septembre 2007
Olivier Guéniat, chef de la police judiciaire du canton de NeuchâtelPierre Esseiva, professeur à l'Ecole des sciences criminelles, Institut de Police Scientifique, Université de Lausanne
Le marché des substances psychotropes illicites est extrêmement particulier. Ses règles, sa dimension mondiale, ne correspondent en principe pas aux discours politiques et aux préoccupations législatives d’un pays comme la Suisse. Faut-il dépénaliser se questionnent les uns, maintenir le statut quo affirment les autres? La question du trafic des stupéfiants ne se résume pourtant pas à un modèle dichotomique aussi simple. Elle contient des variables qui vont bien au-delà de nos souhaits sociétaux et contre lesquels nous sommes bien peu puissants pour ne pas dire insignifiants. Osons suivre l’évolution du trafic de l’héroïne dont les changements ont induit la multiplication du nombre de consommateurs d’opiacés en Suisse entre 1980 et la fin des années 90, sans que nous ne puissions réagir.
Le contrôle international des drogues est l’une des formes les plus anciennes du multilatéralisme, plus ancienne que l’Organisation des Nations Unies et même que l’organe qui l’a précédé, la Société des Nations. Si les plantes psychoactives sont utilisées depuis longtemps, c’est au début du XXe siècle que divers problèmes de drogues nationaux ou locaux ont pris une dimension internationale dans le contexte de l’ère coloniale. La Commission internationale de l’opium a été réunie à Shanghaï (Chine) en 1909 et a donné naissance au premier instrument de droit international traitant des substances psychoactives: la Convention internationale de l’opium signée à La Haye en 1912. À partir de là s’est engagé un processus qui a débouché sur un système multilatéral de contrôle des drogues. La portée du contrôle sur les drogues s’est élargie et s’est approfondie au cours des ans, couvrant d’abord l’opium, puis la cocaïne et le cannabis et enfin les substances psychotropes, et partant de la réglementation de la production et du commerce des médicaments pour arriver à l’objectif d’une coopération internationale dans la lutte contre les problèmes multiformes que posent les drogues illicites. Le cadre juridique de ce système de contrôle multilatéral est maintenant assuré par trois conventions internationales sur les drogues (1961, 1971 et 1988) auxquelles presque tous les pays ont adhéré.
En ce qui concerne l’efficacité de ce système multilatéral, les éléments dont on dispose montrent qu’au cours des cent dernières années, il a permis de réduire et de contenir le problème de la drogue au niveau mondial. Il est difficile de dégager une tendance sur un siècle parce que les données sont peu nombreuses, mais on a un certain nombre de points de repère. Le plus éclairant concerne l’opium parce que le problème a été étudié par la Commission de Shanghaï en 1909. Peu avant que soit convoquée la Commission de Shanghai, la production mondiale d’opium était estimée à 30 000 tonnes par an au moins. Près de cent ans plus tard, ce chiffre était tombé à quelque 5 000 tonnes, dont 400 tonnes seulement destinés à des usages médicaux licites. La population mondiale s’est accrue, passant de quelque 1,65 milliard de personnes en 1900 à 6,4 milliards. La production d’opium est donc inférieure de 80% dans un monde qui est plus de trois fois plus grand. En Chine, où la population se chiffrait à l’époque à 450 millions de personnes, il y avait près de 25 millions d’opiomanes. Actuellement, le nombre estimé des consommateurs d’opium en Asie est d’environ 8,5 millions. Il y a évidemment de nombreuses autres drogues aujourd’hui. Mais cette tendance illustre quand même de façon frappante la manière dont la production de drogues illicites a été contenue sur un siècle. Le système multilatéral de contrôle des drogues a permis de limiter le problème à 5% de la population mondiale (âgée de 15 à 64 ans). C’est là un résultat qu’il ne faudrait pas sous-estimer et qui donne une perspective utile pour analyser les faits survenus plus récemment. Sur ces 5% de la population (âgée de 15 à 64 ans) qui consomment des drogues illicites au moins une fois par an (prévalence annuelle), la moitié seulement (2,7% de la population âgée de 15 à 64 ans) en consomme régulièrement, c’est-à-dire au moins une fois par mois. Le nombre de ceux que l’on considère généralement comme des toxicomanes ou des consommateurs de drogues à problèmes s’élève à quelque 25 millions de personnes dans le monde, soit 0,6% de la population âgée de 15 à 64 ans. Cette estimation ne semble pas avoir beaucoup évolué ces dernières années au niveau mondial dans la mesure où la progression constatée dans certains pays a été compensée par un recul dans d’autres.
L’analyse du problème au cours d’un passé plus récent fait aussi apparaître certains faits positifs. Tout au long des années 90, la superficie mondiale cultivée en cocaïers a été d’environ 200’000 hectares. Depuis 2000, elle a diminué de plus d’un quart. L’année dernière, la culture du pavot à opium au plan mondial était aussi de 36% inférieure au niveau enregistré en 1998 (237’819 hectares) et 46% inférieure à ce qu’elle était en 1991 (281′560 hectares), et ce malgré la reprise de la production du pavot à opium en Afghanistan ces dernières années. Même en ce qui concerne l’abus de drogues, pour lequel les données ne sont souvent pas disponibles ou comparables, certaines tendances positives se dégagent. Au niveau mondial, la consommation de stimulants amphétaminiques, de cocaïne et d’opiacés est restée d’une manière générale stable au cours des trois dernières années. De ce fait, même si le nombre des toxicomanes atteint encore des niveaux inacceptables, il y a un espoir de voir contenue l’utilisation d’au moins certaines drogues illicites.
La production du pavot, en tonnes, est la deuxième plus importante après celle du cannabis. Elle est essentiellement concentrée en Asie, mais elle a également été introduite au Mexique dès le début du XXe siècle; elle est aussi cultivée au Pérou, en Colombie et au Venezuela depuis les années 90. Des cultures de pavot à opium ont également été répertoriées au Nigeria, au Bénin et au Togo, ce qui témoigne de la progression du phénomène et de sa mondialisation.
Il existe 58 pays producteurs et 23 pays exportateurs d’opium dans le monde. L’Asie compte 16 des 23 pays exportateurs d’opium.
Les principales régions productrices-exportatrices mondiales d’opium sont le Triangle d’Or, composé du Myanmar, du Laos et de la Thaïlande, et le Croissant d’Or, composé de l’Afghanistan, de l’Iran et du Pakistan.
En Europe, l’héroïne importée se présente principalement sous la forme chimique basique (l’héroïne brune) presque essentiellement fabriquée en Afghanistan, qui reste le premier fournisseur mondial d’opium illicite du monde avec, en 2005, 89% de la production mondiale, devant le Myanmar (7%). On estime que près de 4 670 tonnes d’opium ont été produites en 2005, soit un recul de 4% par rapport à 2004. La production potentielle totale d’héroïne était de l’ordre de 750 tonnes en 2005.
Le commerce des drogues illicites ne répond pas aux même lois économiques que celui des produits licites. La marge de bénéfice réalisée entre le coût de production et le prix de vente au détail est gigantesque et sans commune mesure avec ce que connaissent tous les autres biens de consommation. Le facteur multiplicateur entre les coûts de production et les prix du marché de la vente au détail constitue en quelque sorte le «prix de l’illégalité». De plus, le marché n’est pas aussi structuré et rigide qu’on l’imagine, même si les acteurs qui en détiennent les clefs sont eux bel et bien organisés. Les intermédiaires sont nombreux, la chaîne entre la production, la transformation et la vente contient plusieurs maillons de forces inégales qui jouissent souvent d’une grande autonomie les uns par rapport aux autres. La concurrence existe sur ce marché, mais elle est inattendue, brutale, multiple et mouvante.
L’organisation du marché mondial des dérivés de la morphine, dans ses mécanismes, pourrait d’ailleurs à plus d’un titre être comparé à celui d’une multinationale de l’industrie pharmaceutique.
Le marché de la drogue est caractérisé par son dynamisme, sa souplesse et sa capacité à s’adapter à des contraintes changeantes et, peut-être avant toute autre variable, sa résilience. En effet, le réseau allant de la production à la distribution est largement parcellisé en entités autonomes dont la position au sein de l’organisation est évolutive et provisoire. A l’exception du producteur, chacun peut, dans le réseau, créer de nouveaux marchés, substituer son activité, ou la diversifier, ou encore se retirer, indépendamment de la place particulière qu’il occupe. Il se dégage de cette structure de marché un caractère hautement imprévisible et une répartition des risques par entité indépendante. Toute action répressive ou prohibitive ne peut donc être que ponctuelle et temporaire, du moins tant qu’elle ne touche pas directement le producteur. La répression policière, même envisagée mondialement, ne peut endiguer ni la production, ni les flux. Les réseaux survivent, se reconstituent perpétuellement, contournent les obstacles, d’autres substituent ou remplacent simplement ceux qui ont dû laisser leur place.
La demande dans ce type de marché est inélastique, alors que l’offre est élastique. Il s’agit d’un cas particulier de l’économie de produits illicites, pour lequel la consommation et la production peuvent être ajustées selon des modalités particulières et conjoncturelles. La demande est caractérisée par l’accoutumance et la dépendance aux produits de la part des consommateurs. Une baisse volontaire des prix augmente le nombre d’adeptes, mais une hausse consécutive ne fera pas baisser, ou du moins que très faiblement, le nombre de consommateurs. Le facteur retardateur sur la loi de l’offre et de la demande est directement lié à la nature du produit qui implique une dépendance chez le consommateur, et donc la nécessité absolue de se procurer le produit. Mais des nuances doivent être faites sur la logique de l’offre et de la demande, car l’histoire montre de multiples contre-exemples, des baisses de prix de l’héroïne n’ayant pas systématiquement provoqué une hausse de la demande.
D’autres facteurs pourraient entrer en ligne de compte pour fixer le prix du produit, telles sa qualité et sa pureté (coupage). Il n’existe aucun contrôle de la qualité de l’héroïne propre à réguler le marché. Les variations sur la pureté du produit peuvent plus que doubler la quantité vendue au détail par rapport à la quantité produite. Le prix à l’achat de stupéfiants par les consommateurs étant quasiment fixe, tant et si bien que c’est le nombre d’intermédiaires tout le long du voyage du pays producteur au pays consommateur qui détermine les marges de bénéfices.
Ainsi en Europe, dans les années 1980, l’héroïne était d’une grande pureté et d’une très bonne qualité. Originaire d’Asie du Sud-Est, elle quittait les laboratoires de la Pizza Connection à plus de 98% et était d’une blancheur étincelante et cristalline. Dans le pire des cas, elle arrivait sur le marché suisse avec un degré de pureté diminué de 30%. En Suisse, elle se négociait entre CHF 300.- et 600.- le gramme. Dans les années 90, le marché a été bouleversé et l’héroïne a changé dramatiquement de qualité. Elle provient essentiellement d’Asie du Sud-Ouest et elle n’est plus vendue sous la même forme (basique et non plus avec du sel hydrochloré); elle est d’une pureté maximale de 70% lorsqu’elle n’est pas adultérée. Quel que soit son degré de coupage, les prix ont chuté depuis 1995 à CHF 50.- le gramme, alors même que le degré de pureté du produit varie entre 10% et 70%. La logique de l’offre et de la demande a été respectée lors du changement de qualité du produit, une chute de la qualité ayant engendré une chute des prix. Durant les dix années suivantes, les prix sont restés fixes, quelle que soit la qualité du produit vendu. Ainsi, le kilo d’héroïne se négocie entre CHF 25’000.- et 80’000.- alors que le prix du gramme est inflexible et est négocié invariablement à CHF 50.-.
Le contexte politique, social et géographique ainsi que les communautés qui détiennent le trafic, induisent des variations dans les prix du produit qui ne répondent pas à une logique classique d’économie de marché. A défaut d’en extraire des règles fiables à long terme, l’étude économique de ce type de marché aboutit au constat suivant: l’économie de la drogue est un marché illégal de produits illicites constituant une source de revenus exceptionnels. Les profits sont basés sur une très importante différence de prix entre l’amont et l’aval des filières, distorsion elle-même définie par le caractère illicite du marché et du produit. Les facteurs régissant ce type de marché dépendent de manière prépondérante de la longueur de la chaîne de distribution et de sa volatilité, de la variabilité des risques, de la variabilité des besoins en argents (financement des guérillas), de la gestion ou de la rupture des stocks. Ainsi, avec 1kg d’héroïne d’Asie du Sud-Ouest arrivé en Suisse non adultérée et donc à un degré de pureté d’environ 70%, un trafiquant peut soit vendre 200 sachets de 5g, à CHF 250.- le sachet, ou le négocier pour une somme d’environ CHF 50’000.-. Mais il peut aussi couper la drogue pour arriver à un degré de pureté d’environ 10% d’héroïne, en ajoutant 6kg de caféine et de paracétamol (1:2), pour confectionner 1’400 sachets de 5g qui seront vendus à CHF 250.- l’unité, générant un chiffre d’affaire à la vente de CHF 350’000.-.
En Suisse, c’est en grande partie la chimie de l’héroïne vendue qui a certainement le plus influencé la configuration du trafic illicite et de la consommation et non pas les changements législatifs ou le débat politique sur la question ou encore les programmes de prévention et d’aide à la survie. Ce sont au contraire bien plus les grands bouleversements géopolitiques que le monde a connus durant ces vingt dernières années qui ont engendré les processus des changements de configuration des marchés de la drogue. Seules les guerres peuvent interrompre les flux, du moins momentanément. D’ailleurs, durant la guerre de 1939-1945, le trafic de l’héroïne a pratiquement disparu entre l’Europe et les Etats-Unis, alors qu’il était assuré par la première des mafias mondiales de l’époque, la mafia italienne. Autre exemple, la peur du communisme chinois et le soutien de la CIA américaine à la Thaïlande, au Laos et à la Birmanie peuvent être considérés comme les principales causes de la création du Triangle d’Or. Comme les Etats-Unis en Thaïlande ou en Birmanie, la France était très active en Indochine, où Saïgon devint vite une des capitales de la production d’héroïne. Les stocks de morphine et d’héroïne indochinoises alimentèrent alors ce que l’on appela la French Connection.
Il apparaît que le trafic des stupéfiants a été subventionné par les gouvernements français et américains pour financer les guerres coloniales qu’ils ont fini par perdre, au bénéfice de la «pieuvre». Des schémas identiques, mêlant hypocritement raison d’Etat et grand banditisme, seront également appliqués par les Etats-Unis lors de la guerre du Liban et en Afghanistan durant la guerre froide. Après avoir créé le Triangle d’Or dans le Sud-Est asiatique, la politique américaine est aussi à l’origine du Croissant d’Or moyen-oriental issu de la lutte contre le communisme soviétique, soutenue par les Etats-Unis.
Un redimensionnement des rôles s’est opéré petit à petit au gré des conflits mondiaux dans lesquels l’argent de la drogue trouve une place importante: le conflit turco-kurde, la guerre du Liban, les guerres d’Afghanistan, les guerres de Ex-Yougoslavie, du Kosovo, etc. Autant de conflits qui ont engendré des migrations importantes en Europe occidentale et par-là une succession de communautés intéressées par les profits de la vente de l’héroïne.
Parallèlement en Suisse, nous avons d’ailleurs assisté, dans les années 80-90, à une passation des pouvoirs entre Turcs et Libanais (par exemple) relative à la vente sur rue. Il y eut même quelques règlements de compte aboutissant à plusieurs morts à Zurich entre ces communautés. Le début des années 90 fait apparaître une nouvelle passation de pouvoir quant à la détention de la vente sur rue. Le conflit de l’Ex-Yougoslavie confère aux Serbes, Bosniaques, Croates, etc, le pouvoir de la distribution de l’héroïne en Suisse. Les Turcs se retirent et se spécialisent dans la transformation de la morphine en héroïne et la logistique du transit. De nouvelles voies d’acheminement apparaissent alors au gré des flux migratoires.
Enfin, la complexité, la particularité et la durée de la guerre du Kosovo a placé les communautés albanophones dans une situation de domination quasi totale de la vente d’héroïne en Suisse. Là encore, c’est le flux migratoire qui catalyse l’émergence d’une nouvelle domination de ce trafic.
L’argent de la drogue sert à financer la résistance et la guerre, permet la création d’automatismes et d’efforts de structuration du trafic: une nouvelle mafia émerge, née vraisemblablement d’une volonté de la politique américaine visant à l’auto financement de ce conflit, garant de l’opposition à la formation d’une «Grande Serbie».
Dès lors, l’enjeu des profits issus du trafic de l’héroïne en Suisse est colossal. On pouvait estimer à un strict minimum de 25’000 toxicomanes achetant chaque jour 1 gramme d’héroïne, soit 25 kilos vendus chaque jour. La consommation annuelle suisse était donc d’environ 9 tonnes d’héroïne, pour un chiffre d’affaire (CHF 50.- le gramme) de 450 millions de francs.
L’émergence de la mafia albanophone a aussi coïncidé avec une diminution de la qualité de l’héroïne-base, notamment par son coupage. Depuis 1997 environ, l’héroïne-base a passé à des seuils de coupages successifs l’amenant systématiquement à moins de 30%, puis depuis quatre à cinq ans, à moins de 10%. Durant la période de la guerre d’Afghanistan, il était même fréquent de saisir de l’héroïne-base à moins de 3%. Il semble qu’il y ait eu une forme de pénurie sur le marché et que l’on écoulait les derniers stocks d’Afghanistan. Ces changements ont coïncidé d’ailleurs de manière très marquée et compréhensible à la chute du nombre d’overdoses mortelles ces dernières années. Depuis lors, l’offre d’héroïne sur le marché suisse a fortement décrû tant et si bien qu’elle a été en quelques années substituée par l’offre de cocaïne apportant son lot de problèmes et une configuration de marché illicite très différente de celle des années nonante.
On l’aura compris, ce n’est pas la Loi fédérale sur les stupéfiants qui dicte le rythme du marché des produits psychotropes illicites. Tout au plus empêche-t-elle, ou plus exactement prévient-elle, une plus grande dérégulation du marché. La dépénalisation, ne serait-ce que de la consommation, n’aurait guère d’influence sur les fluctuations du marché des drogues du fait de sa dimension mondiale et de ses enjeux. Tout au plus ferait-elle de la Suisse un Eldorado européen dans lequel afflueraient les toxicomanes venus d’ailleurs sans négliger le lot de petite criminalité associée à la consommation de produits psychotropes qu’ils importeraient. La Suisse ne pourrait pas se lancer seule dans un projet de dépénalisation, sans l’Europe. Il est d’ailleurs quasi illusoire de penser qu’il est possible d’organiser une réglementation étatique du marché des produits stupéfiants en substitution d’une loi relativement simple, mais contraignante. L’équilibre de la coexistence des drogues illicites dans notre société est extrêmement fragile, presque impossible à anticiper, excessivement difficile à soigner. II ne faut pas oublier quand même à ce sujet que la paix sociale, dans le cadre de l’inter relation entre la toxicomanie et la criminalité, a été achetée en Suisse par un financement directement lié à la contribution des services sociaux et de l’assurance invalidité. Fermer les vannes de ces dernières et c’est l’autre flux qui va croissant. Il faut aussi vraisemblablement renoncer à l’hypothèse soutenant que l’Etat puisse vendre des produits psychotropes à la place des mafias de la drogue, la politique des prix à la vente ne serait, de manière plus que probable, pas à l’avantage de l’Etat, parce que la drogue illicite n’étant de loin pas de qualité pharmaceutique, son coût de production est extrêmement faible. Parallèlement, la marge du bénéfice à la vente étant énorme, elle présente l’avantage de pouvoir vaincre une concurrence étatique. Enfin, les toxicomanes paient une partie de leur consommation par la revente; la suppression du marché noir, même gris, mettrait fin à toute forme d’autofinancement. Qui paierait?