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  3. Dépendances 14
  4. La recherche rend-elle la prévention efficace ? L’exemple des adolescents

Prévention non spécifique: la santé malgré soi
Martial Gottraux (Ecole d’études sociales et pédagogiques)
La recherche rend-elle la prévention efficace ? L’exemple des adolescents
Pierre-André Michaud (Unité multidisciplinaire de santé des adolescents et IUMSP) ; Karen Klaue (Groupe de recherche sur la santé des adolescents)
De l’art de surfer entre intuition et gestion des attentes des “turfistes”*
Rainer Frei, ZEPRA (Centre de prévention et de promotion de la santé St-Gall)
Critères de qualité et promotion de la santé: luxe ou nécessité?
Dr Brigitte Ruckstuhl (responsable de “Qualité et évaluation”)
Prévenir la toxicomanie: un combat mythique
Gérard Pradelle
Formation en dépendances: de l’hétérogénéité au consensus professionnel
Bhama Steiger (EESP)

Dépendances 14 - Prévention ? Un coup de projecteur sur une scène diversifiée: La recherche rend-elle la prévention efficace ? L’exemple des adolescents

août 2001

La recherche rend-elle la prévention efficace ? L’exemple des adolescents

Pierre-André Michaud (Unité multidisciplinaire de santé des adolescents et IUMSP) ; Karen Klaue (Groupe de recherche sur la santé des adolescents)

Les relations entre chercheurs et praticiens de terrain sont parfois difficiles: d’un côté, il arrive fréquemment que les chercheurs, fortement attachés au monde académique, se forgent une idée biaisée de la situation sur le terrain et soient plongés dans leurs hypothèses et leurs analyses sans ressentir la nécessité de discuter des prémisses de leurs travaux ou d’en partager le fruit avec d’autres professionnels. De leur côté, les praticiens de terrain, cliniciens, thérapeutes, éducateurs, chargés de prévention ne voient pas toujours les apports pratiques de recherches dont les prémisses et le déroulement leur échappent quelque peu ((Michaud PA, Baudier F, Choquet M, Mansour S (Ed.). La santé des adolescents: quels liens entre recherche et prévention ? Ed CFES, Paris, 1994 226 pp.)). Cette présentation se fonde sur la double expérience de l’auteur comme clinicien et comme chercheur, une expérience centrée essentiellement sur la santé des adolescents. Elle passe en revue, sans les épuiser, divers niveaux et objectifs de prévention des conduites de dépendance en insistant sur la nécessité d’en évaluer la portée et l’impact.

Prévenir … évaluer … les conduites de dépendances

Un premier malentendu pourrait s’installer autour du concept même de dépendance: d’une part, certaines conduites sont largement médiatisées, alors que d’autres, comme l’abus d’alcool ou les troubles de la conduite alimentaire sont plus volontiers passées sous silence.

D’autre part, beaucoup de personnes encore dans le public ont tendance à confondre l’usage et l’abus de substance; la majorité des adolescents font un usage récréatif et occasionnel de psychotropes qui s’inscrit dans des conduites exploratoires propres à cette période de la vie et seule une minorité, toutes substances confondues, en font un usage problématique, un usage associé à des problèmes de santé, des échecs scolaires et professionnels ou encore des dettes et de la délinquance. Finalement, une plus petite minorité encore deviennent dépendants.

Philippe Jeammet et Daniel Marcelli ont montré que les conduites de dépendances signent avant tout une rupture, un blocage du processus développemental du processus d’autonomisation dans lequel un individu, un adolescent déplace des relations des personnes aux choses 1 2. En d’autres termes, les conduites de dépendance sont avant tout des symptômes d’un malaise ou de problèmes, ce dont les activités de prévention doivent à tout prix tenir compte.

Mais, au-delà des aspects individuels de la dépendance, il faut bien voir aussi la manière dont la société gère de telles conduites, au plan de la visibilité et de l’accessibilité des produits, de la législation, la manière aussi dont ses membres se représentent les produits et leurs effets jouent un rôle considérable. La prévention va donc s’adresser à la fois aux individus et aux collectivités et elle va devoir s’intéresser à la fois aux consommations et à tous les facteurs qui la sous-tendent. On distingue donc classiquement les préventions primaire, secondaire et tertiaire, qui visent tour à tour des individus sains avant qu’un problème n’apparaisse, des individus placés dans des situations de risque et enfin des personnes souffrant de difficultés et ayant besoin d’un appui pour surmonter leur situation. En d’autres termes, la plupart des activités de prévention primaire s’adressent essentiellement à des communautés, alors que les activités de prévention secondaire et tertiaire sont plus souvent centrées sur des individus – et leur environnement proche – affrontant certaines situations ou difficultés. Enfin, alors que certaines activités visent spécifiquement à empêcher certains comportements, comme par exemple le fait de fumer, d’autres cherchent plutôt à agir en amont sur les facteurs susceptibles de favoriser des conduites de dépendances. Dans cette perspective, terminons cette brève mise en place des concepts en soulignant qu’avec la Charte d’Ottawa 3, les professionnels engagés dans des activités de prévention se sont dotés d’un instrument de réflexion et d’intervention novateur, qui met l’accent sur la participation et la responsabilité individuelles et collectives des publics cibles, dans une optique positive, promotionnelle.

Que vient faire la recherche dans ce cadre-là? 4. La recherche épidémiologique descriptive vise à circonscrire des phénomènes. S’agissant de l’usage de drogue, elle cherchera à répertorier, dans différentes populations, le pourcentage de personnes possédant tel ou tel savoir, exhibant telle ou telle attitude et croyance ou encore adoptant tel ou tel comportement, avec les conséquences que de tels comportements peuvent entraîner 5 6 7 8. Ces études, malgré leurs limites et leurs imperfections, permettent non seulement de se rendre compte de l’état de la situation, mais aussi d’établir des comparaisons d’une période à une autre, d’un groupe à un autre, d’une région à une autre, apportant leur lot de bonnes et moins bonnes nouvelles. Ainsi, les recherches menées ces dernières années révèlent une augmentation importante de l’usage de tabac par les jeunes filles, de cannabis par les jeunes des deux sexes, tant en quantité qu’en fréquence; elles démontrent aussi que si la consommation globale d’alcool dans la population ne semble pas augmenter, il existe, tant chez les jeunes filles que les garçons, une tendance accrue à la consommation d’alcool en quantité excessive durant un court laps de temps, ce que les Anglo-saxons appellent le “binge drinking” 7.

L’intérêt de ces études est donc de donner aux responsables de santé publique et aux professionnels du terrain une description de la situation et de son évolution dans différents domaines, et donc des arguments scientifiques pour accorder la priorité à tel ou tel thème de prévention. Ainsi, le fait que divers organismes publics et privés se soient vu accorder des subsides pour la prévention du suicide chez les jeunes n’est probablement pas étranger au fait que nous sommes l’un des pays dans lesquels le taux de décès par suicide chez les jeunes est le plus élevé 9.

Les études d’évaluation cherchent à mettre en évidence l’impact de différentes mesures de soins et de prévention, soit en décrivant les processus mis en jeu, soit leurs conséquences directes sur les populations visées. Elles peuvent se révéler utiles aux gens du terrain en leur permettant de mieux orienter ou réorienter leurs interventions 10 11 12). Comme la suite de cet article va l’illustrer, il importe de distinguer entre la mesure des processus et celle de l’impact: d’un côté il s’agit d’examiner la manière dont une action de prévention définie est conçue et implantée, si elle se déroule selon le programme prévu, si elle a atteint le public auquel elle était destinée, éventuellement le degré de satisfaction du public cible.

De l’autre, il importe de savoir si les objectifs définis au départ ont été atteints, soit de savoir si on observe des changements de connaissances, d’attitudes ou de comportements attendus dans le groupe cible visé (il existe d’ailleurs aussi, dans certains domaines, des moyens indirects de procéder à de telles évaluations, comme de suivre des courbes de morbidité ou de mortalité, la vente de certains produits, etc.).

La prévention collective auprès des adolescents

Comme esquissé plus haut, il existe deux formes de prévention primaire. La première est axée sur une approche non spécifique qui vise avant tout à rendre les adolescents plus sensibles aux différents aspects des conduites addictives et à leur donner les moyens de ne pas devenir dépendants d’un produit. La seconde vise expressément l’abstention de diverses consommations spécifiques, qu’il s’agisse du tabac, d’alcool ou de drogues considérées comme illégales. Si la seconde stratégie trouve son utilité auprès des jeunes déjà fortement engagés dans les processus de l’adolescence et qui ont, pour leur majorité, déjà été confrontés à diverses consommations, il est actuellement devenu évident que la prévention auprès des jeunes adolescents ne doit plus se centrer sur des produits mais sur l’acquisition de compétences 10 13. En d’autres termes, il ne sert à rien de faire peur aux jeunes adolescents, et des exposés détaillés sur les méfaits des drogues ne font bien souvent que les encourager à “essayer pour voir”. Une chercheuse bien connue des États-Unis a recensé les différents programmes de prévention primaire des dépendances 14 et arrive aux conclusions suivantes:

  • il est important de prévoir des programmes sur une certaine durée; des interventions ponctuelles sont habituellement sans effet durable, comme on pourrait s’en douter
  • les interventions les plus efficaces font participer les jeunes de façon interactive, par exemple sous la forme de jeux de rôle, de théâtre ou de formation de jeunes médiateurs – “peer-lead programs” 15 qui sont formés à servir à leurs camarades de relais et d’appui
  • pour qu’une activité ait un impact suffisant, il importe qu’elle se déroule dans un cadre conceptuel global: en d’autres termes, il ne suffit pas de travailler uniquement sur les compétences en matière d’attitudes et de comportements face aux drogues, mais il faut aussi donner aux adolescents l’occasion d’améliorer leur capacité de négociation et l’image qu’ils ont d’eux-mêmes
  • enfin, et ce point sera discuté en conclusion de cette présentation, l’idéal serait que les programmes mis sur pied, en général dans les écoles, soient en relative congruence avec les messages diffusés dans la communauté.

Il existe divers exemples de ces approches dans notre pays. Par exemple, la troupe “caméléon” travaille dans de nombreux établissements de Suisse romande et offre des spectacles dans lesquels les jeunes sont invités à participer, se mettant ainsi en situation. L’Institut suisse de prévention de l’alcoolisme et autres toxicomanies met à disposition des enseignants ou d’autres intervenants de nombreux outils d’intervention interactifs. Cette philosophie d’intervention s’inspire largement de concepts très voisins qui ont dominé la recherche et les interventions ces dernières années: la Charte d’Ottawa, signée il y a un peu plus de 10 ans 16, insiste sur la nécessaire participation des publics cibles sur la définition et la mise en place des actions de promotion de la santé qui leur sont proposées. Dans ce même courant, divers auteurs ont développé les notions de salutogenèse 17 ou de résilience 18. Dans ces deux cas, l’accent est mis non pas sur les problèmes présentés par les individus, mais sur les ressources dont ils disposent, soit à titre personnel, soit dans leur environnement. Les recherches menées selon cet axe de pensée aboutissent toutes à des constatations très convergentes 19:

  • l’importance d’un lien consistant et significatif entre intervenant et adolescents et le rôle favorable d’une continuité dans le travail de prévention
  • l’impact d’un cadre chaleureux, interactif, fournissant aux adolescents des limites mais aussi des possibilités de s’exprimer, d’expérimenter, de participer. Ainsi, les travaux de Fortin 20 21 et de Rutter 22 ont-ils démontré l’efficacité d’une pédagogie active et d’une philosophie d’établissement cohérente dans la prévention des conduites déviantes, surtout auprès de populations défavorisées.

C’est dire, en conclusion à ce premier pan de réflexion touchant à la prévention primaire, qu’une approche respectueuse et efficace de la prévention primaire ne peut s’effectuer que dans un cadre global impliquant l’ensemble de la communauté visée dans une optique positive.

La prévention individuelle auprès des adolescents

Une bonne partie des éléments de réflexion qui viennent d’être présentés valent aussi pour ce qui touche à la prévention secondaire. Cette partie de la présentation se centre sur l’approche que divers professionnels peuvent avoir auprès de jeunes en situation de risque. Insistons au passage sur la notion de jeunes en “situation de risque”, qui se démarque clairement de celle de jeunes à risque, fortement condamnable aux plans stratégique et éthique 23.

L’adolescence est une période de changements rapides, marquée par le désir de découvrir et d’expérimenter, d’où la tendance, pour la grande majorité des jeunes, de s’engager dans ce que plusieurs auteurs français ont appelé il y a plusieurs années “conduites d’essai” 24, transitoires dans la majorité des cas.

Par ailleurs, ce ne sont souvent pas tant les jeunes qui sont à risque mais bien l’environnement dans lequel ils se meuvent qui peut constituer un risque potentiel. Malheureusement, bien de ces comportements d’expérimentation sont largement stigmatisés dans notre société et tendent à enfermer certains jeunes dans leur situation. Ainsi, parler de “situation de risque”, c’est modifier la représentation que l’on peut avoir d’une problématique et ouvrir la réflexion à un possible changement, laisser la porte ouverte à une évolution favorable, tant au niveau de l’individu que de son milieu.

La littérature nous fournit d’amples listes de telles situations 25 26: au plan de l’environnement, ce sont avant tout le dysfonctionnement familial, une situation socio-économique précaire, un environnement géographique défavorable, une accessibilité importante aux produits, l’absence de législation claire, alors qu’au plan personnel, on relève souvent une dépression sous-jacente ou un état anxieux, l’impulsivité et les troubles de l’attention, des difficultés scolaires et d’apprentissage ou des affections psychiatriques graves.

Le travail auprès de jeunes placés ainsi en situation de risque comporte deux volets, tous les deux grevés de difficultés: d’abord leur identification, et l’évaluation du rapport qu’ils entretiennent éventuellement déjà avec des produits psychotropes, et ensuite la mise en place de stratégies d’accompagnement efficaces. Si la première étape n’est pas toujours difficile à réaliser, la seconde est entachée de problèmes importants. Ainsi, dans une évaluation du travail d’orientation et de conseil effectué par des infirmières de santé publique dans le cadre d’un service de santé scolaire pour des adolescents vaudois de 15 à 19 ans, il s’est avéré que les adolescents souffrant de problèmes somatiques suivaient bien volontiers les conseils des infirmières consultées; en revanche, en présence de situation à risque, elles éprouvaient de grandes difficultés à convaincre les adolescents à se mettre en contact avec des structures d’accompagnement 27. À la suite de cette évaluation, les infirmières ont perfectionné leur formation dans l’écoute et la guidance des jeunes faisant face à des problèmes psychosociaux, elles ont amélioré leur connaissance du réseau d’aide existant et ont surtout pris l’habitude, dans des situations extrêmes, d’accompagner elles-mêmes les jeunes vers des structures adéquates. On voit à nouveau apparaître dans cette évolution l’importance du lien, d’une relation chaleureuse et empathique et de la continuité des soins et des prises en charge. En d’autres termes, il faut imaginer des stratégies qui permettent d’aller le plus possible à la rencontre des jeunes éprouvant des difficultés et de les assister dans la formulation d’une demande d’appui.

Une fois la démarche engagée, encore faut-il pouvoir proposer des programmes d’accompagnement efficaces. Que nous apprend la recherche sur les ingrédients d’une telle démarche?

  • D’abord que l’impact d’un programme se mesure bien souvent à la qualité de l’accueil réservé aux jeunes et au niveau de formation des professionnels œuvrant dans de telles structures. Ainsi, un chercheur aux États-Unis a-t-il récemment démontré, à l’aide d’une recherche qualitative par focus group, que l’un des facteurs qui conditionnaient le maintien dans un programme multimodulaire de jeunes en situation de risque était, au-delà de ce qui leur était offert concrètement, le sentiment qu’ils avaient qu’on les respectait et qu’on souhaitait qu’ils aient un avenir et réussissent dans la vie 28. Dans une perspective assez semblable, une recherche menée il y a 3 ans dans les cantons de Vaud et du Valais auprès de jeunes en rupture d’apprentissage a démontré que l’un des facteurs prédisant le mieux la réinsertion professionnelle était le sentiment que les jeunes avaient que les adultes, leur patron, leur faisaient confiance 29.
  • L’autre aspect qui revient souvent dans la littérature 30 31 32 est la nécessité de mettre en place une approche multimodulaire qui englobe une aide dans les différents secteurs que sont 1. La scolarité et la formation professionnelle (axe didactique), 2. Les loisirs et la vie avec les pairs (axe socio-culturel) et 3. La vie de famille et le soutien éducatif (axe éducatif et psychologique).

C’est d’ailleurs de cette philosophie que s’inspire le programme supra-f (pour Suchtprävention Forschung) soutenu par l’Office fédéral de la santé publique 33 34. Environ 14 centres de Suisse alémanique et de Suisse romande offrent à des adolescents de 12 à 20 ans confrontés à des situations difficiles un accompagnement personnalisé, dans l’idée d’éviter qu’ils ne deviennent dépendants de drogues ou qu’ils développent des conduites déviantes. Le programme supra-f prévoit donc des activités dans les trois secteurs qui viennent d’être mentionnés, relayées par un important travail de réseau avec les autres institutions travaillant localement avec des adolescents. Cette approche fait l’objet d’une recherche dans le cadre de laquelle les jeunes bénéficiant d’une telle aide sont vus dès leur intégration dans le programme, puis 6 mois et 18 mois plus tard.

D’autres programmes 35, comme celui mis en place à Genève par l’Association “le Point” visent – sans se centrer uniquement sur des jeunes rencontrant des difficultés personnelles – un travail global auprès de la communauté, en favorisant les liens entre école et parents, entre membres de la communauté et élus politiques, à travers des activités d’animation, la création de lieux de parole, la mise en place de médiation. Néanmoins, force est de reconnaître que ces programmes sont difficiles à évaluer dans la mesure où ils visent très globalement à améliorer le bien-être et la qualité de vie de l’ensemble d’une population donnée, des objectifs ambitieux mais malaisés à apprécier.

Prévention primaire, prévention secondaire?

Cette revue, loin d’être exhaustive, passe sous silence un certain nombre d’enjeux d’importance qui devraient faire l’objet d’un débat public. Nous en retiendrons trois:

  • Un premier enjeu est plutôt d’ordre stratégique: s’agit-il d’encourager les adolescents à l’abstinence ou plutôt de leur permettre de consommer des substances psychotropes de façon récréative, dans un climat. On le sait, les États-Unis privilégient la première voie en interdisant par exemple de servir de l’alcool dans les lieux publics avant 21 ans. La France voisine privilégie la consommation raisonnable, témoin le slogan déjà ancien “un verre ça va, trois verres bonjour les dégâts”.
  • Dans cet ordre d’idée, force est de reconnaître qu’il est difficile pour les adolescents de s’y retrouver face aux messages contradictoires livrés par la société en matière de produits psychotropes: si la vente d’alcool est interdite aux moins de 16 ans, qui diable s’en soucie? Si le tabac tue chaque année des centaines de personnes en Suisse, qui se soucie dans notre pays de limiter la publicité éhontée qui lui est faite dans les médias qui s’adressent prioritairement aux jeunes? Relevons à ce propos le rôle néfaste et invisible joué, dans notre pays comme dans d’autres, par certains lobbies comme celui du tabac, rôle mis en évidence récemment par un rapport commandité par le Fonds national suisse de la recherche scientifique 36.
  • Mais au-delà de ces aspects législatifs, il faut surtout réaliser que de larges pans de la population feignent de ne pas voir que les véritables enjeux liés à l’usage et l’abus de psychotropes par de nombreux jeunes sont liés à une évolution de notre société qui privilégie la réussite rapide, la performance, la concurrence et la consommation. Les conduites de dépendances ne sont pas le fait des jeunes seulement, mais bien une tendance sécrétée par l’ensemble de notre système économique.
  • Dans une collectivité qui privilégie la recherche de sensations et les conduites extrêmes au détriment du celle du sens, 37 comment ne pas comprendre que les adolescents eux aussi tendent à consommer des produits de façon abusive, pour leurs effets obnubilatoires?

Ainsi, l’avenir de la prévention ne passe-t-il pas par une réflexion approfondie et l’ouverture d’un débat large sur les véritables causes de l’abus de substances? Les jeunes, à travers leurs consommations abusives, n’invitent-ils pas les adultes à réfléchir à leurs propres consommations et à leurs propres dépendances? Enfin, quelle place souhaitons-nous laisser aux jeunes eux-mêmes dans ce débat dont ils sont bien souvent absents, par manque de perspective d’avenir, par manque de confiance dans leurs aînés et dans le monde que nous leur avons préparé…

14_2_La-recherche-rend-elle-la-prevention-efficace-l-exemple-des-adolescents_Andre-Michaud_Dependances2001.pdf
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