août 2023
Il y a près de 20 ans déjà, la revue Dépendances (No 24) posait la question du devenir du secteur résidentiel. Depuis, celui-ci a beaucoup évolué, faisant preuve d’adaptation aux changements des modèles de financement et des critères de rentabilité, tout en suivant – et en participant à – la transformation progressive et considérable des représentations collectives des substances psychoactives et des addictions. Toutes les institutions n’ont toutefois pas surmonté cette période de profondes transformations, plus d’une trentaine d’entre elles ayant depuis fermé leurs portes, la Suisse romande ayant été relativement épargnée en comparaison du reste du pays.
Au fil de ses articles, ce numéro retrace l’évolution du secteur résidentiel en montrant que les défis auxquels il a fait face se sont aussi révélés sources d’opportunités pour innover et se réinventer. En effet, de nouvelles offres individualisées et davantage centrées sur les besoins spécifiques de chaque personne ont vu le jour. Le principe de l’abstinence ne constitue désormais plus un référentiel unique et, petit à petit, l’accompagnement s’est approprié le concept de rétablissement, qui accorde une place plus centrale à la personne en la rendant actrice de sa démarche de soins. Car les profils de consommation, les trajectoires de vie et les situations sociales des personnes accompagnées en résidentiel, quel que soit leur genre, âge ou culture, sont très divers, tout comme leurs ressources et attentes. Et en France, où le résidentiel a lui aussi dû opérer une mue importante, on a vu le renouveau des communautés thérapeutiques, qui empruntent désormais de nouvelles approches, ainsi que le développement d’initiatives où les patient·e·s peuvent sortir ponctuellement de l’institution afin de confronter progressivement leurs acquis au monde extérieur et de s’y exposer.
Actuellement, notre pays compte environ 275 institutions résidentielles aux prestations variées et complémentaires, dont environ un quart en Suisse romande. Leur avenir ne sera pas non plus un long fleuve tranquille, car les enjeux ne manquent pas : accès aux soins quel que soit le profil des personnes concernées, conjugaison des prestations sociales et de soins en dépit de sources de financement distinctes, transdisciplinarité, occupation des lits, besoins croissants en appartements protégés ou supervisés, pour ne citer qu’eux. Or, nous savons que les institutions résidentielles sont indispensables au réseau de prise en charge puisqu’elles offrent, en articulation et complémentarité avec le secteur ambulatoire, un cadre protecteur plus ou moins structuré et ouvert dans lequel les personnes empreintes de grandes difficultés peuvent se mettre à l’abri pour un temps, se ressourcer et bénéficier d’un suivi adapté. Gageons dès lors que, fortes de leurs expériences et de leur créativité, elles sauront relever les défis qui les guettent, afin de maintenir des prestations qui tiennent compte de la complexité des problématiques d’addiction et de la diversité des chemins de rétablissement possibles.
Marina Delgrande Jordan