août 2001
Tout le monde est d’accord sur un point au moins en matière de prévention dans le domaine des dépendances: il FAUT en faire! Une fois cette affirmation posée, le débat peut s’installer et les divergences s’exprimer, tant sur les moyens à mettre en œuvre que sur les objectifs et finalités des actions développées.
On s’achoppe alors sur des conceptions différentes de la prévention, tantôt orientée vers une politique de santé publique et jugée par trop hygiéniste par ses détracteurs, ou s’attachant à influencer les politiques sociales et taxée alors de militantiste, quand elle n’est pas centrée sur les produits et leurs risques et soupçonnée alors de vouloir faire la morale ou envie d’en consommer… Le sujet de la consommation des drogues légales et illégales touche, il est vrai, à des débats de société essentiels: la liberté de chacune et chacun de faire ce qu’il veut de sa vie et de sa santé, tout comme la manière de vivre et stimuler ses plaisirs, en passant par les questions existentielles et valeurs fondamentales qui amènent une personne à consommer ou non l’un ou plusieurs de ces produits psychotropes.
De plus, le métier d’acteur et concepteur en prévention est très récent, au point de ne pas avoir encore trouvé de dénomination satisfaisante: préventionniste, préventologue, spécialiste en prévention? Basé historiquement sur de bons sentiments envers son prochain, le travail de prévention peine à se professionnaliser de manière pointue (voir en cela le postscriptum sur la formation…). Pour développer leurs actions, les professionnels d’aujourd’hui oscillent entre intuition, gestion des attentes et besoins du public (mais de quel public: parents, ados, enseignants, politiciens?) et résultats de recherches scientifiques, sans pour autant pouvoir vérifier pleinement l’impact de leur travail préventif sur la population visée, puisque d’autres actions ou événements ont eux aussi une influence – parfois plus forte encore – sur le comportement sanitaire des individus. Dès lors, difficile de parler de critères de qualité dans un domaine où beaucoup de choses sont encore floues; c’est pourtant à travers les questions posées par l’évaluation de projets que les professionnels de la prévention vont affiner et clarifier leurs objectifs de travail et devenir de plus en plus efficaces!
Les auteurs invités à s’exprimer dans ce numéro donnent autant de coups de projecteurs sur ces nombreuses interrogations et nous apportent leur vision de la prévention, issue de leur pratique professionnelle. Un numéro totalement dans la ligne rédactionnelle de dépendances – « des réflexions et des pratiques » – qui a vu le jour à l’occasion du Salon national de la prévention des dépendances de Bienne, organisé par RADIX en mars dernier. Trois articles sont en effet directement tirés des conférences plénières de ces journées: il s’agit de celui de P.-A Michaud et K. Klaue, de celui de R. Frei et de l’article de B. Ruckstuhl.
Michel Graf (directeur-adjoint de l'ISPA)