octobre 2013
Doris Sarrazin (Westalen Lippe, Allemagne)
L’idée de la « Homeparty » a été développée aux Pays-Bas (NL) à la fin des années 90. Comme dans d’autres pays, les spécialistes néerlandais de la prévention des addictions avaient pour tâche d’intégrer dans leur travail des parents difficilement atteignables nécessitant un soutien particulier. Pour y parvenir, ils cherchèrent une approche à bas seuil. L’idée de la « Homeparty » vient de l’institution de Grift et a d’abord été testée et évaluée dans la pratique, elle a ensuite été utilisée de façon systématique et évaluée par l’Institut Trimbos. Elle est étroitement liée à Heleen Riper, Linda Bolier et Mariet De Vocht. En 2004, le bureau BINAD pour la collaboration transfrontalière a transféré cette approche prometteuse au centre de coordination en addiction LWL en Allemagne 1).
Le succès des soirées Tupperware est à l’origine de la façon de fonctionner de la Homeparty. Sur son site internet, l’entreprise étasunienne Tupperware explique se baser, en premier lieu, sur la « méthode de fête de la vente ». Elle a été structurée de façon à donner aux vendeurs un cadre leur permettant de montrer les avantages des produits ménagers. Les soirées Tupperware ont lieu dans des appartements, des bureaux, des clubs sociaux et d’autres endroits. Il est chaque fois nécessaire de trouver des hôtes qui invitent leurs familles, connaissances et amis ; ils reçoivent un cadeau en échange 2).
Les principes suivants ont été développés pour la transposition à la prévention des addictions. Pour pouvoir accéder avec succès aux personnes jusque-là difficiles à atteindre, les spécialistes de la prévention ont besoin d’une personne de contact (multiplicateur) en qui elles ont déjà confiance.
Ce multiplicateur permet de trouver des hôtes qui invitent (si nécessaire avec le soutien du multiplicateur) cinq à douze parents faisant partie de leur environnement social à une soirée d’information. Les soirées ont lieu dans des logements privés ou dans des lieux publics qui offrent une atmosphère similaire, favorable à des échanges intenses. Ce sont des spécialistes de la prévention des addictions qui se chargent de la modération et de l’information. La « Homeparty » consiste en une intervention brève de deux heures au maximum.
La « Homeparty » vise un groupe cible de parents de faible niveau socio-économique (y compris les minorités ethniques) ayant des enfants de 10 à 16 ans et n’ayant pas encore été touchés par les mesures de prévention des addictions. Les objectifs concrets sont :
Il s’agit naturellement aussi de viser une sensibilisation et un renforcement des parents pour qu’ils aient une attitude claire à l’égard de cette consommation et de l’éducation à ce sujet.
L’éventail des thèmes traités lors d’une « Homeparty » comprend les options suivantes :
Le déroulement de la « Homeparty » suit un certain schéma. Il commence par une brève introduction qui est suivie d’un tour de présentations. Une foire aux questions sur les drogues sert ensuite de tour de chauffe. Elle est suivie d’une information sur les psychotropes au moyen de médias visuels. D’autres sujets peuvent être abordés suite à une demande préalable. Il est important de conclure de façon systématique par des questions d’évaluation. Un autre point de cette conclusion systématique est d’éveiller l’intérêt des personnes présentes pour le rôle d’hôte lors d’une prochaine « Homeparty ».
Pour implémenter l’offre de la « Homeparty », il faut commencer par faire des investissements en temps et en coûts plus élevés. Il est approprié de faire précéder l’implémentation par un stage d’un jour pour « train the trainer » (entraîner l’entraîneur). Pour cela, il faut en principe demander une finance de participation. Pour assurer un bon démarrage de l’offre, une bonne collaboration en réseau avec des institutions clés qui ont déjà accès aux groupes cibles est nécessaire. L’Institut Trimbos estime qu’il faut au moins 58 heures pour mettre ce réseau en place. Chaque nouvelle « Homeparty » nécessite ensuite environ 17 heures de préparation, de réalisation et de suivi. Il faut tenir compte de ces durées lors de l’établissement du budget des coûts en personnel. Le soir même, il faut aussi y ajouter les frais de déplacement des spécialistes en prévention ainsi que les coûts pour la collation et le cadeau destiné aux hôtes. La documentation de travail pour la « Homeparty » et celle destinée à être distribuée constituent aussi un coût. Cette liste montre que cela ne fait aucun sens d’organiser une « Homeparty » comme un événement unique. Si une institution décidait d’introduire cette offre, elle devrait considérer et viser une implémentation dans une perspective à long terme.
Depuis que la « Homeparty » a été évaluée en 2000 dans le cadre d’un projet aux Pays-Pays, d’autres engagements ont été évalués en Allemagne, mais aussi dans le cadre du projet TAKE CARE dans dix pays européens (Belgique, Danemark, Allemagne, Grèce, Irlande, Italie, Portugal, Slovaquie, Slovénie, Chypre). Les deux graphiques ci-dessous en donnent un aperçu.
Deux études scientifiques néerlandaises ont évalué l’approche « Homeparty ». Celle de l’Institut Trimbos conclut qu’elle constitue une méthode d’intervention bien étayée et bien appropriée pour contacter les familles migrantes 3. C’est le résultat du projet pratique que de Grift a effectué entre 2000 et 2003. Une étude du Rijksinstituut voor Volksgezondhed en Milieu (RIVM) à Dilthoven (NL) conclut que la méthode de la « Homeparty » a un effet inconnu avec peu de preuves, car il n’y a pas de groupe de contrôle, pas de suivi et seulement un faible N 4. Pour ces deux évaluations, il faut toutefois tenir compte du fait que les questions posées étaient très différentes selon l’étude. L’Institut Trimbos a ainsi cherché à savoir si cette approche permet de bien atteindre le groupe cible, alors que le RIVM a voulu savoir si une intervention en soirée a un effet. Concrètement, cela signifie que l’approche « Homeparty » permet d’atteindre des parents qui jusque-là n’étaient pas atteignables (en particulier des familles migrantes3). La consommation de psychotropes a été thématisée et discutée dans ces groupes. Il n’est toutefois pas clairement établi que l’intervention en soirée provoque un changement de comportement chez les parents et ensuite une réduction de la consommation par les enfants.
Les résultats des évaluations montrent que les parents étaient très satisfaits du contenu « Homeparty ». Ils rapportent en avoir appris plus sur la consommation de psychotropes. En fin de soirée, ils se sentaient aussi renforcés dans leurs compétences de parents.
Pour que la méthode de la « Homeparty » ait du succès, il est indispensable que les spécialistes de la prévention aient des contacts avec les organisations appropriées. Ces organisations devraient savoir comment atteindre les groupes cibles et être si possible déjà en train de travailler avec eux. Il est également nécessaire que les instances dirigeantes des institutions participantes aient des accords clairs. La « Homeparty » ne devrait pas être considérée comme une intervention ad hoc, mais être intégrée dans une approche structurée liée à un plan de travail. La mise en place de la coopération ne doit pas se faire seulement au niveau des instances dirigeantes, mais aussi entre les spécialistes de terrain ; c’est un élément essentiel du succès. Toute-s les participant-e-s doivent disposer de connaissances suffisantes sur les particularités du groupe cible ou les recevoir durant la phase de préparation. Cela peut aussi signifier que les personnes clés participent aux soirées et informent au préalable sur les éléments particuliers à prendre en compte. Le succès de l’implémentation nécessite aussi une expertise et une affinité avec la méthode de la « Homeparty », particulièrement chez les spécialistes de la prévention. La « Homeparty » doit se terminer de façon systématique avec une évaluation et la distribution de matériel d’information ; c’est la condition pour que cela ne reste pas une action isolée mais que l’action se diffuse, par effet boule de neige.
Des roulements dans le personnel de la prévention se sont avérés négatifs pour la réussite des « Homeparties ». Une mauvaise communication à l’interne des institutions impliquées s’est aussi avérée négative. Le projet souffre également s’il n’est pas suffisamment équipé et organisé. Il n’est pas seulement nécessaire que l’institution de prévention y consacre du temps, l’organisation clé qui établit le contact avec les familles à inviter doit faire de même. Il peut être nécessaire de faire des modifications à tous les stades de la planification. Un manque de flexibilité des personnes clés, des parents hôtes ou des spécialistes peut prétériter une bonne implémentation.
La « Homeparty » est une méthode appropriée pour atteindre des familles d’un faible niveau socio-économique ne participant pas encore à des mesures de prévention, en particulier des familles migrantes.
L’effet de l’intervention de la « Homeparty » lors de la rencontre elle-même devrait continuer à faire l’objet de recherches.
Il serait souhaitable que la méthode soit implémentée dans une large approche de la prévention au niveau communal. Les conditions de la réussite devraient aussi faire l’objet de recherches dans un projet pratique.
Il faudrait aussi trouver un moyen pour mieux intégrer les pères dans le travail de prévention. Pour cela, la méthode de la « Homeparty » ne semble pas tout à fait appropriée.