décembre 2019
Stéphane Leclercq, Directeur de la Fédération bruxelloise Fédito BXL ASBL
La multiplicité des problématiques, les difficultés croissantes d’accès aux soins, l’origine sociale de diverses souffrances mentales et conduites addictives, la complexité des demandes qui découlent de la précarisation d’une partie de la population mais aussi de notre société multiculturelle requièrent plus que jamais une approche globale. Le travail interdisciplinaire et intersectoriel est donc non seulement souhaitable mais indispensable.
Cependant, de quoi parlons-nous ? D’information, de coopération, de coordination, d’intégration ? Et, à quels niveaux pouvons-nous agir ?
À l’international, la «Commission on Narcotic Drugs (CND)» se réunit chaque année à Vienne. Les pays membres de l’Union européenne et de nombreuses ONG se doivent de continuer à y jouer un rôle d’une importance capitale. À ce niveau, il s’agit toujours de lutter pour abolir la peine de mort pour des infractions liées aux drogues. Mais il est aussi question de faire évoluer ensemble, avec d’autres secteurs (droits humains, VIH, VHC, santé mentale, prison, éducation, média…), les politiques et les investissements qui en découlent, de stratégies centrées sur la répression vers des approches pragmatiques de santé publique. Et, en Europe, nous devons nous assurer que les difficultés rencontrées par les usagers et les professionnels soient transmises dans l’évaluation, actuellement en cours, de la stratégie antidrogues de l’UE 2013-2020.
Au niveau national, comment organiser cette intersectorialité ? Qui l’organise ? Un travail de collaboration interministériel « drogues » est formellement mis en place dans de nombreux pays. Les secteurs de la santé et du social doivent y avoir une place primordiale et la société civile doit y être impliquée. Les fédérations nationales et régionales font partie des acteurs essentiels dans la mise en place de ces processus afin de garantir la prise en compte des connaissances et des propositions issues de la pratique et de la recherche scientifique. Comment structurer davantage la consultation des parties prenantes, en vue d’une implication la plus efficace possible ? Quelle implication doit avoir chaque secteur? Quelle doit être la place du commerce et des industries pharmaceutiques, du tabac, de l’alcool et, récemment, celle du cannabis dans ces rencontres intersectorielles ?
Au niveau local, de plus en plus de projets, de réseaux, d’interfédérations se développent entre professionnels du secteur des addictions et d’autres secteurs de la santé et du social. Nous nous en réjouissons et avons le plaisir de vous proposer quelques exemples inspirants dans cette édition. Les partenariats avec d’autres secteurs (média, justice, loisir, tourisme, culture…) sont plus rares et il y a là un champ encore largement ouvert à l’expérimentation et à l’innovation.
De la prévention au soin en passant par l’accueil bas-seuil, la réduction des risques, l’accompagnement, l’information ou la recherche, les besoins et les demandes auxquels doivent répondre nos services cumulent de nombreuses dimensions entremêlées qui rendent l’intervention ou la réorientation de plus en plus complexes, de plus en plus longues et demandent des compétences de plus en plus variées. Les profils des usagers changent et de nombreux centres sont saturés. Quelle articulation mettre en place entre les disciplines et les spécialisations nécessaires pour répondre à ces défis ? Entre les professionnels, les pairs-aidants et les usagers ?
L’intersectorialité génère de nombreuses questions et met en lumière une convergence d’intérêts, une complémentarité de pratiques et une nécessaire synergie des structures. Prenons également une part active dans la redéfinition d’objectifs communs et la mise en place d’actions qui se renforcent mutuellement. Ayons pour but l’impact collectif. À mes yeux, l’interdisciplinarité et l’intersectorialité ne prennent vraiment leur sens que si elles permettent de faire évoluer les paradigmes en place !