mai 2004
Marathons de danse, consommation de produits divers pour tenir le coup, le visage des soirées techno (ou rave parties) présente des similitudes avec les compétitions sportives et vibre au rythme généralement effréné de notre société de consommation. Ce mode de vie festif, qui par ailleurs, du moins à ses débuts, véhicule des valeurs positives de partage et de fraternité, est souvent synonyme de prise de risques: polyconsommation, surdoses, agression sonore, etc.
Dans les pages qui vont suivre, nous vous proposons, sept ans après le premier numéro de dépendances consacré à ce thème, un tour d’horizon des différentes actions de réduction des risques qui se sont développées en Suisse dans le milieu techno. Initiées par des groupes de pairs, ces actions sont aujourd’hui relayées par des professionnels du champ des dépendances; cette immersion sur le terrain a permis de réaliser de nouvelles enquêtes de consommation dans le canton de Vaud et en ville de Zürich, dont les résultats sont significatifs: les personnes qui consomment le plus sont aussi les plus jeunes et les moins bien informées. Le travail de sensibilisation est donc nécessaire, même s’il est en butte à un manque de soutien de la part des autorités. Par exemple, l’analyse de substances, une stratégie spécifique de la réduction des risques en milieu techno, se heurte à de vives résistances, comme en témoignent les associations de pairs telles Prevtech ou Eve&Rave.
En parallèle à ces actions de réduction des risques sur le terrain, tous les acteurs plaident pour des mesures structurelles et une véritable volonté politique nationale afin de faire face au dopage festif des nuits helvétiques. Des initiatives cantonales mettent sur pied des collaborations efficaces entres les différentes instances concernées: une charte à l’intention des organisateurs, reprise à Zürich, a pu voir le jour grâce au groupe Night Life du GREAT. C’est dans cette direction aussi que s’oriente le travail de Canal J en Belgique, mettant en évidence la portée symbolique forte d’une prise en compte au niveau des instances décisionnelles de ce mouvement culturel et social que représentent les rassemblements technos. En encadrant, en fixant des règles précises et ciblées, les adultes donnent des points de repère à des jeunes en quête d’identité; à ce titre, les soirées techno peuvent être décodées comme un espace d’expression en dehors d’un quotidien parfois angoissant, où la musique techno et, parfois, les drogues, permettent une forme de transe à valeur rituelle, qui, en écho, interroge les valeurs de notre société.
Corine Kibora-Follonier (ISPA)