avril 1998
Christine Gafner (CIPRET, Berne)
Compte tenu du faible besoin auxquels elles répondent, il ne faudrait pas surestimer l’importance de toutes ces méthodes de désaccoutumance proposées sur le marché. Plus de 90% des fumeurs·ses qui décident d’arrêter de fumer y parviennent en effet sans recourir à une aide extérieure.
Il ne faudrait pas sous-estimer pour autant l’utilité que ces méthodes peuvent avoir pour les « durs à cuire », pour qui une telle aide est vraiment nécessaire pour arrêter de fumer.
Commençons par dire quelques mots de ceux qui n’ont besoin d’aucune aide extérieure. Lorsque la désaccoutumance se fait sans trop de difficultés, cela ne veut pas forcément dire que la décision d’arrêter de fumer a été prise en dehors de toute influence extérieure. En effet, quantité d’articles sur le tabagisme sont publiés dans les journaux, des mises en garde sont imprimées sur les paquets de cigarettes, l’AT (Association suisse pour la prévention du tabagisme) organise des campagnes annuelles à l’occasion de la Journée sans tabac, des panneaux d’interdiction de fumer sont apposés un peu partout, le prix des cigarettes ne cesse d’augmenter et des actions de relations publiques sont réalisées par les services spécialisés dans les régions (notamment par les CIPRET de Berne et de Genève). Tout cela a certainement incité un certain nombre de fumeurs·ses à commencer à s’interroger sur leur tabagisme, puis à envisager peu à peu d’arrêter de fumer.
Avec ou sans aide extérieure, il faut souvent s’y reprendre à plusieurs fois pour réussir à arrêter de fumer. Dans notre pratique, nous rencontrons des fumeurs·ses qui ont déjà fait quatre, voire cinq tentatives dans ce sens. Chez certaines personnes, ces tentatives ont tout simplement échoué et elles n’ont réussi à s’arrêter de fumer que durant quelques jours. D’autres personnes en revanche se sont arrêtées pendant plusieurs années avant de rechuter (dans notre Centre, le record est de 11 ans). Il apparaît que dans leur parcours conduisant à la désaccoutumance, les fumeurs·ses commencent généralement par opter pour des méthodes qui mettent davantage l’accent sur les influences extérieures que sur l’investissement personnel. Ce n’est qu’après plusieurs échecs que la personne se rend compte que seule une détermination inébranlable de sa part peut lui permettre d’arrêter durablement de fumer.
Lorsqu’une personne s’entend dire par son médecin qu’il faut qu’elle arrête de fumer, la première idée qui lui vient à l’esprit c’est qu’il serait « plus sain » de fumer la pipe ou le cigare, parce qu’on n’inhalerait ainsi pas la fumée. On peut dire que cela vaut en effet pour les fumeurs·ses de pipe et de cigares qui n’ont jamais fumé de cigarettes, car ils n’ont jamais « appris » à inhaler la fumée. Par contre, quelqu’un qui a pris l’habitude de fumer des cigarettes continuera à inhaler la fumée, en dépit de l’irritation des muqueuses provoquée par la pipe. Une interdiction médicale de fumer est donc bien une interdiction absolue.
La dépendance à la nicotine – autrement dit la dépendance physique – est bien connue. Les symptômes de manque vont de la nervosité et de l’insomnie jusqu’à la dépression. Chez la majorité des gens, ces symptômes ne durent que deux à trois jours; dans des cas exceptionnels, ils peuvent cependant durer jusqu’à un mois.
Quant à la dépendance psychique – l’habitude – elle demeure souvent incroyablement forte chez les personnes qui ont décidé d’arrêter de fumer. Au fil des années, voire des décennies, fumer est devenu pour elles un geste qui fait partie intégrante de leur style de vie. Or, modifier son style de vie implique un effort colossal.
Aussi les gros fumeurs·ses feraient-ils·elles bien de réfléchir pour savoir s’il ne vaudrait pas mieux qu’ils se libèrent de ces deux formes de dépendance en deux étapes successives. À cet égard, l’apport de nicotine sous forme médicamenteuse pendant une période limitée s’est avéré efficace. Cela permet en effet de vouer tous ses efforts à perdre l’habitude de fumer sans avoir à supporter en plus les manifestations du sevrage physique.
Il faut commencer par établir une sélection parmi les méthodes qui peuvent aider à la désaccoutumance. Si l’on veut être en mesure de choisir celle qui convient le mieux, il faut commencer par analyser la manière de fumer de la personne qui souhaite arrêter. Pour ce faire, la meilleure méthode est de noter sur un formulaire, durant environ deux semaines, quand, comment, dans quelles circonstances et pourquoi on allume une cigarette. Durant toute la journée, chaque cigarette fumée fait ainsi l’objet d’une sorte de « rapport ». Il s’agit en effet de spécifier, pour chacune des cigarettes fumées tout au long de la journée, si la personne se trouve seule ou en société au moment de l’allumer, ce qu’elle est en train de faire et comment elle se sent. En même temps, cette personne doit se demander ce qu’elle aurait pu faire d’autre que de fumer cette cigarette. Les notes ainsi prises prendront toute leur importance au moment de choisir une stratégie pour arrêter de fumer.
Pour pouvoir choisir les moyens auxiliaires appropriés, il faut commencer par déterminer si la consommation de cigarettes est répartie régulièrement sur toute la journée ou s’il y a au contraire des périodes de pointe et d’autres qui sont creuses. Lorsque le besoin d’un apport de nicotine est régulier, on peut recommander l’application, limitée dans le temps, d’un patch à la nicotine pour remplacer les cigarettes, les gommes à mâcher et les sprays nasaux étant davantage indiqués pour pallier à un besoin aigu.
Elles sont tellement nombreuses que toute personne décidée à arrêter de fumer trouvera celle qui lui convient le mieux. Aucune de ces méthodes ne peut être considérée comme particulièrement adéquate ou inadéquate. Il est important que la personne qui souhaite arrêter de fumer en parle avec son médecin. Celui-ci connaît bien son patient et sait à quel type d’exhortation il pourra être sensible. Les centres spécialisés sont à disposition pour expliquer les différentes méthodes, donner des adresses et remettre des prospectus.
Par la tête
À mon avis, les méthodes les plus prometteuses sont celles qui abordent la désaccoutumance comme un « travail à faire ». Ce travail implique la définition de stratégies individuelles et de tactiques adéquates. Les méthodes que je préfère sont la participation à des séances de groupe (6 à 9 fois deux heures par semaine), les consultations individuelles (4 fois une heure hebdomadaire environ) et les programmes basés sur l’entraide. Les personnes qui veulent arrêter de fumer doivent être conscientes du fait que c’est à elles seules de faire tout le travail que cela implique. Cela ne les empêche pas d’avoir souvent recours à des moyens auxiliaires pour les aider à se défaire progressivement de leur dépendance psychique et physique.
Toutes ces méthodes appliquent en principe le schéma suivant: contrôle et analyse de sa manière de fumer, planification de la désaccoutumance, choix des moyens auxiliaires ou des activités censées remplacer chaque cigarette fumée, détermination et préparation du jour précis où la personne cessera de fumer, remplacement des cigarettes « non importantes » par d’autres activités, arrêt de la fumée, préparation à affronter les risques de rechute.
Mentionnons au passage toutes les thérapies « massue », qui consistent à pousser les personnes à fumer jusqu’à en être malades et à vomir pour les inciter à arrêter.
Notons encore ici que, dans un ouvrage qui lui a valu une certaine célébrité, un ex-fumeur américain prétend que les fumeurs sont tous des « durs » irrécupérables et qu’il suffit de travailler assez longtemps à s’en convaincre pour que jaillisse l’illumination salvatrice. Cet auteur en conclut d’ailleurs que les fumeurs sont des individus plus mauvais que les autres.
Les actions extérieures
L’acupuncture est l’une des méthodes auxquelles les personnes qui veulent arrêter de fumer ont fréquemment recours; elle semble en effet réussir à certaines d’entre elles, alors même que certains spécialistes chinois doutent de l’efficacité objective de cette méthode. Il semble bien qu’en l’occurrence, cette efficacité relève plutôt du ressenti subjectif et de la réceptivité particulière de certaines personnes.
Par ailleurs, des psychologues proposent des séances d’hypnose et d’autres thérapies qui s’avèrent elles aussi efficaces pour certaines personnes.
Très connu en Suisse, le « clip d’oreille », accompagné d’une liste d’exercices mentaux à pratiquer, font partie des méthodes qui permettent à pas mal de gens de cesser de fumer durant des années, voire de manière permanente. L’imposition des mains joue également un rôle non négligeable. De nombreux ex-fumeurs ne jurent que par la personne qui les en a fait bénéficier et qui les aurait aidés, en un très petit nombre de séances, voire en une seule, à vivre en étant libérés de leur obsession de fumer.
Pour finir, il y avait aussi les filtres contenant un liquide plus ou moins concentré. Ils avaient pour inconvénient de garder intacts le rituel de l’allumage de la cigarette, le mouvement d’aspiration, la légère pression des doigts sur la cigarette, le geste pour faire tomber la cendre dans le cendrier et bien d’autres choses qui faisaient qu’il était si agréable de fumer une cigarette. Je n’ai préconisé qu’une seule fois cette méthode: il s’agissait d’un homme de 75 ans que son médecin avait envoyé au Centre et qui ne pouvait tout simplement pas arrêter de fumer.
Les personnes qui parviendront d’autant mieux à arrêter de fumer que ça va leur coûter cher ne sont pas en reste. On peut ainsi opter pour une méthode consistant à acheter, pour un montant correspondant à quatre chiffres en francs suisses, une mallette contenant du pollen, 12 tisanes aux plantes, des bonbons, un paquet de cigarettes aux herbes sans nicotine et une brosse à dents de voyage. Selon le témoignage de personnes qui se sont fait prendre au piège, il semblerait qu’en plus, le prix demandé commence par un « 2 ». Il est vrai que j’allais oublier de préciser que le tout est accompagné d’un manuel photocopié!
Enfin, les méthodes de relaxation, le yoga, le reiki, les cures de phytothérapie, de pollen, d’aromathérapie et d’autres encore ont pour objectif général l’adoption d’un style de vie saine. Il va de soi que cela implique entre autres d’arrêter de fumer.
Avant d’allumer une cigarette, écrivez ce que vous faites exactement, dans quel état d’esprit vous vous trouvez, quelle est pour vous l’importance de la cigarette à ce moment précis.
Renoncez parfois à une cigarette « superflue »; vous commencerez ainsi à réduire votre consommation.
Notez vos raisons personnelles pour et contre la cigarette. Tenez quotidiennement cette liste à jour.
Essayez chaque jour de repousser le moment où vous allumez la première cigarette.
Pour éviter les cigarettes allumées machinalement, ne gardez près de vous ni allumettes ni briquets. Le fait de chercher du feu vous fait prendre conscience que vous êtes sur le point d’allumer une cigarette.
Attendez que votre paquet soit vide pour en acheter un autre. Ne faites pas de réserve. A chaque achat, changez de marque. Votre dépendance sera plus évidente et les nouvelles cigarettes vous plairont moins.
Quand vous avez envie d’une cigarette, obligez-vous à patienter trois minutes. Peut-être arriverez-vous bientôt à gagner plusieurs fois trois minutes.
Choisissez le meilleur moment pour arrêter, par exemple, pendant un congé ou dans un environnement inhabituel où vous serez plus réceptif aux nouvelles habitudes.
Pour franchir les premières étapes – ce sont les plus difficiles – il est plus agréable d’être accompagné d’une personne qui veut aussi arrêter de fumer ou qui vous apportera un soutien moral.
Sachez faire diversion pendant les premiers jours sans cigarettes. Faites tout pour éloigner la cigarette de vos pensées et de vos mains.
Évitez les lieux où la tentation de fumer est grande.
Mâchez de la gomme sans sucre, jouez avec un crayon pour occuper vos mains et votre bouche.
Quand vous aurez fumé votre dernière cigarette, soyez ferme, et pour toujours. Ce qu’il faut absolument éviter, c’est la première cigarette que vous pourriez prendre après avoir arrêté de fumer.
Apprenez à bien respirer pour vous détendre.
Quittez la table avant le café pour ne pas être tenté de fumer.
Si vous avez envie de prendre une cigarette, lavez-vous les dents ou buvez un verre d’eau.