décembre 2009
La santé publique se donne l’ambition de comprendre la façon dont les styles de vie et les conditions de vie (société et environnement) déterminent la santé de chacun. En 1952 déjà, l’OMS la décrivant comme étant «la science et l’art de prévenir les maladies, de prolonger la vie et d’améliorer la santé et la vitalité mentale et physique des individus». Il s’agit donc d’une démarche plus large que le champ strict de la santé, qui intègre forcément des dimensions politiques, économiques et sociologiques.
Ce principe de protection de la santé s’est aujourd’hui imposé au cœur du fonctionnement de nos sociétés contemporaines, y compris dans le champ des addictions. La vision de santé publique a permis des avancées significatives dans le domaine de la politique des addictions (drogues illégales, alcool, tabac).
Le concept de «réduction des risques» a de son côté contribué à construire un équilibre entre sécurité collective et protection de l’individu, même si elle reste inégalement portée par les professionnels, selon les produits ou les disciplines.
Une politique de santé saine selon la charte d’Ottawa comprend la création de conditions-cadres favorables permettant aux individus de s’épanouiret «choisir leur niveau de risque». Créer des conditions cadres peut pourtant être perçu comme un retour du «paternalisme». La santé publique est d’ailleurs régulièrement la cible d’attaques, notamment de la part de milieux libéraux qui mettent au centre la responsabilité individuelle, ou de milieux économiques, avant tout soucieux de défendre leur profit. Mais si le discours sur une santé publique entravant les libertés individuelles trouve un large écho, c’est aussi parce que la santé publique a pénétré la sphère intime de l’individu – jusqu’au risque de dérive qui consisterait à refuser d’assurer ou de soigner une personne sous prétexte qu’elle n’a pas fait les bons choix en matière de santé. Laisser aux individus l’entière responsabilité de leur choix est potentiellement générateur d’angoisse et comporte le risque d’évacuer toute implication du contexte collectif.
Le débat est ainsi fondamental. Comment déployer en effet cette notion de protection quand elle s’applique à des comportements dont une des caractéristiques est le dommage à la santé? Et surtout, comment la pondérer avec un autre pilier de travail dans les addictions, à savoir les droits humains? La question du tabagisme en prison ou de la gestion des botellones offrent des cas concrets de réflexion.
Entre bien collectif et respect des droits individuels, la santé publique sera toujours un champ de tensions, par essence politique. Pour nourrir ce débat et consolider notre vision sur la question, nous proposons donc dans ce numéro un détour sur les fondements des rapports entre santé publique et addictions.
Corine Kibora (ISPA), Jean-Félix Savary (GREA)