juin 2011
Gaël-Anne Pannatier, responsable de RADIX Suisse romande et coordinatrice du Réseau romand d'écoles en santé
Quel lien entre un processus qui clarifie les interventions et la promotion de la santé ? RADIX travaille depuis près de dix ans sur les processus d’intervention précoce en s’appuyant sur le développement de la promotion de la santé dans le cadre de vie (setting) des communes et des écoles: des jeunes dont les comportements peuvent engendrer des problèmes physiques, psychiques et sociaux, bénéficient d’un soutien précoce, coordonné et bien ciblé de la part de leur environnement. En même temps, cet environnement devient porteur de compétences, de projets.
Paradoxalement, les jeunes en difficulté sont le plus souvent perçus comme un « problème » pour leur milieu de vie alors qu’ils ont besoin de sécurité et de bienveillance. Leur comportement démunit les acteurs qui ne savent comment réagir ou intervenir. Nos programmes visent donc à renforcer les compétences des adultes qui côtoient les jeunes, ainsi que la cohérence entre les acteurs. La promotion de la santé consiste à ne pas aborder la gestion des difficultés sous le seul angle de réactions appropriées, mais aussi sous l’angle de la gestion d’un milieu de vie avec des tensions, des acteurs et des ressources. Promouvoir les liens entre les acteurs, soutenir leur capacité à générer des projets, offrir des alternatives, donner du sens sont autant d’enjeux pour la promotion de la santé.
Que ce soit dans les communes, dans les écoles ou tout autre lieu de vie, RADIX fait de la promotion de la santé en soutenant la mise en œuvre de politiques locales concertées qui s’appuient sur un groupe ressource interprofessionnel et intersectoriel et sur un état des lieux, mené de manière participative, qui soit susceptible d’impliquer les acteurs dans l’élaboration d’un plan de mesures. Ces dernières seront mises en œuvre à divers niveaux et destinées à une pluralité de publics. Elles prennent la forme de projets le plus souvent communautaires, d’adaptation ou de formalisation des fonctionnements ou d’espaces de concertation utiles.
Parmi les résultats des processus, nous relevons quatre axes pour renforcer les compétences dans un milieu: (1) la formation et l’information qui permettent d’appréhender un thème, (2) la mise sur pied de protocoles d’information qui permettent de clarifier les rôles, (3) la gestion, la circulation de l’information et le suivi de l’intervention, mais aussi (4) des temps partagés entre professionnels sur les besoins identifiés, le sens et le type d’intervention ou de projets à promouvoir. Enfin, les jeunes eux-mêmes peuvent être associés tant à la réflexion qu’au développement de réponses appropriées. Nous sommes donc dans un processus public dans lequel le débat et la gestion de l’intimité et de la confidentialité sont indispensables.
Dans les programmes pilotes, les établissements ont choisi des thèmes différents, sur la base d’un état des lieux interne à l’école. Il s’agit de partir de l’existant, de ce qui fait sens dans l’histoire de chaque école. Certains projets sont axés sur des questions liées à des produits (entrée en projet par exemple par le thème de l’alcool, le tabac, le cannabis), d’autres sur l’alimentation et le mouvement, d’autres sur la gestion des conflits et les violences, mais aussi plusieurs d’entre eux sont plus généraux et se mobilisent par différents biais sur le climat scolaire (cf. description des projets sous www.ecoles-en-sante.ch). La définition commune des besoins prioritaires en terme de prévention et de promotion de la santé, puis l’implication de chacun-e, à son niveau, dans la mise en place de la détection et de l’intervention, permettent de construire une vision commune des facteurs de risques et des mesures de soutien pour les jeunes.
Le plus souvent, les collaborations, les fonctionnements et les structures élaborés dans un cadre sont transposables dans d’autres. Ainsi la démarche initiée à partir d’une thématique qui peut être assez précise sert à l’ensemble de l’établissement et s’élargit à l’intervention précoce et à la promotion santé de manière générale. Dès lors, il ne devrait pas y avoir de difficulté à lancer un processus sur la base d’un thème ou d’un élément déclencheur plutôt qu’un autre. Mais ce n’est pas toujours le cas des ressources extérieures qui accompagnent l’école, dans le sens où le domaine de la prévention est souvent subdivisé au gré des problématiques. En effet, historiquement, la prévention a le plus souvent été construite comme un des volets d’une structure de prise en charge. Si la plupart des institutions s’identifient à la promotion de la santé, les missions, les discours et les pratiques diffèrent beaucoup selon les thèmes. Dès lors, nos programmes ont prévu un volet de formation pour le setting écoles et de soutien pour le setting communes. La prévention, qui avait souvent une mission d’information, de témoignage et de renforcement de compétences spécifiques à un risque, devient un vecteur d’optimisation de structures et de fonctionnements. C’est aussi pourquoi RADIX ou la HEF-TS ont produit des outils, des références pour les professionnels qui accompagnent ces processus.
Au vu des différentes expériences menées dans les écoles1, voici en synthèse quelques éléments qui semblent très importants dans le processus: identifier les acteurs et clarifier les rôles et les responsabilités, sensibiliser et donner des compétences aux différents acteurs, mettre en place des procédures pour la prise en charge transversale. En développant un projet, l’établissement de formation construit une vision commune de la promotion santé et développe une certaine culture d’établissement concernant l’intervention précoce. La démarche permet de clarifier les rôles de chaque acteur interne et externe, de rendre leur position plus confortable et de renforcer les ressources à disposition selon les besoins identifiés. La collaboration et la mise en réseau interne (direction, groupe santé, responsables de classe, psychologues, infirmières, médiateurs et médiatrices, enseignant-e-s,…) sont ainsi au cœur du processus.
Enfin, la mise en réseau avec les acteurs externes, notamment pour la prise en charge des élèves identifiés comme vulnérables, constitue un axe central de l’intervention précoce. Chaque établissement clarifie les différents services et ressources disponibles, et établit des modes de communication, voire des collaborations avec les acteurs extérieurs pertinents selon la situation. Réciproquement, cette ouverture permet d’identifier ce qui appartient au milieu et peut être traité au niveau de l’établissement.