octobre 2013
Kerstin Jüngling (Service de prévention des addictions du Land de Berlin)
Les parents sont de plus en plus considérés comme des acteurs essentiels dans le domaine de la prévention des addictions. L’étude JAH 1 a, entre autres, étudié de plus près le sujet des discussions en famille et de la consommation d’alcool. Près de la moitié des parents (48.9 %) ne parle pas ou peu de la question de l’alcool avec leurs enfants. L’alcool est toutefois un sujet de conversation occasionnel dans 39.9 % des ménages et un sujet de conversation fréquent dans 11.2 % d’entre eux. L’avis des adolescents sur ces discussions a été recueilli au moyen d’une question ouverte. L’analyse de ces entretiens a permis de les classer. Une partie importante (38.2 %) des discussions avait un caractère contrôlant : « Si déjà on en parle, on me demande si j’ai bu ». Les discussions contrôlantes portent en général sur les quantités consommées. Un bon cinquième (21.8 %) des adolescents a même décrit les discussions comme avertisseuses, responsables, accusatrices : « Mes parents attirent l’attention sur le fait que l’alcool est nocif et que nous ne devons pas exagérer, et qu’au cas où la police nous arrête, ils ne viendraient pas nous chercher, mais que nous devrons rentrer à la maison par nos propres moyens après avoir dessaoulé ». Les résultats de l’étude JAH montrent que la prévention familiale des addictions a un rôle à jouer. Il serait, d’une part, souhaitable que nettement plus de parents parlent de ce sujet avec leurs enfants car la majorité (63.7 %) des adolescents trouve que c’est bien que leurs parents discutent d’alcool avec eux, même si ces discussions sont vécues comme pénibles du fait de leur tendance à être contrôlantes. Cela vient du fait que les questions des parents révèlent de l’intérêt et de la préoccupation et en fin de compte sont considérées comme positives. Mais l’étude a aussi montré que les adolescents préfèrent les discussions ouvertes et informatives. Une autre piste serait de soutenir et d’aider les parents dans ce domaine.
Une autre étude du Service de prévention des addictions du Land de Berlin effectuée en 2006 montre que près de 50 % des parents migrants vivant à Berlin ont besoin d’informations et de connaissances sur les risques des addictions, ainsi que d’un renforcement des compétences de leurs enfants face aux risques. Un tiers des parents ne se sent pas sûr dans sa relation avec ses enfants en ce qui concerne les addictions. Plus de deux tiers d’entre eux n’ont pas assez de connaissances sur le système berlinois d’aide et de soutien. Il faut donc une « prévention des addictions sensible aux cultures » qui réponde aux souhaits et besoins des différents parents.
Thomasius & Bilke (2005) soulignent aussi qu’il faut renforcer le rôle des parents dans la prévention des addictions et des dépendances : « Une bonne qualité de la relation parents-enfants et une attitude positive des parents ne vont pas seulement de pair avec un développement favorable des adolescents (p. ex. une consommation réduite de substances). (…) Un bon soutien parental fait en outre que les adolescents se tournent plutôt vers eux que vers leurs pairs et informent plus facilement leurs parents sur leurs projets (Barnes et al. 2000), ce qui donne plus d’influence aux parents en ce qui concerne la consommation de substances. ».
L’étude AOK 2 de 2010 sur les familles a soigneusement étudié la famille en tant que facteur d’influence sur la santé des enfants. Ses auteurs décrivent les parents comme « porteurs et promoteurs de façons de vivre saines » (Settertobulte, 2010). Une grande partie des parents dispose de par sa propre expérience ou de par différentes sources d’information de connaissances suffisantes sur la façon de renforcer la santé de leurs enfants. Malgré cela, de nombreux parents n’appliquent pas ces connaissances au quotidien. Les auteurs de l’étude pensent qu’un manque de confiance en soi et l’incertitude de faire juste y font obstacle. Les connaissances relatives à la santé sont souvent considérées comme « n’appartenant qu’aux spécialistes », alors que les parents sont souvent eux-mêmes des experts dans le cadre de leurs compétences. Leur incertitude de ne correspondre qu’insuffisamment aux exigences de la société nuit à leur motivation de s’occuper de la santé des enfants. Les auteurs considèrent que la promotion d’un échange d’égal à égal entre parents, par exemple dans des cercles ou des forums de discussions, permettrait de sortir de ce dilemme.
De quoi les parents ont-ils besoin ?
La mise en place de programmes de prévention des addictions destinés aux familles connaît d’innombrables variantes nationales et internationales ayant eu des résultats mesurables avec un large spectre de méthodes et différents points forts. Le renforcement précoce de l’enfant joue un rôle important dans les projets existants. Les programmes de renforcement préventif pour enfants en bas âge se sont avérés particulièrement efficaces pour les familles défavorisées, le travail de prévention de rue, la sollicitation des parents par les enfants.
L’utilisation de plusieurs canaux de communication constitue une des importantes connaissances acquises lors de l’évaluation des projets de prévention des addictions destinés aux parents ; la communication par des personnes clés s’est avérée particulièrement efficace 3. A Berlin, le projet « Stadtteilmütter » (mères du quartier) a permis de faire des expériences positives dans l’amélioration de l’expression et de l’intégration des parents. Certaines mères migrantes sont formées pour travailler dans le quartier avec d’autres mères et pour collaborer avec le jardin d’enfants et l’école primaire. L’encouragement et l’activation des potentiels propres des parents migrants se trouvent ainsi au centre. Les mères du quartier aident p. ex. dans la transmission d’aides concrètes et d’informations pour les familles du quartier et de la circonscription, ainsi que pour la promotion de la communication et de l’interaction. Le programme « sac à dos » de promotion de la langue permet de renforcer les enfants de façon ciblée avec l’aide de leur mère. Le « sac à dos » contient des chansons, des poésies, des jeux et d’autres activités pour stimuler le langage et le développement. Les mères du quartier forment d’autres mères dans le but qu’à la maison chaque mère joue, bricole et lise avec ses enfants. Ce principe de bas seuil « des mères forment d’autres mères » fonctionne. L’affluence est grande et l’effet multiplicateur important. Les mères sont reconnues et encouragées en tant que spécialistes du développement des enfants. En 2008, les mères du quartier ont reçu une reconnaissance internationale en recevant le Metropolis Award à Sydney.
De bonnes connaissances en prévention des addictions et des compétences en communication constituent les prérequis d’un travail de parents pairs. Les spécialistes de la prévention des addictions doivent préalablement transmettre leurs connaissances et leurs compétences pour permettre aux parents pairs d’organiser eux-mêmes des actions et des projets ou de contacter d’autres parents pour les motiver à pratiquer une éducation favorisant une bonne santé et prévenant les addictions. Un climat familial ressenti comme positif va de pair avec une baisse de la consommation (Kracke, 1993).
Mais de quoi les parents ont-ils besoin – aussi en matière de prévention des addictions – pour leurs enfants ? La littérature se réfère aux aspects suivants :
Besoin d’un travail parental tenant compte des genres et de la diversité
Les expériences montrent que les offres de prévention et de promotion de la santé – pas seulement à l’école – atteignent en premier lieu les parents qui s’engagent déjà dans ce domaine et ont un niveau de formation plutôt élevé. D’après l’étude de l’Insitut Robert Koch (RKI) sur la santé des enfants et des adolescents (Kinder- und Jugendgesundheitssurvey, KiGGS) effectuée en 2008, les familles socialement défavorisées, qui comptent en particulier aussi des migrant-e-s et des parents vivant seuls, ont généralement de moins bons résultats que la moyenne allemande en matière de nutrition, de mouvement, de santé psychique, de qualité de vie et de consommation de substances. Et elles ont en outre moins accès à l’offre existante en matière de prévention. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) compte aussi les migrant-e-s parmi les groupes à risque en ce qui concerne la consommation de psychotropes. Le nombre des migrant-e-s ayant des problèmes de dépendance augmente p. ex. continuellement en Allemagne (Pfeiffer-Gerschel et al. ; 2012).
Pour augmenter les compétences en matière de genre et de diversité – particulièrement dans le travail parental – les acteurs en question doivent être prêts à acquérir de nouvelles connaissances au niveau personnel et organisationnel (voir Weissbach et al. ; 2012). Remporter l’adhésion de ces parents constitue une condition sine qua non, particulièrement aussi en ce qui concerne les questions de santé. De ce point de vue, la qualification erronée de « clientèle difficile à atteindre » n’a aucun sens !
Histoire de la mise en place de ce programme
Les caractéristiques sociales du quartier berlinois de Tempelhof-Schöneberg expliquent la création de PEaS. Dans ce quartier, il y a 16 % d’habitants migrants (avec une disparité Nord-Sud de 48 % à 6 %), le chômage est de 13 % et la pauvreté touche 12 % de la population (empirica, 2008).
Le forum d’action « Unabhängig bleiben ! » (rester non dépendant-e) a été fondé en 2007 pour développer des stratégies en matière de prévention des addictions pour la promotion communale de la santé. Le forum d’action a commencé son travail par une analyse des besoins. Les résultats de cette analyse confirment ceux de l’étude JAH et d’AOK et ont montré une lacune dans le domaine de la prévention universelle et sélective destinée aux parents et aux familles. De nombreux parents du quartier – qu’ils soient migrants ou pas – ont ainsi un besoin élevé d’information en ce qui concerne les dépendances et le renforcement des compétences de leurs enfants en matière de risques.
C’est dans cet environnement qu’en 2009, le Service de prévention des addictions du Land de Berlin et AOK ont créé le programme PEaS sensible aux genres et à la diversité.
Le but de PEaS est de promouvoir l’interaction entre les parents et l’école pour augmenter l’efficacité des mesures de prévention des addictions. PEaS s’adresse d’abord aux parents d’enfants scolarisés de la 3e à la 6e année qui veulent une formation pour éduquer leurs enfants de façon à prévenir les addictions – selon le principe de la parité – et être en mesure de transmettre les connaissances acquises à d’autres parents. Il promeut en outre une continuation du programme après le changement d’école de l’enfant.
PEaS adapte des connaissances scientifiques en matière de prévention des addictions et promotion de la santé dans les familles et à l’école, ainsi que des approches éprouvées d’intégration des parents. PEaS commence intentionnellement avant la première consommation moyenne de substances qui, d’après la BZgA 4, se situe en moyenne à 14.5 ans. L’acquisition précoce de compétences de vie et la promotion de compétences psychosociales contribuent, d’une part, à contrer le développement de comportements addictifs (Botvin, 1998). Les parents d’élèves du primaire montrent, d’autre part, un intérêt élevé pour les questions de scolarité, de santé et de développement de leurs enfants. Cet intérêt s’estompe souvent après le passage de l’enfant à un niveau supérieur (Settertobulte, 2010). On constate cependant un développement inquiétant dans l’abaissement de l’âge de la première cuite à 12 ans (BZgA, 2012). PEaS traite aussi des évolutions critiques dans l’utilisation d’internet par les jeunes (Rumpf, Meyer, Kreuzer & John, 2011).
Travailler en réseau est indispensable pour le succès du travail avec les parents
Pour que PEaS ait du succès, il est indispensable que :
Les services communaux et « cantonaux » de l’éducation (du Land) soient intégrés de façon collégiale. Le programme du Land de Berlin pour une école bonne et saine intègre l’enseignement et la santé avec le soutien du Service « cantonal » de la formation, de la science et de la recherche.
C’est là qu’intervient le programme PEaS. Il élargit la base existante de promotion de la santé en y ajoutant la prévention des addictions. Il est souhaité que les écoles qui veulent participer à PEaS s’engagent dans le cadre du programme du Land de Berlin pour une école bonne et saine. A cela s’ajoute que le travail en réseau prend vie de par le fait que des parents PEaS formés soutiennent le système avéré de prévention des addictions en milieu scolaire, soit l’enseignant-e de contact pour la prévention des addictions dans son travail.
Les personnes clés soient contactées de façon proactive et que le contact avec elles soit soigné.
Le groupe cible des parents – en particulier les parents que l’on atteint peu – a été intégré depuis le début par les personnes clés. Pour développer le projet, le Service de prévention des addictions du Land de Berlin était en contact étroit avec des groupes d’intérêts et des projets de communautés dans le but de promouvoir l’égalité des chances pour des personnes dans des situations de vie difficiles. La communauté turque de Berlin et le Service de prévention des addictions du Land de Berlin se sont ainsi basés sur leur contrat de coopération pour débattre de ce qui intéresse les parents et de la façon dont il est possible de les encourager à participer à PEaS. Les mères du quartier ci-dessus ont aussi promu la participation dans le cadre de leur travail avec les familles. A cela s’ajoute le fait que les activités du service de prévention dans les mosquées et les associations de mosquées, ainsi que la coopération avec l’association vietnamienne à Berlin, ont promu les échanges transculturels et le concept PEaS. Elles ont aussi permis d’atteindre des parents dans leur environnement de vie.
Idées directrices
Les idées directrices de PEaS sont :
Groupes cibles et objectifs
PEaS s’adresse à trois groupes cibles :
PEaS a pour objectif de renforcer les parents dans leur rôle de modèle et dans leurs compétences éducatives en matière de promotion de la santé et de prévention des addictions, de faciliter la participation des parents dans l’école et protéger ainsi, ensemble avec les acteurs du milieu scolaire, les enfants et les adolescents contre l’addiction et la dépendance.
Le développement des facteurs de protection familiaux a un effet positif avéré sur la réduction des risques de développer une addiction ultérieure (Kracke, 1993).
Il faut donc veiller à atteindre les parents tôt – particulièrement ceux dont l’intégration devrait être améliorée. PEaS donne un soutien pratique aux parents avant et durant la puberté de leurs enfants. PEaS constitue une passerelle entre l’école primaire et les niveaux du secondaire pour accompagner l’évolution dans la carrière scolaire, et renforcer ainsi durablement l’ancrage par les parents de la prévention des addictions.
Eléments du programme PEaS
Formation des entraîneurs PEaS
La formation par le Service de prévention des addictions du Land de Berlin de pédagogues qualifié-e-s dans les écoles et les quartiers est à l’origine de PEaS. Les entraîneurs PEaS sont en principe formé-e-s par paires afin d’assurer la qualité du programme et d’aménager le travail des spécialistes de façon efficace. Durant leur formation de trois jours, les entraîneurs apprennent à connaître le contenu des cours pour parents, et acquièrent des connaissances de base en prévention des addictions avec un point fort particulier sur les questions de genre et de diversité. On entraîne en outre aussi des méthodes interactives pour un déroulement des cours autonome et sans friction.
Les cours et les rencontres PEaS pour parents
Les entraîneurs PEaS formés effectuent ensuite des cours PEaS pour parents dans leurs écoles respectives en collaboration avec des expert-e-s externes (p. ex. des médecins et des collaborateurs des services de conseil en addiction).
Un cours pour parents est constitué de trois modules successifs de trois heures.
L’application du principe de parents pairs constitue le fil conducteur des trois modules. Les parents développent des idées pour des projets et exercent des discussions avec d’autres parents sur le thème de la prévention des addictions. On accorde une attention particulière à ce que les parents pairs formés s’adressent à des familles qui ont des problématiques particulières – les parents sont p. ex. aussi informés sur le thème des « enfants dans des familles touchées par l’addiction ».
Les mères et les pères PEaS doivent ensuite organiser leurs propres projets (p. ex. rôle actif dans le cadre d’une soirée entre parents, stands d’information lors de fêtes des écoles, petits déjeuners entre parents) avec le soutien des formateurs pour transmettre ce qu’ils ont appris à d’autres parents. C’est dans ce but que leurs idées concrètes sont retenues durant le module 3 et retravaillées durant les rencontres de parents.
Des rencontres sont proposées en plus des cours pour les parents ayant suivi la formation parents pairs afin d’assurer un échange régulier et augmenter l’identification avec PEaS.
Intégration des enseignant-e-s
Les enseignant-e-s des écoles des communes participantes sont informé-e-s au moins une fois par année sur PEaS. Cela comprend le rappel du concept de PEaS, les contenus transmis aux parents, ainsi que son application concrète dans la commune, p. ex. quelle école a déjà des parents PEaS.
Réalisation d’un travail parental équitable à l’égard des genres et de la diversité
La compétence en matière de diversité est un facteur de succès décisif lorsqu’il s’agit de s’adresser aux différents groupes cibles, de les convaincre des bienfaits du programme PEaS et de les motiver à « rester dans le coup » à long terme et appliquer ce qui a été appris. Cela vaut particulièrement lorsqu’il s’agit de toucher des parents qui n’ont pas encore été atteints.
Travailler en respectant les genres et la diversité est un des principes de base de PEaS ; cela fait partie intégrante de la formation des entraîneurs PEaS et des parents PEaS. Le Service de prévention des addictions du Land de Berlin a publié des bases théoriques et des indications pratiques complètes en collaboration avec des partenaires et des spécialistes dans le cadre de la politique de promotion de l’égalité du gouvernement berlinois (Berliner Senat) (Weißbach et al., 2012). L’accent de PEaS sur la diversité était déjà évident durant la phase pilote ; la part des migrant-e-s parmi les parents PEaS était de 44 % (années scolaires 2009/2010 et 2010/2011).
Toute la documentation remise aux parents à la fin du cours, y compris le contenu de la sacoche PEaS, est traduite dans les langues des participant-e-s et adaptée de façon appropriée. Actuellement, les tracts destinés aux parents PEaS existent en allemand, en turc, en russe, en arabe, en vietnamien et en polonais. Les documents de cours distribués aux parents existent également dans ces quatres langues.
Lorsque que c’est nécessaire, des interprètes compétents sont engagés pour les cours PEaS, pour les rencontres ainsi que lors des conférences destinées aux parents.
Ce paquet de mesures facilite l’accès des parents migrants et augmente l’égalité des chances en matière de prévention des addictions et les rend plus durables.
Accès à bas seuil pour une participation accrue
La vie de famille est diverse. Les parents intéressés par PEaS ont p. ex. du travail ou pas, un ou plusieurs enfants, sont seuls ou en couple. Pour faciliter la participation aux cours PEaS et aux rencontres de parents, les entraîneurs PEaS planifient les heures et les lieux de cours de façon flexible et en étroite collaboration avec les parents de l’école.
Assurer la prise en charge des enfants pendant les cours facilite en outre la participation de nombreux parents à PEaS – et pas seulement aux parents seuls. Cela permet ainsi aux mères des familles dans lesquelles la garde des enfants est une « affaire exclusivement féminine » ou au parent qui a un-e partenaire dont l’activité professionnelle aurait empêché la participation au cours, de tout de même accéder à PEas. La fidélisation des familles et la participation aux trois modules obligatoires augmentent lorsque la prise en charge des enfants est systématiquement intégrée au programme PEaS. Les mesures de prévention comportementale touchant directement les deux groupes cibles, les parents et les enfants au sein d’une même famille, augmentent l’efficacité et la durabilité du programme PEaS.
Le Service de prévention des addictions du Land de Berlin a développé un concept de prise en charge des enfants, accompagnant le cours pour les parents, dans le but de renforcer les facteurs de protection. Ce concept suit les horaires du cours PEaS pour les parents. Les enfants pris en charge échangent de façon ludique sur les thèmes de la télévision et de la consommation de sucreries. L’objectif est de promouvoir un comportement responsable de leur part. On thématise et on renforce en outre une relation consciente avec les sentiments, la résolution constructive des conflits et des loisirs judicieux.
L’implantation de PEaS est évaluée par l’Université libre de Berlin / Institut StatEval et adaptée selon les résultats d’évaluation dans le sens d’un processus continuel d’amélioration.
Les résultats suivants se basent sur l’enquête menée auprès des parents qui avaient suivi le cours. L’évaluation vise à montrer dans quelle mesure il a été possible de créer les conditions nécessaires à une fidélisation efficace des parents (Tschöpe-Scheffler, 2005).
Caractéristiques socio-démographiques des parents
Plus de 120 parents ont suivi les cours PEaS depuis le lancement du programme en 2009. Après le 3e module, un total de 96 parents ont participé à l’évaluation des cours, 87 femmes (90.6 %) et 9 hommes (9.4 %).
34 sur 96 d’entre eux étaient migrants. Cela correspond à 35.4 % des participants. On mesure clairement que la proportion de parents migrants varie de 76 % à 15 % d’une année scolaire à l’autre.
Intérêt des parents pour la prévention des addictions
Les résultats montrent très clairement que tous les sujets traités ont rencontré un large intérêt et que les parents ont un important besoin en informations concernant la consommation de substances addictives (et les comportements addictifs) des enfants et des adolescents.
Tous les parents s’intéressent (beaucoup) à la « communication avec les enfants concernant les dangers des psychotropes », à la « communication avec les enfants concernant les dangers des jeux vidéo » et aux « effets des jeux vidéo sur les enfants ». La plupart des parents se sont aussi intéressés aux deux autres thèmes que sont les « effets des psychotropes sur les enfants » et les « offres de soutien et de conseil en cas de risque d’addiction chez des enfants ». La répartition détaillée se trouve dans le tableau 1.
Les cours destinés aux parents permettent d’augmenter les connaissances
L’évaluation montre clairement que la grande majorité des parents a augmenté ses connaissances pour les trois modules :
93.7 % des parents ont indiqué avoir augmenté leurs connaissances durant le module 1 consacré à la façon de parler à son enfant de l’alcool, d’Internet et du tabac.
93.6 % des parents ont indiqué avoir augmenté leurs connaissances durant le module 2 consacré à l’entrée dans l’adolescence et aux effets de l’alcool et des jeux vidéo à cet âge-là.
96.6 % des parents ont indiqué avoir augmenté leurs connaissances durant le module 3 consacré aux aides existantes pour les parents qui se font du souci pour leur enfant. Les détails des retours concernant ce module se trouvent dans le tableau 2.
Les parents qui y ont participé évaluent les différents événements
Le tableau ci-dessous donne un aperçu sur l’évaluation d’ensemble des cours destinés aux parents dans le cadre du projet PEaS. Les questions portent sur la capacité des parents à agir et les connaissances qu’ils ont acquises.
98.9 % des parents interrogés ont beaucoup appris sur la consommation de psychotropes de leurs enfants. 86.7 % des parents ont indiqué avoir beaucoup appris sur les jeux vidéo et les enfants. Le retour est également positif en ce qui concerne la capacité d’agir des parents. 82.4 % des parents ont ainsi indiqué pouvoir mieux argumenter en ce qui concerne la consommation de psychotropes après avoir suivi le cours. 82.8 % des parents ont indiqué pouvoir mieux parler des jeux vidéo. Les détails des retours concernant ce module se trouvent dans le tableau 3.
75 % des parents ont en outre l’intention de faire un travail de parents pairs concret à l’école, après la fin du cours PEaS pour parents.
Feedback factuel
Le programme PEaS a été reconnu et mentionné dans toute l’Allemagne. Il a ainsi reçu le 1er prix dans la catégorie des villes indépendantes lors du 5e concours consacré aux stratégies exemplaires de prévention communale des addictions 2011. Cette distinction souligne le fait que PEaS montre la voie à suivre en matière de prévention des addictions – particulièrement du fait de l’engagement communal. Le Deutsches Institut für Urbanistik (Difu) (2011) dit ainsi : « L’approche à bas seuil et à parité de ce projet est particulièrement adaptée pour atteindre des parents et des familles dans ses situations particulières. Ce projet rencontre ainsi une acceptation élevée de la part des parents et obtient des effets notables dans leur sensibilisation à la prévention des addictions. »
La centrale allemande des questions d’addictions (Deutsche Hauptstelle für Suchtfragen, DHS) considère que PEaS est un projet « best practice ». PEaS a en outre été mentionné au niveau européen dans le rapport Reitox.
De nombreuses publications, entre autres par AOK, dans le rapport allemand sur les drogues et les addictions en 2012 et dans le réseau Gesunde-Städte, confirment l’intérêt et la qualité de ce programme.
L’intérêt pour une transmission de PEaS à tout le Land de Berlin et à d’autres Länder est également élevé.
Début 2013, le programme PEaS peut s’appuyer sur une expérience de quatre ans de travail de prévention des addictions avec une prise en compte particulière des parents. Mais dans quelle mesure a-t-il été possible d’appliquer les idées directrices du programme au quotidien (scolaire) ?
Il faut mentionner en premier lieu l’approche inclusive de PEaS. Le focus du programme se trouve surtout dans la valorisation particulière des différentes cultures et dans l’intégration des parents migrants. Avec plus de 35 % des participant-e-s au cours pour parents migrants, on peut parler d’un important succès en ce qui concerne la reconnaissance de différentes formes de vie et de cultures. PEaS est parvenu à atteindre justement les parents qui ne s’engagent généralement que très peu dans le quotidien scolaire de leurs propres enfants et à établir une relation avec eux. PEaS contribue à augmenter l’égalité des chances en matière de santé.
Les résultats d’évaluation des cours pour parents sont extrêmement bons. Les résultats montrent que tous les parents participants ont un intérêt élevé pour les sujets traités par PEaS. Il faut en outre noter une nette augmentation des connaissances des parents dans tous les domaines de la prévention des addictions. C’est la base de tout travail de parent pair conscient de soi et informé dans la prévention des addictions. La plus grande partie des parents se sent renforcée dans ses propres compétences à parler de consommation de psychotropes et de jeux vidéo avec ses propres enfants. D’après Tschöpe-Scheffler (2005), l’élargissement des compétences, ainsi que des connaissances et de l’information sont des facteurs importants pour qu’une formation parentale réussisse. Les résultats d’évaluation positive des cours pour parents concernant ces facteurs montrent clairement que les cours pour parents répondent en grande partie à leurs besoins et à leurs questions – c’est une condition pour un travail réussi avec les parents.
Dans leur évaluation de ces cours, les parents qui y ont participé ont été priés de s’exprimer sur des activités concrètement planifiées – l’approche « pairs » du programme. Les parents y ont entre autres aussi indiqué prévoir de se signaler comme mère ou père PEaS et avoir l’intention d’organiser des rencontres de parents, de prendre contact avec les enseignant-e-s de contact à l’école ou d’organiser des activités pour d’autres parents. Plus d’un quart des parents a l’intention de se consacrer activement à la prévention des addictions après la fin des cours destinés aux parents. La théorie psychosociale du comportement prévu (Ajzen, 1985) considère que ce sont justement les intentions d’une personne qui jouent un rôle décisif pour le changement de comportement. Une intention comportementale concrète peut ainsi être considérée comme une déterminante importante du comportement.
Le peu de pères pairs jette toutefois une lumière critique sur la partie égalité entre les genres de ce programme – en effet, moins d’un parent sur dix est un homme. C’est donc un défi que de retravailler PEaS en tenant compte des images familiales et des rôles familiaux dans les différentes cultures pour faire des offres plus appropriées aux pères afin de les convaincre de s’engager plus fortement dans le cadre de PEaS.
« La promotion de la santé vise un processus permettant de donner à chacun-e plus d’autodétermination sur sa propre santé et de les rendre ainsi plus à même de renforcer leur propre santé. Pour atteindre un bien-être corporel, spirituel et social complet, il est nécessaire que les individus et les groupes satisfassent leurs besoins, prennent en compte et réalisent leurs souhaits et leurs espoirs, et puissent influer autant que possible sur leur environnement. […] La responsabilité de la promotion de la santé ne se trouve ainsi pas seulement en main du secteur de la santé, mais dans tous les domaines de la politique et vise à promouvoir le bien- être général par le développement de façons de vivre plus saines. » (Organisation mondiale de la santé , OMS, 1996)
C’est dans ce sens que le programme PEaS participe à cette tâche sociétale par le soutien participatif de parents par d’autres parents dans le cadre de l’école.