décembre 2019
La prévention dans le domaine de l’usage des substances psychoactives et des addictions semble à priori quelque chose d’assez bien défini, car c’est une discipline pratiquée depuis un grand nombre d’années — Addiction Suisse existe par exemple depuis plus de cent ans.
Les défis qui l’attendent pour les années à venir sont toutefois complexes de par la multiplicité des concepts, des visions, des publics cibles et des niveaux d’action. Vaut-il mieux agir sur la société afin qu’elle offre un cadre protecteur aux plus vulnérables ou renforcer l’individu dans ses compétences personnelles et sociales pour qu’il puisse déjouer les pièges des substances et comportements addictifs et résister à ceux qui les lui proposent? Entre État paternaliste et libéralisme à tout crin, où placer le curseur ?
Et puis, par où commencer ? La vulnérabilité des personnes concernées semble une piste intéressante à suivre : l’adolescence, parce qu’on se trouve en pleine construction physiologique et neurologique ou encore le passage à la retraite, la confrontation à la perte du ou de la partenaire ou à sa propre finitude sont des phases de vie qui nous rendent par essence vulnérables.
Les produits et substances connaissent une multiplication exponentielle avec les drogues de synthèse, mais aussi le CBD, la vaporette ou les jeux en ligne. Mais ce n’est rien en regard de la multiplicité quasi infinie des comportements qui pourraient de près ou de loin s’apparenter à une addiction ou à une prise de risque. Sous la pression de parents inquiets ou de médias friands de nouveauté, on s’interroge sur l’addiction aux écrans, aux applications, aux sites internet, aux jeux en ligne avec ou sans argent, seul ou à plusieurs, aux réseaux sociaux voire même aux likes sur les réseaux sociaux. Qu’est-ce qui est pathologique, qu’est-ce qui ne l’est pas, quand s’arrête la liberté d’adopter des comportements certes hors norme, mais qui ne doivent pas forcément amener un diagnostic, l’addiction, pouvant conduire à un traitement médical ?
Comme pour ajouter une couche de complexité supplémentaire, la société digitale brouille les cartes, à la fois en créant de potentielles nouvelles formes d’addiction, en offrant aux addictions plus anciennes de nouvelles plateformes de diffusion, mais aussi en constituant un champ d’expérimentation formidable pour la prévention.
Derrière toutes ces questions ressurgit l’équation fondamentale de la prévention dans le domaine des addictions : où mettre en œuvre des ressources restreintes afin d’avoir un impact maximal en matière de protection des plus vulnérables ? Ce numéro de Dépendances ambitionne d’y amener des éléments de réponse. Je vous en souhaite une bonne lecture et remercie Margaux Salvi Délez et Silvia Steiner d’en avoir assuré la coordination.
Grégoire Vittoz