septembre 2008
Bruno Gravier et Messaoud Benmebarek (Service de Médecine et de Psychiatrie Pénitentiaires, Département de Psychiatrie du CHUV, site de Cery, Prilly)
Dans la seconde partie des années 90, plusieurs expériences pilotes ont contribué à donner une image engagée de la prise en charge des dépendances et de la politique de réduction des risques dans les établissements pénitentiaires helvétiques. L’échange de seringues dans la prison d’Hindelbank (1994), étendu rapidement aux prisons bernoises puis dans certains cantons (Genève, Réalta 1999) ainsi que la distribution contrôlée d’héroïne dans la prison d’Oberschongrün (1999) ont ainsi fait grand bruit. Depuis, la situation semble n’avoir que peu évolué, du moins en ce qui concerne les politiques menées par les différents cantons dans ce domaine. Une analyse d’ensemble permet de dresser un tableau hétéroclite des pratiques tant dans la prévention du risque infectieux que dans la prise en charge des dépendances (Achermann, Hostettler, 2007 Masia 2007).
De ce fait, la connaissance des pratiques thérapeutiques en milieu pénitentiaire tient plus des idées reçues que d’une véritable analyse. Par exemple, on pourrait penser que l’accès à des produits de substitution est la règle dans les prisons. La réalité est plus nuancée: dans certains lieux les patients sous méthadone sont rapidement sevrés du produit de substitution alors que, dans d’autres, l’attitude des professionnels s’inscrit dans la volonté de soutenir et de poursuivre les efforts thérapeutiques conduits avant l’incarcération par les structures de soins spécialisées.
La scène de la drogue a sensiblement évolué ces dernières années, il en va de même au sein des prisons où la population des usagers de drogue s’est sensiblement modifiée. La prison reste cependant un lieu particulièrement confronté aux personnes toxicodépendantes et aux problématiques sanitaires, sociales ou répressives qui en découlent. Le pourcentage de détenus qui déclarent présenter une toxicodépendance reste relativement stable, autour de 25% dans les prisons vaudoises. Ce chiffre est souvent plus élevé dans d’autres établissements ou pays. Ainsi dans les prisons françaises, il était estimé à 33% en 1997, parmi lesquels 14% avaient consommé de manière régulière des opiacés, 8% de la cocaïne ou du crack, et 15% déclaraient une polytoxicomanie dans les 12 mois précédent l’incarcération (Michel L, Brahmy B., 2005).
Le pourcentage de détenus, dans les prisons du canton de Vaud présentant dans les consultations psychiatriques des troubles liés à l’utilisation de substance (alcool compris) a, de son côté, triplé, passant de 9% en 1997 à près de 30% dix ans plus tard (cf tableau et graphique p.11).
Cette augmentation de la morbidité psychiatrique et de la sévérité des troubles peut probablement s’expliquer par l’évolution de la scène de la drogue, associant largement consommation de cocaïne et troubles psychiatriques divers et témoignant d’une consommation d’opiacés moins prégnante.
La prison est aussi un lieu où convergent des sujets enclins à la consommation, sans forcément être dépendants. L’étude EPIPS que nous avons mené en 2002 montrait que plus de la moitié d’un collectif de 332 détenus avait consommé une ou plusieurs substance(s) addictive(s), autre que l’alcool, avant son incarcération. La polyconsommation n’est pas rare et débute plus précocement que dans la population générale. Ce constat est à resituer dans une perspective plus large que la seule prise en compte de la dépendance. Il souligne aussi que la population carcérale est une population cumulant des difficultés sociales, psychiatriques, relationnelles (Michel L., Brahmy B. op.cité) résultant d’un important brassage reflet des migrations, du déracinement et des guerres qui secouent le globe (en 2006, sur 2380 détenus dans les prisons vaudoises, 665 étaient originaires d’Afrique, 147 d’Asie, 104 d’Amérique, et 865 d’un autre pays d’Europe, dont 316 des seuls Balkans).
La prison est aussi un lieu où l’on consomme. Malgré tous les efforts de répression et de dépistage «la prison n’est pas le lieu clos et étanche que l’on imagine et tous les professionnels doivent jongler avec ce paradoxe» (Michel L.): 31% des sujets de l’étude EPIPS mentionnée plus haut, déjà incarcérés auparavant, avaient consommé de l’alcool ou de la drogue lors d’une précédente incarcération. Quelle que soit l’évolution des politiques pénales en matière de drogue, la prison reste un lieu de vulnérabilité particulière à la dépendance. Il n’est donc pas étonnant qu’en prison se rejoue et se décline la confrontation du sujet à la drogue, sous d’autres formes que dans la cité, ne serait-ce que par l’impossibilité d’entretenir de manière continue la dépendance en raison de la discontinuité de l’approvisionnement.
La privation de liberté, le confinement cellulaire, le regroupement inévitable dans des quartiers pénitentiaires de détenus préoccupés par la drogue, vient catalyser le besoin du produit et donner d’autres visages à la dépendance. Comme le rappelle O. Lesourne (2007), l’acte addictif est un agir, en prison probablement plus qu’ailleurs. Les intervenants sont confrontés à une autre variation du rapport entre visible et invisible, du jeu de cache-cache qui scande le parcours du toxicomane. Le détenu n’exhibe pas sa dépendance aux stupéfiants, mais, au contraire, dissimule sa consommation pour éviter la sanction ou détourne à des fins toxicomaniaques un médicament qu’il aura demandé pour dormir ou mieux supporter l’enfermement.
Il n’est pas rare que les détenus se sèvrent sans rien demander pour éviter d’attirer l’attention de la justice sur leur dépendance. La demande d’antalgiques pour le mal de dos ou une rage de dent est parfois un indicateur indirect de cette dépendance qui ne veut pas s’exposer dans la consultation. Peu d’entre eux veulent véritablement soigner leur dépendance pendant le temps carcéral, beaucoup subissent l’abstinence pendant le temps de l’enfermement dans un espace surveillé et contrôlé.
La clinique de la dépendance en prison reste une «clinique de l’intensité» qui se rejoue dans toutes les formes de la rencontre du patient et des murs. Intensité de certains troubles comportementaux exacerbés par la privation de liberté ou le traitement qui ne convient pas, intensité de la demande de médicaments, intensité des rapports avec le personnel pénitentiaire ou médical.
Les professionnels se trouvent directement confrontés à cette intensité et sont, pour les détenus, qu’ils soient personnels soignants, socio-éducatifs ou pénitentiaires, «réduits à la qualité de «porteurs de la norme d’interdit » nécessairement injuste, sinon incompréhensible» (Barré M.D., Deveresse M. S., 2007).
Le personnel médical est, dans ce jeu particulier, bien souvent la cible de la vindicte et l’objet de nombreuses pressions de la part du détenu qui veut obtenir le médicament qui va calmer, mais le plus souvent être stocké, revendu ou utilisé massivement à des fins toxicomaniaques. Tiraillée entre la demande insistante du détenu, qui allègue le manque et le mal-être et la nécessité de protéger celui-ci d’une overdose dont l’occurrence est loin d’être exceptionnelle en milieu pénitentiaire, l’appréciation est complexe surtout en l’absence de directives et de standards validés. Certains praticiens auront tendance à considérer la prison comme un espace de consommation à bas seuil et ajusteront leurs prescriptions dans ce sens, d’autres, la majorité, essayeront de s’en tenir à une attitude plus restrictive s’exposant à la vindicte de leur patient. Ceci aboutit souvent à une prescription hétérogène d’une prison à l’autre et à une discrépance entre la prescription en milieu pénitentiaire et l’extérieur. Telle benzodiazépine sera largement prescrite dans un établissement alors qu’elle sera proscrite dans un autre.
La comorbidité psychiatrique chez une majorité de personnes toxicodépendantes est de plus en plus souvent la règle et confronte l’institution à des comportements explosifs et difficiles à gérer, lancinants par leur insistance et leur réactivité. Elle rend souvent indispensable une collaboration et un échange régulier avec les autorités pénitentiaires et les agents de détention et peut entretenir la confusion quant aux rôles des uns et des autres. C’est la raison pour laquelle la prise en charge fait souvent l’objet de contrats de soin, parfois interdisciplinaires avec les autres partenaires institutionnels, qui précisent les rôles des uns et des autres dans l’accompagnement du détenu toxicodépendant pendant son parcours carcéral (Devaud, Gravier, 1999).
La rencontre en prison s’inscrit d’abord dans la rupture suscitée par l’incarcération mais vise aussi à s’inscrire dans la continuité de ce qui a été mis en place comme aide, soutien, suivi thérapeutique à l’extérieur et réinscription dans un réseau social. Il s’agit d’un travail dont on sait qu’il peut prendre du temps et être ponctué de rechutes. Les incarcérations récurrentes de certains doivent pouvoir aussi être pensées comme autant de moments permettant de progresser en mettant à distance le déni de la consommation pour conduire à une action décisive pour la santé (Ritter, 2006).
Le leurre qui considérait la prison comme un lieu de l’abstinence contrainte permettant d’accéder à une véritable réhabilitation a fait long feu. La réalité est tout autre et le souhait des praticiens de voir leur patient sevré de leur cure de maintenance à l’occasion de la détention reste souvent un vœu pieu qui peut mettre en péril la santé du patient. Celui-ci, en effet, une fois sevré, n’en sera que plus vulnérable à toute nouvelle consommation, ce qui majore le risque de rechute voire d’overdose à la sortie de prison.
Dans un tel contexte, la mise en danger de la santé n’en est que plus grande par la promiscuité et l’existence de conduites à risques, malgré toutes les mises en garde: tatouage avec du matériel non stérile, partage des objets d’hygiène personnelle, sexualité non protégée (entre détenus ou lors de visites) et bien sûr injection avec des seringues usagées.
L’étude EPIPS (Iten, Gravier, 2005) a aussi montré qu’un pourcentage non négligeable de personnes incarcérées était dans l’ignorance totale de son statut sérologique au moment de l’étude et ce malgré toutes les propositions de dépistage ou des entretiens anamnestiques fouillés. Ce constat impose des stratégies de prévention adaptées, diversifiées et cohérentes d’un établissement pénitentiaire à l’autre ce qui est loin d’être le cas.
L’équivalence des soins avec le milieu extérieur est un principe fondateur de la médecine pénitentiaire. C’est ce qui guide l’offre thérapeutique en prison et notre insistance de tous les jours pour permettre aux détenus de bénéficier de soins adéquats sans que le soin ne soit mise en péril par des considérations économiques ou morales. C’est ce principe qui impose un accès le plus large possible à une offre préventive et thérapeutique.
Néanmoins, ce principe trouve certaines limites dans la prise en charge des dépendances en prison. Par exemple, la restriction en matière de prescription de psychotropes pour prévenir le trafic et les intoxications volontaires est impérative et ne permet pas de proposer une offre médicamenteuse à seuil très bas. Certains épisodes dramatiques (décès de détenus par overdoses) ont montré à quel point la délivrance de produits psychotropes ou de produits de substitution à des fins palliatives ne protégeait pas d’une potentialisation avec des produits stockés ou introduits lors de visites.
Les seules difficultés organisationnelles peuvent limiter l’accès à des thérapies de maintenance, par exemple, lorsque le métabolisme du patient rend nécessaire un fractionnement des doses, ce qui rend l’horaire de distribution incompatible avec le fonctionnement pénitentiaire et la présence de l’équipe médicale.
Depuis dix ans, le Service de médecine et psychiatrie pénitentiaires du canton de Vaud propose aux patients qui doivent purger une peine de prison une consultation avant incarcération pour prendre connaissance de leur situation médicale, évaluer leurs besoins, les informer, et souvent les rassurer sur la possibilité de poursuivre une cure de maintenance. Cette consultation permettra d’ajuster celle-ci en fonction de ce qui pourra lui être proposé pendant la détention et d’assurer une continuité avec les praticiens en charge du patient avant et après l’incarcération. Une fois ce préalable posé, une certaine équivalence peut s’instaurer dans le respect de la démarche d’ensemble des professionnels impliqués, dans le renforcement d’objectifs de traitements qui incluent la poursuite d’une cure de maintenance adaptée à la réalité de la dépendance et au contexte de l’incarcération. Un cadre thérapeutique bien posé peut permettre la reprise d’une démarche qui aura mûri après la détention, voire le choix d’un traitement en milieu résidentiel.
Le temps carcéral n’est pas superposable à celui de la toxicodépendance, ni à sa gravité. Lorsque le délit n’a que peu à voir avec la réalité de la dépendance, il sera certes tenu compte de celle-ci mais, lors d’actes particulièrement graves, l’institution pénitentiaire devra accompagner pendant de longues années un détenu toxicodépendant. Il arrive ainsi que des cures de maintenance soient poursuivies des années durant.
Le temps carcéral est l’occasion pour certains, habituellement à l’écart du réseau de soins, de demander de l’aide contre leur dépendance ou plus souvent des soins physiques permettant de retrouver une meilleure santé et de prendre soin de leur corps. L’exigence faite aux autorités par toutes les conventions internationales de garantir l’accès aux soins prend ici toute sa valeur. Ici aussi la particularité de la rencontre ne va pas sans poser de problème: peut-on, par exemple, proposer un traitement de longue haleine à un détenu qui souffre d’hépatite alors que l’on sait qu’il fera l’objet d’une mesure d’expulsion à sa sortie de prison et que retombant rapidement dans la clandestinité, s’il reste en Suisse, il ne pourra pas poursuivre ce traitement?
Cependant, malgré tout les obstacles qui ont été mentionnés plus haut et la diversité des situations, nombreux sont les détenus qui profitent de cette rencontre médicale pour essayer de s’inscrire dans une autre dynamique vis-à-vis de leur dépendance.
L’article 44 du code pénal qui ouvrait largement l’accès à des traitements résidentiels dans le cadre d’une mesure pénale a été remplacé, depuis janvier 2007, par l’article 60 du code pénal qui permet toujours l’accès à un traitement institutionnel par voie de justice. Celui-ci, dans les faits autorise une plus grande souplesse dans son application et ne se limite pas, contrairement à des idées reçues, aux seuls lieux résidentiels prônant l’abstinence. Dans les prisons vaudoises, des rencontres fréquentes ont lieu entre les différents partenaires médico-sociaux pour essayer de construire au plus près des besoins du patient une démarche qui pourra s’articuler si besoin est avec la décision judiciaire.
Les détenus étrangers et sans droit de séjour en Suisse sont nombreux en milieu carcéral et souffrent d’une toxicodépendance le plus souvent importée de leur pays d’origine. En fonction de leurs régions d’origine, certains mode de consommations apparaissent prévalents: opiacés pour les ressortissants des pays de l’ex-URSS, cannabis, psychodysleptiques pour les patients originaires d’Afrique, etc…. Au gré des pérégrinations clandestines à travers les pays qu’ils traversent, la polytoxicomanie s’installe et contribue à leur vulnérabilisation et leur délinquance. Comme pour beaucoup d’autres patients toxicodépendants, la cocaïne et l’alcool viennent compliquer le tableau, majorant l’agressivité et la tension autour du produit.
Le sevrage n’est alors jamais simple. On est d’ailleurs surpris de constater, en milieu pénitentiaire, la faible efficacité de schémas de sevrage éprouvés dans d’autres lieux de soins. Comme si les murs et la contrainte annihilaient l’effet apaisant et anxiolytique des médicaments proposés au patient qui s’obnubile du seul entretien de sa dépendance et exige bien plus que ce que l’institution ne peut donner.
Dans bien des cas, l’introduction d’une cure de maintenance s’imposerait. Elle se heurte cependant à un principe de réalité têtu. Comment proposer une telle cure à des patients clandestins ou requérants à qui cette possibilité d’accès aux soins sera refusée si d’aventure, comme c’est le cas le plus fréquent, ils viennent à se retrouver à la rue. Le soin se retrouve dans une impasse. Rien ne peut être pensé ou envisagé au long cours chez ces patients qui excluent tout retour dans leur pays, même si celui-ci peut disposer de structures de soin et qui se retrouvent dans la colère du manque et de l’insatisfaction face aux réponses qui leur sont proposées.
Malgré les recommandations et les évolutions récentes qui confirment le bien-fondé de certaines orientations thérapeutiques fondées sur les traitements de substitutions, le milieu pénitentiaire reste mal à l’aise vis-à-vis de la prise en charge actuelle de la toxicodépendance. Ce constat est compliqué par le fait que les partenaires judiciaires ou policiers sont souvent dans l’ignorance de la réalité de la toxicodépendance et de la circulation de toxiques dans les prisons et restent parfois avec une image mythique d’une prison libre de toute substance grâce à la sophistication des mesures de dépistage. Pourtant les devoirs de l’Etat ont été clairement établis lors d’une étude juridique récente (Achermann C., 2007) qui indique les obligations auxquelles est soumis l’Etat en matière de prévention, découlant des droits fondamentaux et des droits de l’homme :
mise à disposition d’informations relatives à la santé,
examen médical obligatoire avant l’incarcération,
aménagement de l’infrastructure pénitentiaire tenant compte des besoins de santé,
distribution de préservatifs,
proposition de traitements de substitution (avec méthadone notamment)
mise à disposition de seringues stériles.
Une étude australienne (Gjersing, 2007) est à ce propos particulièrement révélatrice et souligne à quel point le personnel travaillant en milieu pénitentiaire est sous-informé en matière de traitement de substitution et de prise en charge des dépendances. Cette sous information contribue à renforcer un discours dominant visant l’abstinence à tout prix au mépris de la réalité psychique des patients.
La polarisation plus idéologique que scientifique entre les deux attitudes n’épargne pas non plus le corps médical comme l’a démontré un travail récent de Zullino (2008). Elle se décline avec la même acuité au sein des équipes médicales pénitentiaires qui ont souvent bien du mal à souscrire aux recommandations existantes, notamment lorsqu’il s’agit de poser la question de l’opportunité de l’introduction d’un traitement de substitution en prison, alors qu’un tel traitement serait indiscutable à l’extérieur.
Notre expérience en matière de transformation des attitudes et des pratiques dans le domaine de la santé en milieu carcéral est édifiante. Jusqu’en 1998, les autorités pénitentiaires vaudoises s’opposaient à la poursuite d’un traitement de substitution pendant la durée totale de l’exécution de la peine. La méthadone n’était admise que le temps du sevrage de la cure. Les détenus sous méthadone étaient perçus comme incapables de travailler, assommés par le produit et n’ayant comme seule perspective que d’entretenir leur dépendance. Dans un second temps, un «quota» d’une quinzaine de cures simultanées a été admis par les autorités, ce qui obligeait à établir des listes d’attente, à interroger les condamnés avant leur détention au mépris de toute confidentialité et stigmatisait d’entrée le détenu objet d’une telle mise en liste. La distribution de méthadone est finalement entrée dans les mœurs pénitentiaires – après de longs débats et plusieurs prises de positions – comme un acte médical, soutien indispensable et nécessitant d’être resitué dans une trajectoire.
La libération de prison peut survenir à tout moment de la détention s’il s’agit d’une détention avant jugement. Elle peut par contre être anticipée si la personne est condamnée. Dans tous les cas, recouvrir la liberté est un moment à risque pour la santé des personnes toxicodépendantes. La continuité du traitement et la rétention dans le réseau de soins est un impératif de santé publique et un objectif primordial des services médicaux pénitentiaires. Le réseau de soin a appris à s’adapter à ces situations particulières et à s’inscrire en continuité avec ce qui a pu être travaillé en détention. Les structures résidentielles on aussi appris à mieux tenir compte de ces patients plus difficiles, souffrant souvent de comorbidités psychiatriques importantes, imposant souvent à la fois la prise en charge simultanée de la toxicodépendance et celle de la psychose.
On sait en règle générale que la prise en charge des patients toxicodépendants nécessite souplesse, adaptation et tolérance tout en essayant d’instaurer un cadre ferme mais bienveillant. A la différence de bien des volontés politiques d’intervention thérapeutique en milieu pénitentiaire qui s’obnubilent de la prévention de la récidive et du redressement du sujet délinquant pour l’amener à prendre conscience du tort causé aux victimes (Quirion, 2007), le traitement des patients toxicodépendants en prison conserve, malgré les débats qui traversent les acteurs, une visée avant tout réhabilitative et de réinsertion (qui n’exclut pas d’ailleurs un travail sur la trajectoire et la délinquance du sujet).
La pratique médicale en prison est marquée par d’importantes disparités d’un établissement à l’autre, autant que par le manque de directives et de points de repères (Gravier 2008). Nous ne pouvons que saluer l’initiative ambitieuse de l’Office fédéral de la santé publique qui vise à créer un véritable suivi épidémiologique, à former et informer les personnels, à développer les traitements en permettant aux acteurs du soin de disposer des standards de pratiques adéquats et adaptés.