septembre 2024
Barbara Gysi par Maxime Mellina (GREA)
Maxime Mellina : Le contexte autour du cannabis est bouillonnant tant en Suisse qu’au niveau international : de plus en plus de personnes défendent un changement de paradigme. Vous êtes la Présidente de la Commissions de la sécurité sociale et de la santé publique (CSSS) et vous défendez une légalisation du cannabis. Pour quelles raisons ?
Barbara Gysi : La politique actuelle, avec son marché noir, son cannabis incontrôlé, de plus en plus fort et en partie contaminé et mélangé à des cannabinoïdes synthétiques, n’est pas tenable. C’est précisément du point de vue de la santé publique que les choses doivent changer. Je n’ai essayé le cannabis que quelques fois dans ma jeunesse, mais je connais de nombreuses personnes qui en consomment régulièrement. Quand j’étais Conseillère Municipale dans ma commune de Wil, j’étais également responsable des projets de politiques drogues. Et la protection des consommateurs et consommatrices, la réduction des risques et la prévention sont toujours plus simples à faire si la substance est légale. Ça, c’est ma motivation centrale et c’est moins hypocrite. C’est ce que propose l’initiative Siegenthaler.
Maxime Mellina : C’est-à-dire ? Que demande l’initiative et le projet de loi sur lesquels vous travaillez ?
Barbara Gysi : L’initiative parlementaire demande de légaliser le marché du cannabis afin d’assécher le marché noir en supprimant la prohibition, mais pas n’importe comment : elle demande au Parlement de faire particulièrement attention aux aspects de la protection de la jeunesse et des consommateurs et consommatrices ; elle demande de tenir compte de la politique des quatre piliers en matière de drogue, reconnue en Suisse ; l’initiative souhaite que les autorités contrôlent la production et le commerce ; elle souhaite que nous proposions une régulation du cannabis similaire à celle de l’alcool. Elle demande également l’introduction d’une taxation et d’une réglementation de la publicité. Pour Heinz Siegenthaler, qui a déposé cette initiative, il est aussi important de séparer le marché médical du commerce récréatif qui ne connaissent pas du tout les mêmes mécanismes de certification et de commercialisation ; enfin il souhaite permettre et encadrer la production destinée à un usage personnel.
Maxime Mellina : Et toutes ces demandes ont déjà été acceptées par le Parlement suisse ?
Barbara Gysi : Avec une initiative parlementaire, un élu peut demander la rédaction d’une loi et écrire les grandes lignes de ce projet d’acte. Les travaux législatifs sont ensuite menés par une commission du Conseil national ou du Conseil des États. C’est ce qu’a fait Heinz Siegenthaler en 2020. Son initiative, intitulée « Réguler le marché du cannabis pour mieux protéger la jeunesse et les consommateurs », a été acceptée par la CSSS du Conseil national (CSSS-N) en avril 2021 et celle du Conseil des États en octobre 2021. Ces votes favorables étaient nécessaires pour lancer la rédaction de la loi par la CSSS-N. Après ces votes, une sous-commission de neuf membres de la CSSS-N [n.d.l.r. actuellement quatre UDC, deux PS, une Verte, un PLR et un Centre] a été constituée pour élaborer un projet de loi.
Maxime Mellina : Comment va se passer la suite du processus ?
Barbara Gysi : La sous-commission est actuellement en train d’élaborer et rédiger un projet de loi avec l’aide de différents Offices de la Confédération, en particulier de l’OFSP. Elle aimerait terminer son travail d’ici à fin 2024, puis ce sera à l’ensemble des 25 membres de la CSSS du Conseil national de débattre de ce projet de loi. Ensuite, le processus de consultation publique va s’ouvrir probablement dès l’été 2025. A ce moment, la population pourra prendre connaissance du texte de la loi pour la première fois. Après ce processus, la commission discutera des résultats de la consultation et proposera peut-être des modifications de la loi en conséquence. Ce sera ensuite au Conseil fédéral de se prononcer sur le projet de loi puisque ce sera la première fois que l’Exécutif prendra position sur ce projet. Enfin, ce sera au Conseil national d’adopter la loi. Finalement, le projet sera discuté à la CSSS du Conseil des États puis au Conseil des États.
Maxime Mellina : L’initiative a été déposée en septembre 2020, pourquoi est-ce que ce processus est si long ?
Barbara Gysi : Ce processus est très complexe car ce que nous allons proposer est une complète réglementation qui touche de nombreux domaines. Ce sera une grande loi. La sous-commission a défini les piliers et les principales orientations des différentes choses à régler comme la production, la vente, la consommation, les éventuelles taxes mises en place, mais aussi la circulation routière ou encore la prévention. Bref, une quantité de points qui sont importants pour bien réguler le cannabis. La sous-commission s’est donc réunie depuis début 2022 pour débattre et décider des lignes directrices.
Maxime Mellina : Pourtant, l’Allemagne vient de légaliser l’usage récréatif de cannabis depuis le 1er avril 2024 après un processus plus rapide. Les Suisses et Suissesses qui ont vu les images d’Allemand·e·s fumer dans les rues peuvent devenir impatient·e·s et se demander pourquoi tout ce processus en Suisse est si confidentiel ?
Barbara Gysi : En Suisse, notre système politique est différent car nous n’avons pas une majorité gouvernementale qui dirige le pays comme en Allemagne et qui peut changer tous les quatre ans. Les rapports de force entre les partis en Suisse sont un peu plus stables. En Allemagne, le projet a été proposé comme mesure politique par le gouvernement de coalition et visait une législation simple et rapide pour répondre à leur promesse électorale. D’ailleurs, la légalisation mise en place le 1er avril fait déjà l’objet de plusieurs critiques de différents acteurs, puisque la loi n’a pas prévu une législation complète de donner des directions claires sur suffisamment de points, notamment sur qui pourra produire ou distribuer du cannabis. En Suisse, notre processus prend un peu plus de temps mais tout sera réglé de manière précise. De plus, nous n’avons pas un Parlement professionnel comme les autres pays. Les dossiers sur lesquels les commissions travaillent sont toujours confidentiels mais ils sont ensuite rendus publics quand ils arrivent en plénière au Parlement. La CSSS fera une communication au printemps 2025 : on a déjà fait une petite communication en septembre 2023 pour annoncer que nous prendrions plus de temps pour élaborer ce texte parce que c’est un travail qui prend du temps et demander une prolongation de délai.
Maxime Mellina : Donc notre modèle de régulation sera de meilleure qualité qu’en Allemagne ?
Barbara Gysi : Oui, je pense. Il est plus complet !
Maxime Mellina : Sur quels points ?
Barbara Gysi : La grande direction demandée par l’initiative Siegenthaler et appliquée par la sous-commission a été de penser la régulation du cannabis comme une politique de santé publique et pas uniquement comme une politique économique. La protection de la jeunesse et des consommateurs/trices doit passer avant d’autres priorités. Pour cela, il faut garantir la qualité et la transparence des produits (le taux de THC par exemple), afin d’éviter de consommer des produits extrêmement forts ou qui contiennent d’autres substances nocives comme c’est le cas sur le marché illégal aujourd’hui. Mettre la loi sous le joug de la santé publique, c’est aussi faire en sorte de rediriger les citoyens et citoyennes vers des méthodes de consommation qui sont à moindre risque.
Maxime Mellina : Qu’est-ce que cela signifie concrètement ?
Barbara Gysi : De manière générale, la commission se dirige vers un modèle de régulation orienté santé publique avec des différents contrôles mais il reste encore beaucoup de détails à régler qui restent dans le secret de la commission. Nous avons par exemple encore des discussions par rapport à la possibilité de conduire si l’on a consommé. C’est une question importante à régler puisqu’aujourd’hui, on connaît une tolérance zéro. Je pense que c’est intéressant de voir comment cela est fait en Allemagne, qui autorise un pourcentage de THC dans le sang au volant. Il est probable qu’on ait une réglementation plus conservatrice à ce propos en Suisse. Dans tous les cas, on voit que c’est important que la régulation ne soit pas qu’une question financière, ni une question de marché.
Maxime Mellina : Donc vous n’allez pas profiter de l’argent des taxes que l’État pourra récolter sur le marché du cannabis ? C’est un argument qu’on entend souvent : il faut légaliser pour renflouer les caisses, qu’en est-il ?
Barbara Gysi : Si, nous avons évidemment pensé aux questions de taxation. Il existe en général trois pistes : la première, c’est de mettre en place une taxe incitative pour rediriger les consommateurs et consommatrices vers des produits moins nocifs, que l’on taxerait moins. Le produit de cette taxe pourrait être redistribuée au peuple par exemple via une réduction des primes d’assurance maladie. La deuxième piste est de mettre une taxe dont les revenus sont affectés directement à la prévention, aussi à destination des cantons. La troisième possibilité est la mise en place d’un impôt général sur la consommation de ce produit (comme la TVA), mais cette mesure nécessiterait un changement de la Constitution, contrairement aux deux premières taxes. Il faut encore que nous tranchions ces possibilités. Ce qui est clair c’est qu’il ne faut pas trop taxer, puisque si les prix des produits sont trop élevés, on ne pourra pas faire concurrence au marché noir qui propose des prix beaucoup plus bas. Il faut penser les prix et la taxe de matière pragmatique.
De manière générale, de nombreuses discussions nous attendent encore sur les pistes à prendre, concernant les impôts mais aussi pour répondre à des questions comme qui peut produire, qui a le droit de vendre, est-ce que cela pourrait être des points de vente spécialisés, des pharmacies ou n’importe quel shop. Tout ceci est encore en discussion.
Maxime Mellina : Quel sera le périmètre de la loi ? Allez-vous réguler tous les produits du chanvre ou est-ce que vous rédigez une loi sur le THC ?
Barbara Gysi : Sur ce point, nous n’avons pas le choix, c’est écrit dans l’initiative Siegenthaler : la loi doit se focaliser sur l’aspect psychotrope du THC et donc sur les produits du THC.
Maxime Mellina : Est-ce que les citoyen·ne·s pourront cultiver des plantes à la maison ?
Barbara Gysi : Personnellement, je soutiens une solution avec un nombre réduit de plantes à cultiver soi-même, pour rester pragmatique et proche de la réalité.
Maxime Mellina : Concernant la production, on sait que Heinz Siegenthaler est un agriculteur et qu’il souhaitait garantir une production locale et agricole. Est-ce que la sous-commission met une attention particulière à défendre une telle production ?
Barbara Gysi : Cette question n’a pas encore été tranchée. Faut-il une production locale ou ouvrir notre marché aux entreprises étrangères ? Pourrait-on autoriser les producteurs suisses à exporter ? J’ai le sentiment que les politiciens et politiciennes de tout bord sont plutôt ouvert·e·s à une production en Suisse, comme c’est le cas dans les projets pilotes qui sont actuellement mis en place sur notre territoire. Cette question est vraiment à débattre mais dans tous les cas, on sait déjà que nous avons des bonnes conditions en Suisse pour la production.
Maxime Mellina : Vous parlez des projets pilote, dont on entend beaucoup parler dans les médias, mais ce n’est pas très clair comment ils s’inscrivent dans le processus de la loi que vous écrivez. Pouvez-vous expliquer ce double processus concernant d’une part les projets pilotes et d’autre part la rédaction d’une loi cannabis ?
Barbara Gysi : Il est vrai que ce double processus peut brouiller un peu les pistes. C’est le résultat d’une stratégie que le Conseil fédéral avait élaborée il y a plusieurs années : ce dernier n’était pas ouvert à élaborer une législation sans projets pilotes, c’est pourquoi il a demandé aux villes de mettre en place des projets qui auraient pour but de tester la légalisation de cannabis à petite échelle dans un premier temps pour ensuite rédiger une loi pour toute la Suisse. Actuellement, plusieurs villes vendent du cannabis à des fins récréatives à de petits groupes de la population pour tester si cela fonctionne.
Maxime Mellina : Mais alors pourquoi le Parlement rédige une loi en parallèle de ces projets pilotes ? Certains viennent tout juste de démarrer.
Barbara Gysi : Le problème, c’est que pour autoriser les villes à vendre du cannabis récréatif dans le cadre de projets pilotes, alors que celui-ci est toujours considéré comme un stupéfiant, il a été nécessaire de changer la Loi sur les Stupéfiants (LStup). Ce changement a malheureusement pris trop de temps et les projets pilotes n’ont pu débuter qu’en septembre 2022 pour une période de 6 ans. Si l’on attendait les résultats finaux de ces projets pilotes, on retarderait la régulation suisse de dix ans et on aura raté la possibilité d’être innovant internationalement sur le sujet et d’améliorer au plus les conditions sanitaires pour les consommatrices et consommateurs. C’est pourquoi Heinz Siegenthaler a proposé d’accélérer un peu ce processus proposé par le Conseil fédéral en déposant son initiative en parallèle des projets pilotes, mais pas en contradiction. Ce double processus est positif, puisqu’on bénéficiera des résultats intermédiaires des projets pilotes pour le travail sur la loi fédérale.
Maxime Mellina : Le Conseil fédéral préférait les projets pilotes et devra prendre position pour la première fois sur une régulation. À quoi vous attendez-vous de sa part ? Représente-t-il une force de blocage dans le processus ?
Barbara Gysi : Je ne pense pas. Certes, le Conseil fédéral préférait attendre de voir les résultats et les évaluations des projets pilotes mais en fait, lorsque la sous-commission va présenter son projet de loi et que le Conseil fédéral devra se prononcer sur le texte, on aura déjà passablement de résultats intermédiaires solides des projets pilotes en cours. De manière générale, j’espère qu’il verra la nécessité d’une réglementation. Après avoir promu la création de projets pilotes qui durent 6 ans, ce n’est pas possible pour eux de revenir en arrière et de dire : « bon, on a recueilli des expériences et cela fonctionne mais on arrête tout ici ».
Maxime Mellina : La récolte de signatures pour une initiative populaire fédérale demandant aussi la légalisation du cannabis a débuté dernièrement, ce qui ajoute encore un élément à ce processus de régulation. Qu’est-ce que vous en pensez ? Est-ce qu’elle impacte votre travail parlementaire ?
Barbara Gysi : Cette initiative populaire est un peu bizarre. Elle ne demande pas seulement la légalisation du Cannabis dans la Constitution, elle demande en plus des points très précis, par exemple que nous puissions cultiver 50 plantes chez nous. Elle propose également que l’on puisse conduire une voiture en ayant fumé 5 grammes de cannabis par jour. Tout ceci est excessif mais en général je pense que c’est un bon signe d’avoir des initiatives populaires parce qu’elles indiquent des attentes de la population pour une régulation. En l’occurrence, celle-ci n’est pas réaliste et je regrette que les initiant·e·s n’aient pas consulté de spécialistes sur le sujet pour écrire leur texte. Dans tous les cas, s’ils arrivent à récolter les signatures, nous aurons déjà un projet de la loi rédigé.
Maxime Mellina : Votre loi pourrait donc être un contre-projet indirect à cette initiative ?
Barbara Gysi : Oui, exactement.
Maxime Mellina : Quels sont les rapports de force au sein de la sous-commission ? Elle compte 9 membres et au vu de la confidentialité on ne connait pas les votes de chacun, mais il y a-t-il des tendances qui se dégagent au niveau des partis politiques ? Des consensus sur certains points ? Des points de tensions qui vont créer des désaccords ?
Barbara Gysi : C’est clair que l’UDC ne veut pas d’une légalisation, on a pu le voir publiquement puisqu’ils ont refusé la prolongation du délai pour nous permettre de terminer la rédaction de la loi. Je pense en revanche que les autres partis s’accordent sur le fait que si on veut une régulation, nous devons placer la priorité sur la santé publique, la protection de la jeunesse ainsi que sur la prévention. Je pense aussi qu’il y a consensus sur le fait qu’on ne veuille pas de publicité pour les produits du cannabis. Les partis qui normalement ne soutiennent pas une interdiction de la publicité – par exemple par rapport à la loi sur le tabac – la soutiennent dans ce domaine. Au final, je pense qu’il doit être possible d’avoir un large consensus pour une législation plus stricte que pour le tabac, mais qui reste tout de même ouverte et pragmatique.
Maxime Mellina : Comment expliquez-vous cela ? On sait que dans le domaine du tabac, les lobbies sont très puissant et font beaucoup pression pour diminuer au maximum la régulation : dans le domaine du cannabis, ressentez-vous des pressions de lobbies ?
Barbara Gysi : Il y a un peu de lobbying, par exemple par l’industrie, des entreprises impliquées dans les projets pilotes, mais aussi des groupes de consommatrices et consommateurs. Mais la pression est très clairement moins forte que dans le domaine du tabac. Je pense que l’industrie suisse du cannabis est réaliste et pragmatique : tout le monde est intéressé par une légalisation. Aujourd’hui nous sommes presque sûrs que nous devrons voter sur le sujet puisque soit l’UDC, soit des organisations proches de « Parents contre la drogue » et « Jeunesse sans drogue » déposeront un référendum. Toutes ces organisations sont contre une légalisation de manière générale. Pourtant, nous avons eu des auditions d’expert·e·s sur le sujet par rapport à la protection de la jeunesse et tou·te·s ces spécialistes sont favorables à une loi. Elles et ils ne sont pas pour la consommation du cannabis, mais mettent en avant l’importance de réguler le marché pour favoriser la protection de la jeunesse, la prévention, la qualité des produits et des formes de consommation à moindres risques. Je regrette que ces organisations de droite ne comprennent pas les bénéfices que représente une législation pour les aspects de protection de la jeunesse.
Maxime Mellina : Et que disent les lobbies du tabac ? Est-ce qu’ils auront des intérêts à vendre eux ces nouveaux produits ou est-ce que ce sera une industrie du cannabis spécifique qui est en train de se créer en Suisse ?
Barbara Gysi : En ce moment on ne parle qu’avec l’industrie du cannabis et les milieux de la santé, mais pas avec l’industrie du tabac. Mais je ne sais pas s’ils discutent avec les partis de droite, comme ils le font beaucoup ces derniers temps dans le cadre de la révision de la loi sur le tabac.
Maxime Mellina : Votre projet de loi va donc être soumis dans quelques mois au plénum du Conseil national. Selon vous, quels sont les risques ?
Barbara Gysi : J’espère que nous pourrons obtenir une majorité pragmatique au Conseil national en faveur d’une réglementation, même si des voix plus conservatrices et parfois plus critiques s’élèvent à ce sujet au sein de l’UDC, du centre et, en partie, du PLR. C’est pourquoi, il est primordial pour nous d’expliquer les raisons pragmatiques de légaliser à tou·te·s les membres du Conseil national qui pourraient avoir des craintes et ne connaissent pas les objectifs de notre projet. Un avantage pour nous c’est que nous avons suffisamment de projets pilotes qui donnent de bons résultats. Il reste donc encore beaucoup de travail, beaucoup de discussions pour convaincre les membres du Parlement. Lorsqu’on aura la possibilité de discuter de cela en public l’année prochaine, ce sera un moment important. Et je pense que les villes ont un rôle très important à jouer, puisque dans les agglomérations, la population veut une législation et j’espère vraiment que le Parlement soutiendra cela.
Maxime Mellina : C’est vrai que les demandes de régulation du cannabis sont souvent venues des villes, puisque c’est sur leur territoire que les problèmes de la prohibition sont les plus visibles…
Barbara Gysi : Oui, mais ça ne concerne pas du tout seulement les villes. On a peut-être plus de problèmes visibles dans les villes mais les consommateurs et les consommatrices sont dans tout le pays, aussi en montagne, en campagne… La réalité, c’est que nous avons 300’000 consommateurs et consommatrices régulières en Suisse et qu’il faut s’en occuper. En plus, la légalisation profitera probablement aux petits agriculteurs de la campagne, ce qui doit intéresser tout le territoire.
Maxime Mellina : Il n’y aura donc pas de « röstigraben » sur le sujet ?
Barbara Gysi : Je ne crois pas, parce qu’il y a des consommatrices et consommateurs dans tous les cantons. Et s’il y a des différences régionales, je crois que sur la question des drogues, c’est la Romandie qui est un peu plus conservatrice. Mais dans les villes de Genève et de Lausanne, on a très tôt développé des activités pour les projets pilotes. En Suisse-alémanique, on a une autre histoire avec les scènes ouvertes de la drogue dans les années 1980-90, le Letten et Platspitz et les solutions pragmatiques que nous avons dû trouver. La politique drogue en Suisse Romande a toujours été plus stricte, vous avez par exemple dû attendre longtemps pour la mise en place de salles de consommation. Sur le cannabis, on a aussi plus de projets pilotes Outre-Sarine, ce qui pourra peut-être plus convaincre la population.
Maxime Mellina : S’il y a un référendum et que la population suisse devait être appelée aux urnes, ce serait à quel horizon ?
Barbara Gysi : Actuellement nous élaborons le texte. L’année prochaine, la consultation publique va s’ouvrir, puis nous allons retravailler la loi. Les débats et le vote au Parlement devraient avoir lieu en 2026. J’espère vraiment qu’on pourra finir tout ce processus durant cette législature et avec cette composition de la commission, c’est important et je suis sûre qu’on va y arriver.