faire des découvertes intenses et des expériences positives d’apprentissage et ont la possibilité de contribuer et de participer à ce succès. De plus, les aspects sociaux sont encouragés. Mayer (2008) souligne que le travail de groupe avec des enfants ne devrait pas occuper trop de temps, afin d’éviter que tout leur quotidien ne se passe dans les services éducatifs ou thérapeutiques, ce qui risque de les pathologiser. Au contraire, le travail avec les enfants ne devrait être qu’un appui et un soutien temporaires, afin que les enfants eux-mêmes puissent développer des perspectives et expérimenter des alternatives à l’environnement familial.
En outre, il est recommandé de soutenir les enfants de parents dépendants par une prise en charge individuelle aidant à la maîtrise de la vie quotidienne ou une psychothérapie. Les groupes d’entraide tels que Alateen sont recommandés dès l’âge de 16 ans environ. Klein (2003) souligne l’importance de prendre en compte, lors de la conception d’un programme d’intervention, le niveau de développement des enfants et le contexte culturel. Il est par ailleurs nécessaire de proposer des soutiens sexospécifiques, puisque les filles et les garçons ont souvent des stratégies différentes pour faire face à la dépendance.
En plus du travail avec des groupes d’enfants, les approches centrées sur la famille, dans lesquelles participent dans le cas idéal tous les membres de la famille, sont souvent aussi conseillées (Kumpfer 1999, Klein 2003). Il a été démontré que les approches familiales améliorent la communication et modifient la dynamique au sein de la famille. Toutefois, cela présuppose que les parents aient conscience du problème et acceptent donc d’y participer.
Une porte d’entrée à privilégier
Un des grands défis est l’identification et la prise de contact avec des enfants en situation de vulnérabilité vivant avec des parents dépendants. Dans la plupart des cas, et en particulier lorsque les enfants sont en bas âge, on peut les atteindre presque uniquement via leurs parents. Cela implique toujours leur coopération directe et s’avère souvent difficile. La situation la plus favorable semble être celle liée à l’entrée d’un des parents concerné par un problème d’alcool dans le système de prise en charge spécialisé. Pourtant, même au moment où les parents dépendants entrent en traitement, la situation de vie et la charge émotionnelle des enfants, bien qu’elles soient évoquées, ne sont que très peu prises en charge en tant que souffrance de l’enfant. L’enfant est en effet presque toujours invité aux entretiens en qualité d’enfant de patient et non pas en tant que patient. Le tandem «addiction et parentalité» semble constituer un double tabou, extrêmement difficile à briser, même dans un contexte «protégé» comme celui de l’institution spécialisée, qui pourtant devrait faciliter le dialogue sur ce sujet. De fait, pour un parent concerné, il est déjà assez difficile de réaliser qu’il a perdu le contrôle de sa consommation. Admettre en plus que cet état de fait ne le met pas seulement lui-même en danger mais aussi son enfant, représente donc un double défi. Un défi vécu aussi par les intervenants thérapeutiques: quelle priorité thérapeutique mettre à quelle phase de la prise en charge ? Lors des premiers contacts, il est essentiel de construire et maintenir le lien avec l’adulte en difficulté avec sa consommation d’alcool, lien qui serait vraisemblablement mis à mal si le thème de la parentalité est abordé de manière trop frontale. C’est que l’accusation sous-jacente «parent ayant un problème d’alcool => enfant traumatisé» est non seulement brutale, mais, on l’a dit plus haut, heureusement pas toujours vraie! Ainsi, parler de parentalité avec les adultes en traitement revêt un enjeu fort…Quand faut-il évoquer son souci à l’égard des enfants ? Quand peut-on parler d’éducation avec le parent sans lui donner le sentiment de le juger, de le dévaloriser? Rappelons-nous toutefois que les parents ayant une dépendance souhaitent également être de bons parents. Mais souvent, ils ont besoin d’encouragement et de soutien, afin qu’ils aient une bonne estime de leur responsabilité parentale. N’est-ce pas là une porte d’entrée pour évoquer cette délicate question ?
Repérer les situations de fragilité: mission impossible?
Parce que de nombreux parents ayant des problèmes d’alcool n’ont pas de contact avec les milieux spécialisés de la prise en charge, il est nécessaire que des offres puissent être proposées aux enfants dont les parents ne bénéficient pas d’un accompagnement ou d’un traitement spécifique. Il est donc primordial, si l’on veut mettre en place des stratégies de prise en charge précoce pour ces enfants, de collaborer avec les structures et acteurs professionnels présents dans leur cadre de vie. Ces sont prioritairement les professionnels de la santé et du social qui sont potentiellement en contact direct avec des enfants vivant un certain mal être psychologique ou social (comme les pédiatres, les psychologues, les éducatrices et éducateurs, les tutrices et tuteurs, entre autres) qui devraient être formés à l’évaluation de la situation vécue par des enfants de parents dépendants, afin qu’ils puissent proposer à leurs parents des offres d’aide adéquates pour leurs enfants. La tâche est délicate. Quels symptômes spécifiques peuvent mettre en alerte ces professionnels? Les troubles dont souffrent ces enfants ne sont pas forcément révélateurs d’un problème d’alcool ou d’autres consommations de la part d’un parent. Comment thématiser le constat de mal-être de l’enfant avec ses parents sans étiqueter la famille comme «alcoolique» ou renforcer leur culpabilité? La réponse est à chercher dans la manière de formuler le problème: dans de telles situations, ce sont les souffrances de l’enfant qu’il faut soulager et soigner et non la dépendance alcoolique du parent! C’est que l’hypothèse inverse de la précédente «enfant qui souffre => parent ayant un problème d’alcool» est un piège à éviter à tout prix. Comme dans beaucoup d’autres situations systémiques où l’alcool est présent, l’erreur serait de se centrer immédiatement sur la personne qui consomme de manière problématique en oubliant la souffrance de l’entourage. En d’autres termes, si l’on veut que les professionnels encadrant des enfants vivant avec des parents dépendants se mobilisent, il faut centrer leurs préoccupations sur la souffrance, le mal être de l’enfant et non pas sur la dépendance alcoolique de ses parents. Une sensibilisation de tous les professionnel-le-s en contact avec les enfants sur le vécu et la souffrance engendrée par ces situations est un préalable à une prise de conscience globale du monde de l’éducation. Pour ce faire, des journées de formation et d’échange dans les réseaux professionnels, l’intégration de cette thématique dans les formations de base des professionnels des domaines de la santé, du social, de la justice et de la pédagogie sont nécessaires. Ainsi, une plus grande collaboration interdisciplinaire entre les différents groupes professionnels est un préalable important pour mieux atteindre les enfants et les jeunes vivant dans des familles ayant des problèmes d’alcool. La création de plateformes de professionnels de l’enfance, qui thématiseraient la délicate question du repérage précoce des enfants en situation de risque, est à mettre à l’agenda, avec pour point central la question du signalement à l’autorité tutélaire1.
Dans les lieux comme les garderies et les écoles, les adultes ont un contact direct et souvent privilégié avec les enfants, ce qui devrait faciliter l’implantation de mesures de prévention et de sensibilisation, surtout si elles ne sont pas stigmatisantes. En décalant la préoccupation préventive sur le mal être des enfants sans préjuger de son origine (ici l’addiction d’un des parents), on donne à tous les acteurs une possibilité d’agir à son niveau. Des contextes comme les centres de loisirs ou le travail social de rue sont aussi à considérer, dans la mesure où les jeunes ont une relation particulière et personnelle avec ces professionnels, qui peuvent être de bons acteurs pour aborder avec les enfants et adolescents concernés leurs problèmes, leurs soucis, et les amener à accepter de l’aide (Mayer, 2008).
Enfin, les nouveaux médias offrent des possibilités de dialogue originales, directes, anonymes et très prisées des adolescents et jeunes adultes. Le développement de consultation en ligne sur Internet (comme par exemple ciao.ch) ou de forums d’échanges avec d’autres enfants ou adolescents concernés (Klein 2003) offre donc à certains jeunes une réelle opportunité de s’informer, d’échanger avec leurs pairs et d’entrer en contact avec des professionnels de manière discrète, à leur rythme. Les lignes téléphoniques d’aide ou de conseils jouent aussi le rôle d’un premier contact qui permet de faire le lien avec des offres d’aide ou des centres de consultation.
Des actions en cours
Depuis 2004, année où l’ISPA a organisé son colloque national sur le thème des enfants vivant dans des familles alcooliques, nous n’avons cessé de développer des outils et des campagnes sur ce délicat sujet: guide pratique pour les professionnels, brochures de sensibilisation de l’entourage, des parents, livres d’image de Boby, petit chien dont le maître est alcoolodépendant, ainsi que divers rapports sur l’état des lieux en Suisse 2. Depuis 2007, l’ISPA accompagne la fondation argovienne pour l’aide en cas de dépendance, «Aargauische Stiftung für Suchthilfe ags» (AGS) dans le développement d’un projet pilote, qui offre depuis le début de 2010 des groupes de parole pour les enfants et des cours pour les parents. Partant du constat que l’offre d’aide n’est pas une solution suffisante, la collaboration étroite avec les divers groupes professionnels est une composante importante du projet: les personnes clés et les organisations compétentes du canton d’Argovie ont été impliquées dès le développement du projet en participant à des groupes de discussion ainsi que par le biais d’accords de coopération. Un autre accent a été mis sur la participation des parents; tous les parents et les proches qui en 2008 ont été accompagnés par l’AGS ont été interrogés sur leurs besoins et leurs souhaits et ont ainsi participé à la conceptualisation d’une offre appropriée. En effet, si les besoins des enfants concernés sont suffisamment mis en évidence dans la littérature scientifique, les craintes des parents et leurs souhaits relatifs au soutien possible pour leurs enfants sont encore peu étudiés. De plus, une implication des parents dans la conceptualisation du projet prend au sérieux leur rôle d’experts en éducation et favorise en même temps l’acceptation d’une nouvelle offre d’aide pour leurs enfants. Le projet sera évalué en 2011après une phase pilote de 2 ans. L’expérience de l’AGS sera riche en enseignements utiles à d’autres projets.
Conclusion et perspectives
Bien que le nombre de professionnels qui se préoccupent d’enfants de parents dépendants ait augmenté ces dernières années et qu’un réseau se développe au niveau international, les expériences pratiques ne sont pas encore très connues ni très diffusées. Des projets suffisamment documentés et évalués selon des critères scientifiques sont encore rares en Europe. Si d’autres recherches sont nécessaires et d’autres stratégies de réseau sont à développer pour que les enfants de parents dépendants puissent à l’avenir bénéficier d’une aide professionnelle à un stade précoce, ciblée selon l’âge et validée scientifiquement, il n’en demeure pas moins que le besoin d’agir existe, et urgemment!
Pour que ce message passe, il faut briser le silence. La souffrance des enfants confrontés à l’alcoolodépendance d’un proche est une thématique taboue, confinée à l’espace privé des familles. S’il n’y a pas de violence manifeste, ce problème est généralement tenu secret par les familles mais également peu abordé par les professionnels qui interviennent autour des familles (services sociaux, médecin, centres spécialisés, écoles…). Il paraît donc nécessaire de poursuivre le travail de sensibilisation à cette problématique auprès d’un large public par des campagnes originales qui mettent en scène les enfants et les adolescents, voire des adultes qui témoignent de leur souffrance d’enfant de parent alcoolodépendant. Ce n’est que dans un contexte sensibilisé que les enfants concernés et les parents seront aptes à surmonter la honte et la culpabilité et pourront ainsi plus facilement accepter de l’aide. C’est dans cet esprit que l’ISPA a fait en 2009 une campagne de sensibilisation via les guichets des bureaux de poste, en proposant la petite peluche Boby à la clientèle, le tout accompagné d’une conférence de presse ayant eu un très bon écho.
Le financement de tels projets devrait lui aussi être mieux accepté: via une sensibilisation du public, on vise aussi à mobiliser les instances politiques. Soulignons à ce propos que la mise en place d’offres de soutien aux enfants vivant dans des familles ayant un problème de dépendance est une contribution significative à la réduction de la morbidité et les coûts sociaux car ce faisant, on réduit le risque de développement futur de problèmes chez l’enfant. L’amélioration de la situation des enfants ayant des parents dépendants est donc une tâche pour l’avenir, pour les enfants affectés, leurs familles et pour la société.