février 1997
Alex Gamma & Dr. Franz Xaver Vollenweider (Policlinique psychiatrique universitaire de Zurich)
L’ecstasy est un composé chimique fabriqué artificiellement dont le nom scientifique est 3,4-Méthylène-dioxyméthamphétamine ou, en abrégé, MDMA. Elle fut synthétisée une première fois en 1914 par un groupe chimique allemand qui l’avait destinée à devenir un coupe-faim, mais elle ne fut jamais commercialisée.
Chimiquement parlant, l’ ecstasy est analogue à deux groupes de substances psychoactives, les stimulants (par exemple l’amphétamine) et les hallucinogènes (par exemple la mescaline), sans toutefois appartenir à un de ces groupes. En raison de son nouvel effet psychique, elle a été attribuée à une catégorie, nouvellement créée, »de substances transformant la conscience, appelées entactogènes (du grec «qui touchent la conscience»).
L’effet psychique de l’ecstasy est décrit comme un sentiment d’amour, de proximité, de sincérité et de volupté. Elle encourage une communication directe, ressentie comme harmonieuse, avec autrui. Les échanges sont souvent non-verbaux et se font par des contacts et des caresses. Cela est dû au fait que la drogue libère ou dissipe des barrières intérieures et des complexes, ce qui rend volubile et parfois aussi conduit à un discernement plus clair de sa propre vie affective. Ce rôle de, « renforçateur de l’introspection » rend le MDMA également intéressant pour la psychothérapie.
Lors des techno parties, l’effet le plus visible de l’ ecstasy est l’amélioration des performances qui permet aux «ravers» de danser inlassablement durant des heures. L’ecstasy ralentit le pouls et élève la tension artérielle provoquant ainsi un risque de surchauffe (hyperthermie) et de déshydratation lors d’efforts physiques continuels. L’absorption régulière de liquide et le rafraîchissement sont donc très importants. Des crampes maxillaires, le dessèchement de la bouche, une forte transpiration et des nausées occasionnelles sont d’autres symptômes physiques possibles.
Le MDMA déploie son effet dans le cerveau en renforçant l’activité du neurotransmetteur sérotonine. La sérotonine est un des nombreux composés chimiques responsables de la transmission des signaux électriques entre les cellules nerveuses du cerveau humain. On suppose que la sérotonine joue un rôle prépondérant dans la régulation de nombreuses fonctions physiologiques comme le sommeil, l’humeur, l’appétit et l’instinct sexuel.
L’ecstasy déséquilibre à court terme le « budget » de la sérotonine, ce qui peut provoquer des effets secondaires comme l’épuisement, la mauvaise humeur, le manque d’appétit ou des troubles du sommeil. Alors que ces complications n’apparaissent pas du tout ou sont résolues après quelques jours lors de consommation occasionnelle d’ecstasy, elles peuvent, lors d’emplois fréquents, devenir permanentes et prendre la forme d’humeur dépressive constante, de manque d’initiative et de sentiment d’être à bout de forces. Chez les adolescents cela peut déboucher sur des problèmes sociaux graves à l’école ou en apprentissage, étant donné que les performances et la capacité de concentration sont réduites. Quelques consommateurs d’ ecstasy ont également souffert de complications d’ordre psychiatrique comme des attaques de panique ou d’angoisse, des psychoses paranoïdes ou des dépressions qui ont nécessité un traitement avec médicaments. Dans la plupart de ces (rares) cas, les consommateurs étaient déjà prédisposés à des troubles psychiques.
Selon l’expérience actuelle, l’apparition de complications physiques aiguës après la prise d’ecstasy est presque exclusivement liée aux techno parties. Associé à un grand effort physique (la danse), à une trop faible absorption de liquide et à des locaux surchauffés, l’ecstasy peut provoquer une hyperthermie grave, qui, dans les cas extrêmes de coup de chaleur ou de crise cardiaque, peut être mortelle. D’autres effets toxiques secondaires peuvent également survenir, comme une défaillance rénale, une rhabdomyolyse (destruction des cellules musculaires) ou une coagulopathie intravasculaire disséminée (formation de caillots de sang). Vu l’immense quantité de tablettes d’ ecstasy consommées (certainement plus d’un million de tablettes par semaine en Angleterre uniquement), les cas de décès doivent toutefois être considérés comme rares.
Une autre raison de s’inquiéter est le fait que, dans les essais sur les animaux, le MDMA peut endommager les cellules du cerveau. Actuellement, on ne sait pas encore si l’ ecstasy en tablettes, comme consommé par les humains, peut également causer des lésions au cerveau. Mais on ne peut pas l’exclure. Les quelques études réalisées jusqu’ici sur les grands consommateurs d’ecstasy n’ont pas encore donné d’indications probantes sur les éventuelles lésions du cerveau. Il est donc urgent que d’autres recherches soient menées dans ce domaine.
Comparativement, le potentiel de dépendance de l’ ecstasy est qualifié de moindre. Une dépendance psychique peut survenir, mais elle est fortement liée à la fréquence de la consommation. Aucun risque de toxicomanie n’a été observé lors de consommation sporadique. Une dépendance physique (état de manque) n’a pas été relevée. L’ecstasy, dont la vente est illégale, ne contient cependant pas toujours de MDMA pur mais des mélanges chimiques dont les effets ne sont même pas connus du dealer. La consommation de tels mélanges comporte des risques incalculables pour les consommateurs et consommatrices.
Mise à part l’utilité personnelle, difficilement estimable, que l’ ecstasy peut sans aucun doute avoir pour ses consommateurs, il existe un profit tangible pour la psychothérapie. Entre 1988 et 1993, des essais psychothérapeutiques ont été effectués en Suisse avec le MDMA, dans un cadre limité. Les résultats étaient très prometteurs. Selon ces recherches, le MDMA semble approfondir le processus thérapeutique et raccourcir la durée du traitement de certaines formes de dérangements psychiques.