septembre 2008
L’ensemble des chiffres disponibles démontrent que les usagers de drogue sont surreprésentés dans les prisons européennes. Les travaux récents de l’EMCDDA corroborent cette réalité carcérale: tant la prévalence au cours de la vie que l’usage régulier de drogue ont des taux très largement supérieurs à la population générale. Ces résultats, même s’ils varient de manière importante selon les lieux et les produits par exemple, convergent cependant vers un point. La consommation de produits et le milieu carcéral sont des thèmes centraux et incontournables de la politique drogue. Dans les régimes actuels de prohibition, les prisons concentrent naturellement une proportion importante des consommateurs. De plus, les conditions de vie ainsi que les ruptures de parcours occasionnées par une incarcération sont autant de facteurs de risque qu’il convient de prendre en compte.
En Suisse, contrairement aux 30 pays européens membres de l’Observatoire de Lisbonne, des chiffres officiels ne sont malheureusement pas disponibles. On s’accorde cependant pour convenir que la situation dans notre pays est similaire à celle des pays voisins. L’absence de ces données étonne dans un pays souvent considéré comme un pionnier dans le domaine des traitements et de la recherche. Témoigne-t-elle d’une méconnaissance et d’un manque d’intérêt pour ce milieu et cette population? La question reste ouverte. En effet, outre les efforts importants déployés par les professionnels du terrain, la question des produits psychotropes en milieu carcéral ne bénéficie toujours pas de l’attention qu’elle mérite. Or, ce domaine est capital pour le réseau addiction et l’ensemble de la société. Du fait du système de prohibition, les prisons sont logiquement devenues un des principaux lieux de prise en charge pour les personnes toxicomanes. Il est donc temps que «dépendances» se penche sur cette problématique, afin de renouveler l’intérêt pour un thème central.
En marge de ce numéro, un post-scriptum signé par les deux institutions porteuses de «dépendances», vient jeter un coup de projecteur sur l’actualité brûlante de cet automne. Le 30 novembre, le peuple suisse vote à nouveau sur la politique drogues (révision de la LStup). L’ISPA et le GREA soutiennent sans réserves ce projet. Le combat est fondamental et une mobilisation sans faille du réseau addiction apparaît comme indispensable. Le climat actuel de la politique suisse ne favorise pas les débats constructifs. Dès lors, un retour aux urnes sur le sujet des drogues ne peut en aucun cas être sous-estimé. D’autant plus que jamais, jusqu’à cet automne, le peuple suisse n’avait été amené à se prononcer sur le modèle des 4 piliers. Un refus du peuple signifierait la fin du consensus et déboucherait probablement sur la fin de ce modèle. Une catastrophe. «dépendances» appelle donc ses lecteurs à se mobiliser sur cet objet!
Jean-Félix Savary (GREA)