novembre 2003
Philippe Vouillamoz (Ligue valaisanne contre les toxicomanies)
Les centres d’aide et de prévention de la Ligue Valaisanne contre les Toxicomanies (CAP LVT) ont pour mission de lutter contre toutes les formes de toxicomanies en agissant dans les domaines de la prévention primaire, secondaire et tertiaire.
Ce mandat à plusieurs volets nous amène à considérer la question de l’alcool au travail tant du point de vue de la prévention que de celui de l’accompagnement des personnes en difficulté dans l’entreprise.
«En Valais, seulement 19 entreprises comptent 250 emplois et plus. Elles totalisent 11,2% des emplois alors qu’en moyenne suisse les grandes entreprises occupent plus du tiers des personnes. Selon l’étude, 99,9% des 13809 établissements «marchands» sont des PME (moins de 250 emplois) et 88% d’entre eux comptent moins de 10 emplois. On mesure ici l’importance des PME dans le tissu économique…» 1.
Dans ces toutes petites PME, la hiérarchie se résume souvent à un patron et quelques employés, le patron étant souvent lui-même un patron-ouvrier. Le domaine des ressources humaines, tel que nous l’entendons habituellement, n’y est pas du tout développé.
Un peu d’histoire
Dans les années 1980, la LVT a participé à l’implantation de programmes de prévention alcool sur la place de travail dans quelques grandes entreprises valaisannes. A l’époque, tout comme d’autres organismes romands à l’instar de l’ISPA, elle s’inspirait des expériences nord-américaines en la matière.
S’il apparaissait relativement aisé d’introduire un programme de prévention au sein d’une entreprise de grande envergure, de sérieux problèmes de mise en œuvre se posaient au niveau des PME.
Dès 1987, la LVT lançait une démarche originale de prévention alcool dans les PME en concevant un programme assez souple pour répondre aux besoins de tout type d’entreprise. Celui-ci offrait un programme «à la carte» s’articulant autour de 5 volets :
Pour ce dernier volet, la LVT proposait à l’entreprise un programme de prise en charge et à la personne concernée un appui spécialisé de type médico-social qui intégrait une préparation du retour au travail.
Le projet «prévention alcool dans les PME» a rencontré 2 obstacles majeurs :
La crise économique du début des années 1990 a mobilisé toute l’énergie des entreprises ne leur permettant plus de se soucier de problèmes «secondaires et annexes». Par ailleurs, dans les PME, les collaborateurs présentant des problèmes de dépendance se sont retrouvés parmi les premiers licenciés lors des restructurations. Le problème pour l’entreprise s’est alors résolu par lui-même. Par contre, nous avons retrouvé ces personnes dans le cadre de nos collaborations avec les ORP quelques mois plus tard.
Les interventions actuelles en entreprises
Depuis 1992, nous nous contentons d’objectifs minimalistes, à savoir répondre aux demandes d’entreprises sans les solliciter.
Le type d’entreprise qui fait appel à nous s’élargit désormais. Ces deux dernières années, nos prestations dans ce domaine ont surtout concerné:
Le signalement par les employeurs
Année après année, nos statistiques montrent que le signalement par les employeurs reste très faible (env. 1%).
A titre de comparaison, les signalements émanant de la personne elle-même ou de son entourage sont de l’ordre de 30%, alors que ceux provenant des milieux médicaux atteignent près de 25% de la totalité des signalements.
Quelques cas sont répertoriés auprès des entreprises où nous avons fourni des prestations de prévention durant l’année. Mais la source de signalement «se tarit» rapidement. Faute de pouvoir investir dans une répétition périodique des messages, dans des séminaires d’évaluation et de remise en situation, le concept de prévention ne demeure pas opérationnel. Cela se vérifie surtout s’il n’est pas intégré organiquement au concept de formation permanente de l’entreprise. Or ces conditions favorables ne se rencontrent quasiment pas dans les PME de petite taille.
La collaboration avec les employeurs pendant et après le traitement
C’est certainement là que nous mesurons aujourd’hui les plus grands bénéfices de la collaboration avec le monde du travail.
Bien que peu d’employeurs soient à l’origine d’une entrée en traitement, ils ne sont généralement pas dupes de la problématique de consommation de certains collaborateurs. Leur inaction est souvent le résultat de mécanismes de complaisance ou de co-dépendance. Lorsque ce n’est pas le cas, la non intervention s’explique plutôt par le malaise voire la maladresse à aborder la question de l’alcool au travail.
Pour autant que la dégradation du rendement professionnel n’ait pas atteint un point de non retour, l’employeur accueille généralement avec soulagement l’annonce par son collaborateur de la mise en route d’un processus thérapeutique. Notre expérience montre qu’il est relativement aisé de mobiliser l’employeur lorsque l’usager y consent. Nous le soutenons alors dans la mise en place de dispositifs de prévention de la rechute négociés avec et en présence du collaborateur concerné. L’employeur peut alors jouer un rôle prépondérant, notamment en:
En fonction de la petite taille de certaines entreprises, le patron est presque un proche. A tel point qu’il nous est parfois nécessaire de cadrer son envie de bien faire. Les attitudes que nous développons dans le travail avec les proches sont alors pleinement appropriées.
L’investissement en entreprise que nous sommes à même de fournir ne suffit pas à créer les conditions suffisantes pour que l’on mesure des effets en terme d’interventions plus précoces, plus nombreuses auprès des personnes en difficulté avec l’alcool.
Par contre, les expériences en entreprise nous aident aujourd’hui à mieux utiliser le potentiel d’aide de l’employeur dans le processus de rétablissement.