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  3. Dépendances 14
  4. Prévention non spécifique: la santé malgré soi

Prévention non spécifique: la santé malgré soi
Martial Gottraux (Ecole d’études sociales et pédagogiques)
La recherche rend-elle la prévention efficace ? L’exemple des adolescents
Pierre-André Michaud (Unité multidisciplinaire de santé des adolescents et IUMSP) ; Karen Klaue (Groupe de recherche sur la santé des adolescents)
De l’art de surfer entre intuition et gestion des attentes des “turfistes”*
Rainer Frei, ZEPRA (Centre de prévention et de promotion de la santé St-Gall)
Critères de qualité et promotion de la santé: luxe ou nécessité?
Dr Brigitte Ruckstuhl (responsable de “Qualité et évaluation”)
Prévenir la toxicomanie: un combat mythique
Gérard Pradelle
Formation en dépendances: de l’hétérogénéité au consensus professionnel
Bhama Steiger (EESP)

Dépendances 14 - Prévention ? Un coup de projecteur sur une scène diversifiée: Prévention non spécifique: la santé malgré soi

août 2001

Prévention non spécifique: la santé malgré soi

Martial Gottraux (Ecole d’études sociales et pédagogiques)

Cette contribution part d’une évidence: lorsque les gens sont en bonne santé, cela résulte en grande partie de comportements qui n’ont pas ce but. Estil alors possible d’identifier les pratiques qui sont bénéfiques “malgré soi”, de les soutenir,
de les développer? Tel est l’enjeu de ce que l’on pourrait appeler une “épidémiologie du bonheur” et de la prévention “non spécifique” qui en découle. Cette orientation a été récemment suivie par l’auteur lors de l’élaboration du volet “amélioration de l’environnement social” du cadre cantonal de la prévention, dans le canton de Vaud ((Martial GOTTRAUX: Amélioration de l’environnement social, rapport à la commission cantonale de prévention, Service de la Santé Publique, Lausanne, février 2001)) . Il en résulte un fourmillement de propositions dont très peu, il faut le noter, requièrent la mobilisation de ressources affectées explicitement à la prévention.

Supposons qu’une collectivité publique, une commune par exemple, soit soucieuse de promouvoir une meilleure compréhension entre Suisses et immigrés et de préserver leur santé par une alimentation équilibrée. Il existe un moyen: créer des jardins familiaux et les rendre accessibles aussi bien aux suisses qu’aux immigrés, réfugiés en particulier. Cette réalisation permet de développer une sociabilité interculturelle, laquelle est reconnue comme un moyen efficace de lutter contre les préjugés, voire le racisme. Mais on peut également en attendre une amélioration des pratiques alimentaires, et ce à un coût favorable. Petit plus: il est bien sûr parfaitement possible d’associer une diététicienne à cette expérience. Un complément préventif qui serait du reste d’autant plus efficace que cette personne serait elle-même… jardinière.

Anecdote? Bien sûr. Mais la vie n’est qu’une suite d’anecdotes dont certaines peuvent nous rendre malades ou nous faire mourir. Alors, généralisons.

La santé: un effet émergent ?

Les études épidémiologiques nous ont habitués à identifier les facteurs de risque des dépendances et autres déviances, ce qui fonde la légitimité de stratégies de prévention et de promotion de la santé visant à peser sur ces facteurs par divers moyens, campagnes d’information par exemple. Mais prenons le problème à l’inverse et considérons des personnes qui sont en bonne santé. Ce que nous pourrions appeler une “épidémiologie du bonheur” ou du bien-être peut nous apprendre qu’un bon état de santé découle en grande partie de comportements qui n’ont pas forcément ce but. En d’autres termes, les acteurs sociaux peuvent finaliser leurs actions sur des objectifs non préventifs tout en obtenant un effet positif non forcément voulu dans ce domaine. Certes! Ce qu’il est convenu d’appeler la “médicalisation du comportement” amène les individus à assigner des objectifs validés par les sciences médicales à un grand nombre de leurs pratiques. Mais il s’en faut de beaucoup que le référentiel médical soit explicitement mobilisé et ce pour un grand nombre des actions que nous entreprenons.

Après tout… aller cueillir des champignons dans une forêt est vraisemblablement bon pour la santé, le système cardiovasculaire en particulier, que l’on se dise ou non à chaque pas que notre espérance de vie y gagne quelques secondes…

On voit donc que trois cas de figure peuvent être considérés:

  • L’acteur social finalise explicitement son comportement sur un objectif préventif: il ne fume pas pour être en bonne santé, par exemple. Dans un tel cas, on comprend que l’adoption du comportement “sain” découle directement du système de valeurs, de la culture de l’individu. Avec une conséquence bien connue: les effets de sélection sociale que peuvent induire les stratégies explicites de prévention.
  • Plus intéressant: les gens peuvent assigner à leurs comportements des objectifs à la fois préventifs et extrapréventifs. Il arrive après tout que des convives mangeant sainement recherchent également une primesautière gustativité… Dans ce cas, on constate un moindre effet de sélection sociale puisqu’un même message préventif est plus fortement compatible avec les variations culturelles des publics cibles.
  • Encore plus intéressant: il s’agit de l’ensemble des pratiques sociales qui, sans être finalisées sur cet objectif, produisent néanmoins des effets dans le domaine de la prévention. Cette dernière, selon la terminologie de Raymond Boudon, est alors un “effet émergent” de l’action 1. On peut alors penser que la vie sociale peut être lue comme un énorme gisement préventif, d’une prévention… qui ne dit pas son nom. C’est ce que j’appelle une prévention “non spécifique”. On comprend l’enjeu: supposons que nous soyons capables d’identifier les actions productrices d’effets préventifs non spécifiques. Il est alors possible de les développer. Tel est l’enjeu de ce que j’appelais plus haut une “épidémiologie du bonheur ou du bien-être”, laquelle ne se borne pas à identifier des facteurs de risque mais vise également à repérer les pratiques sociales, y compris extrasanitaires, qui en déterminent l’occurrence, même hors de toute conscience de l’acteur social.

Mais venons-en à quelques problèmes posés par une orientation non spécifique.

Que faut-il dire?

Supposons qu’un “préventologue” établisse la réalité d’un effet non spécifique de prévention. Il est possible, comme nous l’avons vu plus haut, que les acteurs sociaux ne soient pas conscients de ces effets. Est-il alors nécessaire, en cas de renforcement des pratiques non spécifiques, de communiquer aux acteurs sociaux que leurs comportements débouchent AUSSI sur des effets positifs pour la santé? Le problème est plus complexe qu’il n’y paraît au premier abord. Dans certains cas (celui du cueilleur de champignons par exemple) la solution semble évidente: on ne voit pas en quoi il serait négatif d’informer la population du fait que la marche à pied, quels que soient ses objectifs, est également bonne pour la santé. Mais il est également possible que la communication même de l’effet non spécifique engendre un effet pervers: rendre difficile d’atteindre la finalité explicite de l’action. Dans ce cas, le préventologue peut hésiter à communiquer ce qu’il sait, prenant alors bien évidemment le risque d’une manipulation du comportement de l’acteur social. C’est ainsi qu’une étudiante de l’EESP, Carmela Pennella, a mis en évidence de façon convaincante le rôle de prévention des affections psychiatriques légères (dépressions par exemple) joué par les coiffeurs et coiffeuses 2. Mais cet effet est précisément produit du fait que, dans l’interaction entre coiffeur et client, ce dernier n’est pas considéré ou stigmatisé comme porteur de problèmes. Diffusons largement l’idée que les coiffeurs jouent un rôle thérapeutique et il se pourrait bien que la relation avec leurs clients en soit altérée. Telle est en tout cas la crainte exprimée par les milieux de la coiffure lorsque nous leur avons présenté le travail de cette étudiante. Autre exemple: on sait que la Fondation 19 entend promouvoir la santé par la pratique de la danse. Ce qui pose un problème tout simple: est-il possible de danser correctement et de regarder son (sa) partenaire de la même manière qu’usuellement, sachant que chaque mouvement est censé améliorer sa santé?

Dans la mesure où l’on peut penser que rares sont nos pratiques qui n’ont pas d’effets sur notre santé, on voit également que la communication systématique des effets préventifs des comportements sociaux pourrait venir renforcer la médicalisation de notre culture. Dans une optique non spécifique, il n’est pas stupide de penser que l’Office Fédéral de la Santé Publique serait alors légitimé à financer une bonne partie des pratiques de notre vie quotidienne, suivant en cela la piste ouverte par… la Fondation 19! La solution ne consiste-t-elle alors pas, tout simplement, à valoriser les pratiques que nous savons être bénéfiques, dans le respect de la culture et des finalités que leur assignent les acteurs sociaux? C’est en tout cas bien ce que suggère l’étude des rapports entre la santé et l’environnement social.

De la santé à l’homme de Davos

Dans l’objectif de valider les propositions que nous avons soumises à la commission cantonale vaudoise de prévention dans le domaine de l’amélioration de l’environnement social, nous avons procédé à une revue de la littérature portant sur les rapports entre la sociabilité primaire et secondaire et la santé. Des études souvent complexes, quelquefois contradictoires, mais qu’il est possible de réduire à leur plus simple expression, de “compacter” comme disent les informaticiens. Que nous disent-elles alors? Des affirmations qui sont le plus souvent d’une angélique simplicité, marquées du bon sens, proches des représentations des acteurs sociaux eux-mêmes. Ainsi:

  • Celui qui a appris et expérimenté le fait que la vie vaut la peine d’être vécue tendra à la préserver.
  • Celui qui a expérimenté le fait qu’il est reconnu comme utile et qui est valorisé par autrui aura une meilleure estime de soi.
  • Celui qui aura développé des compétences lui permettant de résoudre les problèmes de la vie quotidienne s’adaptera de façon positive à la réalité et ne mobilisera pas des stratégies de déni de ses aspirations à être heureux.

Etc…

Constatons alors le fait que l’environnement social contribue de façon très variable à la production de telles expériences. C’est dire que toute démarche de prévention non spécifique doit se situer dans le cadre plus général de l’évolution des rapports sociaux et de leur impact sur la santé et le bien-être. À cet égard, de toutes les contributions consacrées à l’étude de l’évolution des rapports sociaux dans la société actuelle marquée par la “nouvelle économie”, c’est peut-être l’analyse de Richard Sennett qui est à la fois la plus lucide, mais alors aussi la plus cruelle et accusatrice 3. Une seule citation, à mon sens, résume tout: “Au niveau le plus élémentaire” dit-il, “le lien social naît d’un sentiment de dépendance mutuelle. Tous les grands principes de l’ordre nouveau traitent la dépendance comme une situation honteuse” (Sennett, 2000, p.197). “Il y a confusion” poursuit-il plus loin “sur la réponse à la question: qui a besoin de moi?” (ibid, p.208).

Le refus ostensible de la dépendance à l’égard d’autrui peut se comprendre dans une société de plus en plus marquée par l’insécurité des conditions de travail et de vie. Refuser la dépendance est en effet un moyen efficace de moins souffrir. Un moyen, cependant, qui peut être lui-même générateur d’une angoisse identitaire, tant il est vrai que nous ne sommes nous-mêmes que par la reconnaissance d’autrui. Le compréhensible refus de la dépendance peut alors conduire… aux dépendances: l’alcool, bien d’autres drogues, produisent eux des effets sûrs, attendus, prévisibles, au moins dans un premier temps et contrairement aux rapports sociaux dans lesquels nous pouvons être engagés. Autant dire que toute mesure permettant de rendre le monde plus prévisible, sécurisant, relève de la prévention non spécifique des dépendances ainsi que de bien d’autres affections. N’en déplaise à l’homme de Davos. Cette optique est alors lourde d’implications, aussi bien pour le politique que pour les acteurs préventifs.

Une moindre visibilité institutionnelle?

Si toute mesure affectant l’environnement et les comportements sociaux peut, au moins potentiellement, engendrer des effets sur la santé, alors l’État, en tant que disposant d’un pouvoir important sur l’aménagement des conditions de vie, se doit de subordonner toute décision à un examen de ses effets potentiels sur la santé. Il existe un moyen très simple d’introduire un souci de prévention non spécifique au sein des activités publiques: que tout projet de loi et de décret ne soit proposé aux législatifs qu’avec un avis d’experts précisant les possibles conséquences de chaque mesure sur la santé et les déviances. Cette formule, déjà existante dans le canton du Tessin, devrait être généralisée, y compris au plan fédéral. Nous pourrions alors constater qu’avec des modifications mineures, le plus souvent peu onéreuses, il serait possible de contribuer à la santé de la population, même s’agissant de dispositions législatives n’ayant pas explicitement cet objectif. C’est ainsi que nous avons proposé qu’un volet de soutien aux professionnels de proximité soit intégré dans la politique économique de l’État, à raison des fonctions de soutien social jouées par ces professionnels.

Dans ce contexte, le rôle de l’acteur préventif change partiellement. Il n’est plus seulement porteur de projets spécifiques, à forte visibilité, dont les finalités sont exclusivement préventives. Il joue également un rôle de conseiller, s’agissant de toute pratique sociale, ainsi que le suggère l’exemple des jardins familiaux décrit plus haut. Ce faisant, l’effet préventif escompté de l’action peut rester dans l’ombre, selon la volonté des acteurs sociaux eux-mêmes. Avec, bien évidemment, le risque de reléguer le préventologue au second plan. Seuls les organismes hantés par la visibilité sociale requise par un bon positionnement sur le marché de la prévention pourraient s’en inquiéter.

Des propositions

Traduite en actes, en projets, la conception que nous défendons ici débouche sur de nombreuses propositions, déjà réalisées, du reste, pour certaines d’entre elles. Quelques exemples:

  • Au plan scolaire, on peut attendre beaucoup d’une prise de responsabilité des élèves en matière de production des prestations – pédagogiques et extrapédagogiques – qu’ils consomment: participation à la gestion des cantines scolaires, développement des réseaux réciproques d’échange de savoir, valorisation et sécurisation des cheminements piétonniers par exemple.
  • La promotion du bien-être à la place de travail peut produire des effets positifs, en particulier en matière d’addictions, de sécurité, ainsi que l’a notamment démontré le programme “Ton Monde, mon Monde” initié par Pro-Juventute. Plusieurs de nos propositions s’inscrivent dans cette optique, par exemple: l’idée de valoriser les compétences parentales en milieu scolaire, de développer l’associativité sur les lieux de travail, etc…
  • Un nombre infini de projets peuvent relever de l’animation socioculturelle. Une idée d’actualité, ici: organiser la visite à pied de l’exposition 2002, depuis les quatre coins du canton, avec des lieux d’hébergement relais.

Quiconque fréquente les milieux de la prévention est fréquemment soumis aux discours de Calimeros plus ou moins crédibles, se plaignant du fait que seules des sommes infimes sont consacrées à la promotion de la santé. Affirmation juste s’agissant de la prévention spécifique. Fausse, si l’on tient compte de la prévention non spécifique. En fait, le seul enjeu véritable n’est pas réellement financier. Il réside en la préservation et dans le développement du formidable capital préventif dont nous disposons actuellement, et ce quand bien même il ne se désignerait pas comme tel.

14_1_Prevention-non-specifique-la-sante-malgre-soi_Gottraux_Dependances2001.pdf
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  1. Raymond BOUDON: Effets pervers et ordre social, PUF, Paris, 1977[↑]
  2. Carmela PENNELLA: Recoiffer le moral, EESP, Lausanne, 1997[↑]
  3. Richard SENNETT: Le travail sans qualités, Paris, 2000[↑]

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