octobre 2010
Chères lectrices, cher lecteurs,
Quoi de plus naturel que manger? Ce n’est pourtant pas toujours si simple. Du sein maternel à la porte du frigo, le rapport à la nourriture en dit long sur la relation aux autres, au plaisir, sur la culture et les valeurs d’une société.
Pourquoi parler des troubles du comportement alimentaire dans une revue consacrée aux addictions? S’il est important de réfléchir à l’impact de l’utilisation de ce concept, et nous vous y invitons dans ce numéro, il n’en reste pas moins que l’addiction se dessine comme l’un des troubles si ce n’est le trouble le plus caractéristique de notre société moderne et qu’il touche également notre rapport à la nourriture.
Il existe des pathologies du trouble du comportement alimentaire qui sont répertoriées en entités cliniques bien définies comme l’anorexie ou la boulimie. Il ne faut pas perdre de vue cependant que ces pathologies s’inscrivent à l’extrémité d’un continuum qui commence bien souvent par un simple régime, symptomatique de la valeur accordée dans nos sociétés à la minceur et à l’apparence physique en général, laquelle conditionne le niveau d’estime de soi de nombreuses personnes, les femmes en particulier.
Interroger les troubles alimentaires sous l’item addiction, c’est aussi permettre un certain angle de vue. Que dit une relation pathologique à la nourriture sur la qualité du lien interindividuel, du vivre ensemble? Qu’en est-il de la responsabilité de l’industrie agro-alimentaire et de sa «junk food», qui selon une étude récente parue dans le New Scientist* «peut toucher la chimie cérébrale de la même manière que les drogues»? Qu’en est-il des valeurs de consommation, du tout tout de suite, n’importe quand et n’importe où lorsqu’on les applique à la nourriture? La disponibilité et l’abondance de nourriture contrastent avec les injonctions au contrôle de soi – et de son poids.
De fait, les troubles du comportement alimentaire sont des maladies biopsychosociales complexes et nous espérons avec cette édition ouvrir un espace de réflexion et de discussion.
Corine Kibora (Addiction Info Suisse)