février 1997
Francis Charmillot (Ligue jurassienne contre les toxicomanie, Delémont)
En tant qu’agents de prévention, nous pouvons aujourd’hui établir les objectifs suivants:
1. Permettre une diminution des risques liés à la consommation de produits légaux et illégaux dans les soirées techno;
2. Promouvoir des actions visant à la responsabilisation des personnes (participants et organisateurs) face à des comportements « à risque» pour la santé;
3. Tenter de développer des rapports de confiance entre tous les partenaires concernés;
4. Travailler à la systématisation et à la mise à jour des connaissances scientifiques et à leur diffusion dans les milieux concernés2;
5. Informer le grand public sur la culture techno pour permettre la compréhension de cette culture propre aux jeunes.
Les expériences de ce type déjà vécues en Suisse nous ont permis de constater qu’avec des équipes de jeunes organisateurs soucieux de la sécurité et ayant comme projet principal la mise en valeur et le développement d’une culture qu’ils aiment, les résultats sont positifs.
Il faut toutefois admettre que des jeunes consomment des psychotropes. À nous de rester proches d’eux, de garder une attitude responsabilisante vis-à-vis de leur comportement.
Tentons aussi, évidemment, d’empêcher que la scène techno ne devienne un canal de distribution massive de drogues: c’est, d’ailleurs fréquemment, un des soucis des organisateurs.
Les soirées techno ne sont pas «que» des soirées à consommation de drogues. Une récente étude effectuée par l’ISPA a démontré de façon claire que seuls 20 % des jeunes fréquentant les soirées techno avaient consommé de l’ecstasy au moins une fois. Ce pourcentage n’est certes pas à banaliser mais permet de rappeler que 80 % des jeunes adeptes de la techno ne sont pas consommateurs de cette drogue. Je ne peux m’empêcher de faire la comparaison avec tous ceux qui, comme moi, ont participé à ce que l’ on appelle dans le Jura, les «cafés-gouttes»: boire de l’eau-de-vie jusqu’à six ou sept heures du matin, de nombreux samedis de suite. La plupart des acteurs de ces fins de soirée ou débuts de matinée n’ont, par chance, pas «mal fini».
Ce qui m’a frappé le plus en comparant les soirées « culture techno » et les soirées «culture populaire jurassienne», c’est l’absence totale de violence et d’agressivité dans les soirées techno.
Ne banalisons tout de même pas l’usage de drogues légales ou illégales dans ces rassemblements. Mais ne nous contentons pas d’une prévention qui se résume à de la simple information écrite et à la répression.
Pour prévenir efficacement, en collaboration avec les jeunes issus de cette nouvelle culture, il faut absolument tenter de quitter la peur, comprendre mieux le sens de leur démarche, à quoi elle correspond dans leur environnement et dans leur vie. Cela ne peut être réalisé qu’à travers le dialogue.
Dans les différentes rencontres que j’ai eu l’occasion de vivre, j’ai la plupart du temps rencontré des jeunes gens prêts à s’interroger, à chercher des solutions, à mettre en place des mesures diminuant les risques et responsabilisantes pour chacun (les documents de référence sont disponibles à la Ligue jurassienne contre les toxicomanies, CP 2201, 2800 Delémont 2).
Les médias ont joué un grand rôle dans la dramatisation du phénomène techno. La peur issue de cet état d’esprit n’a provoqué qu’une perte de temps dans la mise en place de cadres et de règles efficaces pour ces soirées. La peur, la colère et l’incompréhension qui en ont résulté ont figé tous les processus d’évolution vers quelque chose d’acceptable et de positif.
La techno est une culture qui prend de plus en plus d’ampleur. Elle est l’expression d’un style de vie original. L’histoire se répète: d’autres phénomènes, ces dernières décennies peuvent être comparés à celui-ci, l’avènement du rock par exemple.
Il est indispensable de comprendre ces phénomènes et les messages qu’ils transmettent. Il faut situer le phénomène techno au sein d’une culture propre au monde des jeunes et par conséquent, représentant «une partie de la culture de la société dans son ensemble…» Les besoins des groupes de jeunes, comme ceux de la scène techno doivent par conséquent toujours être examinés parallèlement à ceux des autres jeunes, des adultes, ainsi que des jeunes enfants.
Pour construire des actions de prévention efficaces, il faut tenir compte du fait que les développements et courants observés chez les jeunes sont toujours influencés par les développements qui caractérisent la société dans son ensemble