août 2020
À l’heure où j’écris ces lignes, la Suisse compte autour d’une centaine de nouvelles infections liées à la Covid-19 par jour, nous portons des masques dans les transports publics et la plupart des institutions fonctionnent encore sur un mode de sortie de crise. Ailleurs dans le monde, la pandémie fait rage avec le nombre de nouvelles infections qui continue d’augmenter à près de 200’000 cas par jour. Certains pays, notamment ceux dirigés par des idéologues populistes incapables de protéger la santé de leurs concitoyens, croulent littéralement sous le nombre de malades.
À l’heure où vous lirez ces lignes, les choses auront sans doute (à nouveau) passablement changé, dans le bon ou dans le mauvais sens, mais il est peu probable que nous sachions beaucoup mieux de quoi sera fait l’avenir. La pandémie – cela nous le savons – n’a pas fini de nous en faire voir de toutes les couleurs.
Le numéro de Dépendances que vous tenez entre vos mains a pour vocation de « faire mémoire ». Il présente ce qui a été fait par les professionnels du domaine des dépendances quand, soudainement, tout allait sens dessus dessous, quand il a fallu quitter certaines routines et se réinventer. C’est donc un bilan d’étape et il n’est pas impossible que nous consacrions encore un numéro aux conséquences de cette pandémie. Mais ce premier tour d’horizon est important, car il permet d’entrevoir nos capacités à répondre à une crise d’envergure qui n’est pas ou peu annoncée.
Ce bilan est, comme on le verra dans les prochaines pages, souvent positif avec des institutions et des individus qui ont, dans un savant mélange de professionnalisme, de créativité et d’engagement, amorti l’impact de la première phase de la crise que nous traversions, sauvant ainsi des vies et maintenant les contacts quand c’était le plus difficile. La crise a ainsi mis en lumière une culture et une éthique professionnelles souvent remarquables. Elle a aussi révélé certaines failles qu’il a fallu ou qu’il faudra combler.
Les exemples présentés peuvent aussi servir à une sorte d’autoévaluation. Certains parmi nous sont peut-être restés bloqués face à cette crise, ayant perdu le contact avec le terrain ou trop empêtrés dans la gestion de projets pour pouvoir agir en situation d’urgence. D’autres se seront peut-être vus comme courageux et innovateurs alors qu’ils n’ont guère fait plus que le minimum pour aller à la rencontre de personnes qui avaient besoin d’eux. En lisant les expériences rapportées dans ce numéro, on peut, je crois, se faire son propre benchmarking et se demander « Et nous, comment avons-nous agi pendant cette crise ? Aurions-nous pu faire autrement et mieux ? ». Il y a donc aussi des leçons à tirer de la lecture de ces articles.
Lorsque nous avons imaginé ce numéro avec Jean-Félix Savary, nous avons pensé à Laurent Rochat de la Fondation des Oliviers pour écrire un article sur la manière dont le secteur résidentiel avait affronté la crise. En réponse à notre invitation, Laurent nous a répondu que des ennuis de santé ne lui permettaient pas d’écrire cet article. Peu de temps après, nous avons appris avec une immense tristesse sa disparition. Puisque sa voix manque à ce numéro, nous souhaitons le dédier tout entier à sa mémoire, celle d’un professionnel hors pair et d’un ami.
Frank Zobel