avril 2007
Poser la question du boire contrôlé n’a jamais été une chose simple. Longtemps en effet, l’abstinence a été vue comme la meilleure voie pour le rétablissement des personnes dépendantes de l’alcool. Si ce jugement de portée générale reste vrai aujourd’hui, depuis quelques décennies, des éléments étayés par la recherche nous montrent que, dans certaines situations, des résultats peuvent être obtenus avec une approche différente, qui donne une place au produit dans un cadre contrôlé. Dès lors, le danger serait de renverser la vision et de remettre en cause l’abstinence, sous l’influence d’une nouvelle mode.
Il serait bien sûr faux d’opposer consommation contrôlée et abstinence. Il s’agit de perspectives qui ne s’adressent pas aux mêmes personnes, ni aux mêmes situations. Ainsi, de même que les programmes thérapeutiques avec prescription d’héroïne viennent compléter et non pas contre dire la ligne générale à visée d’abstinence, l’intégration de la notion de consommation contrôlée dans le réseau alcool ne doit pas se faire au détriment du travail effectué par les institutions et groupes d’entraide qui travaillent avant tout avec l’abstinence. Le réseau professionnel a un rôle important à jouer dans l’explicitation de ces notions. La compréhension fine de l’utilité respective des différentes formes de soutien thérapeutique doit nous permettre de clarifier le messageà l’intention de la société, pour éviter toute forme de confusions ou d’amalgames. Ceci n’est assurément pas une chose facile, mais ce n’est que dans un cadre dépassionné et pragmatique que nous pourrons le faire.
L’utilisation de ce concept sur le terrain et l’apparition dans le réseau romand de services «labellisés» consommation contrôlée nous poussent à faire ce travail de clarification et de communication. Ainsi, les personnes concernées pourront y trouver leur compte grâce à un message cohérent et clair qui les guide à travers une offre diversifiée et adaptée à leurs besoins.
Le 18 janvier à Lausanne a eu lieu une journée organisée par la plate-forme romande Alcool du GREAT. Le climat d’ouverture et les nombreux orateurs suisses et internationaux ont contribué à faire fructifier le débat, qui se poursuit d’ailleurs actuellement par la mise en place d’une offre de formation et d’un programme visant à adapter les modèles existants à la réalité romande. Ce numéro reprend sous forme d’articles les principales interventions de cette journée en ouvrant également une fenêtre sur le tabac, où cette notion n’a pour l’instant que peu fait son chemin. En complément, il propose également cinq articles issus des journées «Apprendre les uns des autres», organisée par l’OFSP les 27 et 28 septembre 2006, afin de diffuser plus largement les réflexions sur l’interface entre recherche et pratique.
Jean-Félix Savary (GREA)