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  3. Dépendances 12
  4. Il n’y a pas de formation innocente

Il n’y a pas de formation innocente
Claude de Jonckheere (Institut d’études sociales, Genève)
La politique de formation en matière de dépendances de l’OFSP: une approche par étapes
René Stamm (responsable du domaine formation à l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), Berne)
Nécessité d’une formation pour les collaborateurs des institutions
Thierry Juvet (directeur de la Fondation des Oliviers, Le Mont-sur-Lausanne)
Des généralistes de la politique sociale, spécialistes des addictions?
Madeleine Ackermann, Salvatore Cruceli, Claude Didierlaurent, Pierre Duffour, Pascal Pellaz, Anne Pittet (stag.), Service Social, Fondation le Tremplin, Fribourg
Dépendologue ? Addictopeute ? Dépendologiste ?? Je m’interroge !
Jean-Luc Baierlé, médecin cantonal du Jura, Delémont; médecin associé à l’IUMSP, Lausanne.
Programme de formation en toxicomanie de l’Université de Montréal
Luc Chabot, M.Ed., I.C.A.D.C., Directeur des programmes d’études en toxicomanie, Université de Montréal
Former et certifier dans le champ des dépendances: expériences et projets
Gérald Progin, secrétaire général du GREAT, Yverdon-Les-Bains

Dépendances 12 - Former des spécialistes en addictions?: Il n’y a pas de formation innocente

décembre 2000

Il n’y a pas de formation innocente

Claude de Jonckheere (Institut d’études sociales, Genève)

Les propos qui suivent ne sont pas fondés sur l’analyse d’une formation particulière. Ils visent à proposer quelques repères permettant de comprendre la signification sociale de la mise en place d’une formation dans le domaine socio-sanitaire et, plus particulièrement, dans le domaine des dépendances. Ces repères devraient pouvoir faire accéder à une plus grande visibilité l’impensé ((Le terme «impensé» est emprunté à Foucault et désigne les forces sociales à l’œuvre dans les activités humaines et qui résistent à la pensée voulant les saisir.)) de la formation et faire comprendre les divers modes sur lesquels elle «fait exister» les acteurs concernés.

La formation: une réponse à un problème. À première vue, la mise en place d’un dispositif de formation dans les professions sanitaires et sociales suit une logique linéaire. Premièrement, on procède à l’identification de problèmes sanitaires et sociaux affectant une population. La participation de la population à l’identification des problèmes qui la concernent n’est pas nécessairement requise. L’avis d’experts suffit. Deuxièmement, on décide que les problèmes préalablement définis requièrent l’intervention de personnes formées et on définit des compétences requises. Troisièmement, on met en place une offre de formation visant à acquérir les compétences requises pour traiter des problèmes tels qu’ils ont été définis. Éventuellement, dans un quatrième temps, on procède à l’évaluation de l’adéquation du dispositif de formation à donner aux personnes qui se forment, les compétences requises pour traiter les problèmes sanitaires et sociaux. Bien évidemment, une telle évaluation ne cherche pas à redéfinir le problème auquel la formation est une réponse et ne peut que conclure à la pertinence de la formation et proposer quelques ajustements mineurs.

Ici, une distinction s’impose. Nous avons parlé de «problème» sans préciser quel sens donner à ce terme. Pour cela, il est nécessaire d’introduire la notion de «fait brut». Elle désigne ce qui est donné comme, par exemple, la maladie 1, la pauvreté, le désir ou, pour ce qui nous occupe, la consommation de drogues. Quant à lui, le problème est la signification sociale donnée à un fait brut. La signification sociale de l’usage de drogues désigne cette conduite comme étant un problème pouvant être appelé la dépendance ou la délinquance. Précisons que, dans le domaine sociosanitaire, la signification sociale désignant un fait comme un problème vient masquer le fait brut lui-même au point que souvent nous considérons que le problème est le fait.

Décisions et intérêts

Une telle logique instituant la formation comme réponse à un problème est en fait fondée sur une série de «décisions» que l’on peut qualifier de «politiques» puisqu’elles concernent ce que Foucault appelle le «gouvernement des vivants» 2 c’est-à-dire la manière de s’occuper des affaires de la cité, notamment celles concernant le difficile rapport entre intérêts particuliers et intérêts collectifs. Parler de «décision» indique qu’un problème ne peut pas être défini comme la «vérité», mais qu’il est le fruit d’une délibération. Même s’il est présenté comme la «vérité» de ce qui arrive à une population, en fait il est fabriqué dans des rapports de forces et des conflits d’intérêts. Le problème de la toxicomanie, ou de la toxicodépendance, est une construction politique qui, selon les forces en présence, est conçue comme une maladie, une conduite délictueuse, un comportement suicidaire, l’état le plus grave de la dépendance, ou, plus rarement, un choix citoyen.

Les premières «décisions» concernant la définition de problèmes que l’on doit traiter voient les intérêts des populations se confronter aux intérêts des organismes de formations, écoles et universités qui veulent que le problème soit identifié de telle manière qu’il faut une réponse sous la forme d’intervention de professionnels formés. Les intérêts des politiques sont aussi actifs dans cette phase, car il s’agit de montrer à leurs électeurs potentiels que le problème sanitaire et social est pris en charge, même si cela va coûter quelques deniers à la collectivité. Généralement, les «décisions» ayant pour effets que le problème est défini dans des termes plutôt que dans d’autres sont prises dans le silence des populations censées être concernées. À cet égard, les «décisions» définissant le problème de la toxicomanie ont été prises entre experts 3 et politiques 4, en l’absence des consommateurs de drogues. L’éviction de ces derniers est justifiée en raison du fait que la manière dont leur problème est construit énonce que justement ils manquent de discernement en ce qui concerne leur propre existence comme celle des autres. Dès lors, spécialistes et personnages politiques s’autorisent à «décider» du problème d’autrui du fait que ce problème définit autrui comme inapte à décider.

Les deuxièmes décisions concernent le recours à des professionnels pour «traiter» le problème tel qu’il a été défini et les compétences que cela requiert. Mais le processus n’est pas si linéaire. En effet, nous pouvons supposer que le problème sanitaire ou social a été défini dans les termes avec lesquels il a été défini parce que l’on avait déjà «décidé» que des professionnels devaient intervenir. En effet, si l’on veut faire intervenir des professionnels formés, on articulera le problème comme étant grave et d’une forte complexité, alors que, si l’on veut des bénévoles, on «décidera» que le problème est relativement bénin. Le problème sanitaire et social ou, en tout cas, la signification qui lui est donnée, est en fait la justification de la décision de faire intervenir des professionnels ou des bénévoles. Il n’en reste pas moins que des intérêts, notamment financiers, s’affrontent lorsqu’il s’agit de définir s’il faut réellement l’un ou l’autre de ces types d’intervenants. Si, par exemple, la question est réglée en faveur des professionnels, il importe de définir les compétences dont ils doivent faire preuve. Bien sûr, dans une telle décision interviennent les représentations des «savoir-faire» requis pour affronter les situations, mais, notamment dans le domaine des dépendances, également des stratégies pour développer, soit le champ d’action de la santé, soit celui du social. Si l’on veut privilégier la santé, les compétences requises seront définies différemment que si l’on veut développer le social. Le plus souvent, ce n’est pas l’analyse de véritables situations de travail qui indique les compétences à acquérir, mais les intérêts, les appartenances, les positions institutionnelles, les loyautés de ceux qui ont à décider.

Les troisièmes décisions concernent la mise en place d’un dispositif de formation. Ici encore, ces choix précèdent probablement ceux qui concernent l’intervention de professionnels formés. En effet, on peut prétendre que pour répondre aux problèmes préalablement construits, il est nécessaire d’avoir tels types de compétences. Mais, on le fait parce que l’on sait déjà ce qui va être offert comme dispositif de formation. Par exemple, les forces en présence peuvent imposer une formation universitaire dans le domaine des dépendances. Sachant cela, les compétences requises seront alors définies en insistant sur la nécessité d’acquérir des connaissances académiques disciplinaires ou des compétences en recherche que seule l’université peut offrir. À ce stade, les intérêts des formateurs interviennent avec insistance. La compétence des personnes qu’il s’agit de former peut être alors définie en fonction de ce que peuvent offrir les enseignants ou, plus largement, l’organisme de formation. Nous savons qu’en matière de formation la concurrence est actuellement rude et que les divers lieux dispensateurs de savoirs, y compris certains instituts universitaires, doivent s’imposer sur le marché afin de garantir leur survie. Dès lors, ces organismes, ou leurs représentants, participant à la définition des problèmes et des compétences le feront dans des termes leur permettant d’imposer ce qu’ils ont à offrir et de garantir leur survie économique.

Nous le voyons, la linéarité allant des problèmes sanitaires et sociaux à la mise en œuvre d’un dispositif de formation est, en définitive, une suite de décisions prises sans ordre prédéfini et soumises aux intérêts et forces en présence. La proposition de formation précède souvent la construction des problèmes auxquels elle est censée répondre. Une rupture marquée existe alors entre les aspirations d’une population particulière et la formation de professionnels censés être au service de cette population. Mettre en place une formation consiste en un vaste agencement d’intérêts et de forces d’autant plus difficiles à discerner qu’ils ne se présentent pas comme intérêts ou forces, mais plutôt comme résultats d’expertises, études revêtant une validité scientifique ou savoirs à toute épreuve.

Habilitation

Une autre manière d’entrer dans la question du rapport entre la formation et les politiques sociosanitaires est fournie par le concept d’«habilitation». L’habilitation est la reconnaissance sociale d’une compétence annoncée. Mais il s’agit bien d’une compétence annoncée et non d’une compétence effective. La compétence annoncée est celle qui est ciblée par la formation et vérifiée par son dispositif interne d’évaluation. Dès lors, une personne reçoit une habilitation en raison de la certification obtenue au terme d’une formation. L’habilitation est une question de politique sociosanitaire qui découle des décisions décrites précédemment et qui concernent la «mise sur le marché» de professionnels. La compétence est une question qui se pose dans des situations de travail, dans l’action envers autrui ou dans la manière de «jouer» avec les règles institutionnelles et sociales pour agir conformément à ce que les situations exigent de nous.

Cependant, nous ne pouvons exclure l’importance de l’habilitation sous prétexte qu’elle n’est qu’une sorte de «vernis social» dont le signe distinctif est un certificat à accrocher dans son salon et ne disant absolument rien des compétences réelles de celui qui est habilité. La reconnaissance que procure l’habilitation développe certainement des effets non négligeables sur les salaires. Mais ce n’est pas tout. Elle a de l’importance quant à la manière dont nous nous définissons nous-mêmes et cette définition de soi entraîne des conséquences sur nos compétences actives.

Ce que la formation fait exister

Nous avons traité de la mise en place de formations d’intervenants susceptibles de traiter de problèmes sociaux en opposant les intérêts de l’expert à ceux du politique. Dans une série de décisions devant instaurer une formation, on peut imaginer que si les intérêts de l’une de ces parties étaient oubliés, la procédure serait interrompue. Mais, si les intérêts de la population à laquelle sont destinées les interventions pour lesquelles des personnes se forment sont escamotés, la formation aura pourtant lieu. Par exemple, si les consommateurs de drogues ne participaient pas aux décisions concernant les problèmes qu’ils rencontrent, la manière de les aider à les affronter et la compétence des personnes susceptibles de les assister, la formation se mettrait cependant en place. Leurs intérêts n’ont pas la même force que ceux des experts et des politiques. Certes, on pourra prétendre que ces deux types d’individus défendront les intérêts des personnes dites dépendantes, qu’ils seront en quelque sorte leurs ambassadeurs. Bien sûr, mais ils défendront les intérêts des consommateurs à partir de leurs intérêts d’experts et de politiques.

Nous sommes en présence de deux pratiques distinctes que sont la pratique de formation et la pratique d’intervention pour laquelle la formation s’instaure. Ce qui caractérise une pratique, quelle qu’elle soit, est la manière dont elle s’adresse à ceux qui en seront les bénéficiaires. Comme le dit Isabelle Stengers, «la manière dont on s’adresse à quelqu’un contribue au plus haut point à produire l’identité de celui à qui on s’adresse» 5. La formation fait donc exister l’identité du futur intervenant et l’intervention fait exister celle de celui à qui elle est destinée. De ce fait, la pratique de formation ne peut faire l’impasse de la question du mode sur lequel les pratiques d’interventions auxquelles elle prépare font exister les populations cibles, pour ce qui nous occupe, les personnes consommant des drogues. La mise en place d’un dispositif de formation ne peut exclure qu’elle dépende d’experts en définition de problèmes sociaux, d’experts en formation, et de politiques définissant les politiques sociales et attribuant les budgets. Une formation existe bien parce que ces experts la font exister sur un certain mode et pas seulement parce que des formateurs définissent ce qui est judicieux de construire comme dispositif et comme pédagogie. Mais, à son tour, elle « fait exister », en les habilitant, des experts en matière d’intervention. Elle le fait sur le silence des populations dites «à problèmes». Ainsi, un dispositif de formation «crée» des experts et a besoin d’experts pour être créé. Il institue le «règne des experts» et il peut difficilement en être autrement. La question est alors celle du contrôle de ces experts pour que leur mandat et leur pouvoir n’aliènent pas les populations, les citoyens dont on problématise l’existence.

Controverse

Dans notre tradition démocratique, la mise en place d’un processus de formation implique la responsabilité des experts et des politiques s’exprimant dans une «controverse» mettant en scène des intérêts pouvant être contradictoires. La controverse a pour acteurs légitimes des spécialistes du problème soumis au débat, des politiques autorisés à prendre des décisions, mais aussi les personnes dont la vie est «mise en problèmes» de telle manière qu’il faut des professionnels formés pour s’occuper d’elles.

En fait, nous sommes en présence de deux controverses distinctes ayant chacune des issues différentes bien que reliées entre elles. La première a pour objet la définition des problèmes dont sont affectées les personnes jugées «dépendantes» ou «toxicomanes». Ses acteurs légitimes sont les experts et les politiques, mais également ceux dont il est question, ceux dont l’avenir sera lié au résultat de la controverse. Par contre, la deuxième ayant pour objet la création d’un dispositif de formation et son contenu réunit d’autres acteurs légitimes. Ce sont toujours les experts, mais cette fois en matière de formation, et les politiques, mais les personnes «dépendantes» seront remplacées par les praticiens de l’action sanitaire et sociale dont l’avenir professionnel dépendra de la création ou non d’une formation.

La notion de «controverse» permet d’insister sur la mise en présence des différents types d’acteurs concernés par une décision: ceux qui sont socialement légitimés pour l’orienter et la prendre et ceux dont le devenir en dépend. En matière de toxicomanie, les enjeux sociaux sont considérables, de ce fait, les controverses possibles ou virtuelles sont nombreuses. Par contre, les controverses réelles, celles qui réunissent effectivement les acteurs impliqués, semblent plus rares. La manière de répondre à la question de la spécialisation des praticiens œuvrant dans le champ des addictions dépend largement de la possibilité d’ouvrir des controverses dont l’enjeu est la construction d’un avenir commun. Ainsi, ce qui apparaît à première vue comme une simple question «technique» demandant s’il faut, ou non, former des spécialistes en «dépendances» ou, en utilisant un effrayant vocable, des «addictologues», devient un problème concernant et intéressant un grand nombre d’acteurs.

12_1_Il-n-y-a-pas-de-formation-innocente_De-Jonckheere_Dependances_2000.pdf
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  1. La maladie mentale est un cas particulier car, selon Foucault, elle est déjà une construction sociale de significations et non simplement la description d’une conduite.[↑]
  2. Foucault (M.), Dits et écrits, vol. IV, Paris, Gallimard, 1994, p. 125[↑]
  3. L’expert définit un type d’acteur social convoqué pour donner un avis parce qu’il fait autorité sur une question donnée.[↑]
  4. Le politique définit un type d’acteur social dont la légitimité sociale lui donne le pouvoir, individuel et collectif, de prendre des décisions concernant l’organisation et la vie de la cité. Il ne s’agit pas seulement des élus, mais aussi de certains fonctionnaires pouvant influencer ou prendre des décisions en matière de politique sociosanitaire.[↑]
  5. Stengers (I.), « L’expert et le politique », in Caballero (F.), Drogues et droits de l’Homme, Le Plessis-Robinson, Les Empêcheurs de penser en rond, 1992, p. 36.[↑]

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