décembre 2017
On reconnaît en prévention que les mesures structurelles permettent de réduire significativement la consommation de substances et, partant, certains des problèmes qui y sont liés. Ces mesures concernent pour l’essentiel la régu- lation du marché. Le nombre de points de vente et leurs horaires, les produits proposés, la taxation et les prix font ainsi partie des leviers de la prévention ou de la réduction des risques. Dans le domaine des drogues illicites, la situa- tion est différente : on y regrette souvent l’absence d’outils de régulation face à un marché qui n’est soumis à aucun contrôle de qualité, à aucune taxation et à aucune mesure de limitation de l’offre autres que celles que mettent en place la police et la justice.
Paradoxalement, le «marché» – ce lieu où se rencontrent l’offre et la demande – est assez mal connu des acteurs du domaine socio-sanitaire. On lui prête en tout cas une importante capacité à influencer, à travers les groupes d’in- térêts qu’il crée, les choix politiques. Les récentes décisions d’abandon de la révision de la loi sur l’alcool, d’adoption de la loi fédérale sur les jeux d’argent, de renvoi au Conseil fédéral de la loi sur les produits du tabac ou d’autorisation de la vente d’alcool sur les autoroutes, ne contredisent certainement pas cette perception. Et l’élection récente d’un Conseiller fédéral, qui se définit avant tout comme un pur libéral, ne devrait pas non plus changer la donne.
Ce numéro de dépendances est une première plongée dans l’univers des marchés. Nous avons demandé à différents auteurs, dont certains n’étaient pas forcément coutumiers de l’exercice, de décrire le marché dans le domaine qui les concerne et de s’interroger sur les régulations dont il fait l’objet. On verra qu’il y a souvent des traits communs mais aussi des différences selon la taille et la légalité du marché, les caractéristiques de ses protagonistes, et les intérêts qui y sont associés.
Ce début de XXIème siècle est marqué par une multiplication des produits. La vape et les mal nommés «heat not burn» bousculent le marché de la cigarette, on trouve, à côté du hachisch et de la marijuana, des gouttes, des cristaux, des lotions et des produits comestibles, tandis que les jeux d’argent se déploient sur Internet. Cette évolution néces- site, plutôt demain qu’après-demain, un cadre conceptuel et des règles permettant de réguler les marchés, en favorisant les produits les moins nocifs, et non pas les groupes d’inté- rêts les plus influents. Nous en sommes malheureusement encore loin.
Frank Zobel (Addiction Suisse)