décembre 2000
Se former dans le domaine des dépendances: une évidence? Pas si sûr! Se former, bien sûr, mais dans quel domaine, avec quelle intention, et par qui? Le champ des dépendances est jeune; il a nécessairement à se poser des questions essentielles sur le statut de la formation et ses ambitions. Mais il y a des spécificités à ce domaine qui donnent à la formation – je devrais dire aux formations – une image à définir ou à clarifier. Que l’on soit médecin, travailleur social, infirmier, bénévole, enseignant, médiateur ou tout autre professionnel impliqué dans le champ des dépendances, il y a des approches, des besoins, des visions qui diffèrent les uns des autres.
Le spécialiste en dépendances existe-t-il? La formation peut-elle répondre seule à cette question? La pluridisciplinarité des intervenants, la variété de leurs mandats, les différentes attentes des instances politiques, sanitaires et sociales, la culture de base des corps professionnels, les besoins de ces derniers mais aussi – et on l’oublie trop souvent! – ceux des personnes dont ils s’occupent, tout cela nécessite de se poser des questions qui vont au delà de celles liées à la formation.
D’ailleurs, ne donne-t-on pas à la formation un pouvoir trop grand? Si l’on croit que la formation peut résoudre toutes ces questions, on tombe alors dans un travers majeur: l’unification des doctrines ou la hiérarchisation des approches, entre autres. On suggère sans le dire que la formation va normaliser en une pensée unique les pratiques et discours des acteurs du terrain, alors que sa fonction première est de permettre aux savoirs et expériences de circuler, de s’enrichir mutuellement. Aussi, vouloir résoudre un problème ou un déficit d’image professionnelle uniquement par la formation serait dangereux. Pourtant, les spécialistes des dépendances ont besoin de reconnaissance, et cela passe bien souvent par un certificat attestant d’une formation! En ce sens, les directions d’institutions, comme celles de santé publique, se doivent de préciser leurs attentes, leurs besoins, pour proposer une partie du modèle de formation qui pourrait mener à une certification. On ne doit toutefois pas oublier les besoins des professionnels eux-mêmes… ni le pourquoi de nos actions, leurs finalités, soit le bien-être des personnes concernées par les problèmes de dépendances.
Que le GREAT et l’ISPA, coéditeurs de la revue «dépendances», se soient lancés dans cette réflexion au travers de ce numéro n’est finalement pas un hasard: tous deux sont actifs dans le secteur de la formation depuis de nombreuses années, auprès de publics-cibles et à des niveaux complémentaires que sont la sensibilisation et le perfectionnement professionnel. Depuis longtemps, nous nous sommes donc posés ces questions, sans y trouver des réponses parfaites, toutes faites. Les auteurs sollicités à écrire ce numéro contribuent à alimenter la réflexion et nous poussent à réfléchir encore plus. Un acte deformation, en somme.
Michel Graf (directeur-adjoint de l'ISPA)