octobre 2012
Nicholas Pleace (University of York, England)
C’est durant les années 70 que les Etats-Unis ont commencé à faire un large usage d’un modèle de service « évolutif » afin d’aider les patients qui quittaient les hôpitaux psychiatriques à retrouver une vie ordinaire. Le modèle évolutif était basé sur l’idée qu’une personne se rétablissant d’une maladie mentale grave après un séjour en hôpital devait être accompagnée et franchir une série d’étapes jusqu’à ce qu’elle soit prête à vivre de façon indépendante. Chaque étape de ce processus représentait, à plusieurs titres, une épreuve, car une personne utilisant ce service évolutif devait prouver sa capacité à vivre avec succès à ce stade avant d’être autorisée à passer à l’étape suivante. 1 Dans beaucoup de modèles évolutifs, chaque étape était vécue dans une résidence disposant de son propre personnel. En suivant ce processus évolutif, une personne découvrait que chaque étape comportait moins de règles que la précédente, qu’elle était plus indépendante, et que les traitements et l’accompagnement allaient en diminuant.
Durant les années 90, des recherches ont commencé à identifier clairement des constantes chez les sans-abri. Un petit groupe avec des besoins élevés a été identifié parmi la population de sans-abri et furent décrits comme « sans-abri chroniques » 2. Ces personnes se caractérisent par l’absence de logement fixe de façon récurrente et prolongée et, souvent, par le fait de souffrir de maladies psychiatriques graves et d’avoir des problèmes de drogue et/ou d’alcool. Ce sont le plus souvent des hommes seuls, disposant de peu ou pas de ressources financières, et qui peuvent avoir des difficultés à accéder à l’aide sociale. Ce groupe compte un nombre restreint de personnes, mais celles-ci utilisent très fréquemment, et parfois de façon prolongée, les dispositifs sociaux comme les centres d’hébergement d’urgence pour sans-abri. 3
Des recherches ont montré que les sans-abri chroniques représentent un coût financier important pour la société américaine. 4 Cela s’explique en partie par le fait que ce type de problème n’est souvent pas résolu malgré la mise en place de services évolutifs relativement coûteux. L’utilisation répétée des services d’urgence, médicaux ou psychiatriques, des services d’aide aux toxicomanes et alcooliques et des contacts relativement fréquents avec le système judiciaire entraînent également des coûts substantiels. 5
A partir de la fin des années 80, un financement fédéral a été mis à disposition pour soutenir le développement de services évolutifs centrés spécifiquement sur les sans-abri chroniques, dans le but de répondre à leurs besoins. Le modèle évolutif est aussi utilisé pour les sans-abri souffrant de troubles psychiatriques ou de problèmes de drogue ou d’alcool en Europe, où ce type d’approche est souvent appelé modèle de service en « escalier ».
Dès la fin des années 90, il est devenu évident que l’objectif du modèle de service évolutif, c’est à dire mettre un terme à la situation des sans-abri chroniques aux Etats-Unis, rencontrait un succès limité. Les personnes se retrouvaient « bloquées » à une étape car elles n’étaient pas autorisées, ou capables, de progresser vers l’étape suivante. C’est pourquoi le modèle évolutif a été accusé de parfois prolonger la situation des sans-abri. 6 En outre, il arrivait fréquemment que les sans-abri abandonnent sans avoir réalisé toutes les étapes prévues. 7 Certaines recherches ont suggéré que les règles « strictes », consistant la plupart du temps à s’abstenir de toute consommation de drogue ou d’alcool et à se soumettre à des traitements psychiatriques et des programmes de désintoxication, 8 étaient à l’origine de ces abandons. Même si les services évolutifs n’étaient pas tous aussi stricts, 9 ils tendaient à être conçus pour mettre un terme aux problèmes de drogue et d’alcool, et pour traiter les problèmes psychiatriques avant que les sujets arrivent au terme de leur progression. Les services en « escalier » européens ont reçu sensiblement les mêmes critiques que les services évolutifs pour sans-abri aux Etats-Unis. 10
Les services Housing First prennent en charge un sans-abri chronique, ou une personne nécessitant aide et traitement et susceptible de devenir sans-abri, pour le placer directement dans un logement, sans qu’il soit obligé de passer d’abord par un service évolutif/en escalier. Les services Housing First aux Etats-Unis sont caractérisés par les principes généraux suivants : 11
Le principal élément probant à mettre au crédit du programme Housing First concerne le modèle développé par l’organisme Pathways à New York, et soumis à des essais contrôlés randomisés. Ce modèle est parfois appelé « Pathways Housing First ». 12 Il utilise des appartements loués auprès de bailleurs privés et répartis dans New York et fixe à 20% la proportion maximale de logements occupés dans un même immeuble par des bénéficiaires de ce service. 13 L’accent est mis sur le fait que les bénéficiaires, en vivant parmi des citoyens ordinaires, sont exposés à des conditions de vie et des comportements dits « normaux ».
Il existe d’autres modèles à travers les Etats-Unis qui utilisent l’appellation « Housing First », mais ils n’ont pas nécessairement recours à des logements de ce type. Certains services font usage d’immeubles entièrement dédiés au logement des bénéficiaires. Les conditions d’occupation sont les mêmes que dans des immeubles ordinaires, mais les locataires bénéficient tous de ce service. D’autres services « Housing First » ont à la fois recours à des appartements du secteur locatif privé répartis dans la ville et à des immeubles dédiés qu’ils possèdent ou qu’ils louent. 8 Pathways à New York a posé la question suivante : ces services sont-ils conformes à la philosophie « Housing First » ? Plus généralement, des inquiétudes sont émises au sujet des services d’aide aux sans-abri, dont certains ont adopté l’appellation Housing First tout en conservant un modèle évolutif, dans le but de continuer à percevoir les financements fédéraux, ou de leur Etat, réaffectés aux initiatives Housing First. 14 Pathways a commencé à proposer des tests de conformité avec le modèle original de service « Housing First » afin de limiter les descriptions incorrectes de « Housing First » faites par certains services américains d’aide aux sans-abri 15.
Une série d’essais contrôlés randomisés sur le modèle Pathways Housing First à New York a apporté des preuves d’efficacité suffisantes 16 pour justifier un éloignement des modèles évolutifs au niveau fédéral et une réorientation des financements en faveur des modèles Housing First. On peut observer une tendance similaire au niveau des Etats.
Une étude longitudinale sur deux ans, ayant fait l’objet de rapports fréquents par Sam Tsemberis de Pathways Housing First et par des collègues universitaires, a mis en évidence que le modèle Pathways Housing First permettait d’améliorer sensiblement la durée d’occupation d’un logement chez les sans-abri chroniques par rapport aux modèles évolutifs. Pathways Housing First appuie ses déclarations par le fait que 88% de ses bénéficiaires occupent toujours un logement après deux ans, comparés aux 47% d’un groupe de sans-abri chroniques, sujets de cette étude et bénéficiant de services évolutifs à New York. Dans l’ensemble, d’autres études américaines ont confirmé cette tendance : les modèles Housing First semblent fournir de meilleurs résultats que les modèles évolutifs pour sortir de façon prolongée les sans-abri de cette situation. 17
Des éléments semblent aussi indiquer que Housing First et d’autres modèles de logements assistés permanents (PSH) réduisent de manière significative les coûts engendrés par les sans-abri chroniques pour les autorités de l’Etat et fédérales. Les économies publiques ont été calculées en comparant l’utilisation de services publics par les sans-abri chroniques, par exemple les services médicaux d’urgence ou les contacts avec le système judiciaire, et ce, avant et après avoir bénéficié des modèles Housing First. Les modèles Housing First ont également des coûts de fonctionnement plus bas que les modèles évolutifs. Même en déduisant le coût des services Housing First, des économies sont réalisées. 8
Il n’existe aucune preuve fiable attestant que les modèles Housing First aux Etats-Unis entraînent une amélioration de la santé mentale ou une réduction de la consommation de drogues. Les modèles Housing First ont une démarche orientée vers la réduction des risques et, bien qu’étant tournés vers la guérison des problèmes de drogue ou d’alcool, ils n’ont pas pour objectif de mettre un terme à ces consommations, contrairement à beaucoup de modèles évolutifs. De la même manière, même si les modèles Housing First font appel à des équipes ACT pour traiter les problèmes psychiatriques, le rôle joué par le choix du consommateur implique l’absence d’obligation d’utiliser ce type de service. Même s’il apparaît que les modèles Housing First réduisent le nombre de sans-abri chroniques et, qu’ils semblent réduire les coûts engendrés pour la société par ces situations, ces modèles n’ont pas encore démontré qu’ils permettent de réduire de manière significative les problèmes psychiatriques, de drogue ou d’alcool. 18
Le succès des modèles Housing First aux Etats-Unis doit être envisagé de manière relative. Le modèle évolutif, qui reste très répandu aux Etats-Unis, mais qui semble en passe d’être remplacé par Housing First, a eu moins de succès en termes de sortie prolongée de la situation de sans-abri. Cependant, le modèle évolutif était aussi plus ambitieux car il avait pour but de traiter les problèmes psychiatriques et d’alcool ou de drogue, tout en préparant les sans-abri chroniques à vivre dans un logement. D’une certaine manière, la comparaison brute des modèles Housing First et évolutifs peut sembler injuste car ces services avaient des objectifs différents.
Même si la majorité des recherches américaines conclut de manière positive sur l’efficacité du modèle Housing First, le succès de ce modèle a aussi été contesté par certains chercheurs. Une série d’arguments se concentre sur les sans-abri souffrant de problèmes graves d’alcool ou de drogue, souvent décrits comme une « addiction sévère » par les chercheurs américains. Il apparaît que la proportion « d’addiction sévère » parmi les sans-abri chroniques et les adultes souffrant de problèmes psychiatriques graves pris en charge par le service de Pathways est relativement faible par rapport aux taux connus d’addictions sévères parmi les sans-abri chroniques. D’aucuns soutiennent aussi que certains services obligeant à suivre une cure de désintoxication obtiendraient de meilleurs résultats que Housing First auprès des sans-abri chroniques souffrant d’addiction sévère. 19
Les services Housing First ne sont généralement pas conçus pour fournir des solutions spécifiques en matière de réintégration sociale et économique. Bien que des modèles comme Pathways Housing First aient pour objectif général de participer au processus de « normalisation » de la vie de leurs bénéficiaires en leur permettant de vivre parmi des citoyens ordinaires, ils ne sont pas conçus pour obtenir certains résultats précis comme par exemple : éviter l’isolement social, encourager ou faciliter l’accès à l’éducation, à la formation ou à l’emploi. Il apparaît que certains bénéficiaires sont socialement isolés. Rien ne semble montrer que les modèles Housing First encouragent les sans-abri chroniques à s’engager dans une démarche d’éducation, de formation ou de travail rémunéré, même s’il convient de remarquer que ce n’est pas une question traitée dans les travaux existants.
Certaines failles ont été identifiées. Les moyens de gestion des risques, par exemple en s’assurant de limiter le danger qu’une personne peut représenter pour elle-même, sont rarement examinés dans les évaluations de Housing First. 16
La rigueur méthodologique des essais contrôlés randomisés de Pathways Housing First et d’autres modèles centrés sur le logement a aussi été remise en cause. 20 Un rapport récent a indiqué qu’il n’existait aucune donnée fiable sur l’efficacité des services d’aide au logement pour les personnes atteintes de maladies psychiatriques graves. 21 Certains chercheurs américains sont plus hésitants au sujet de la qualité et de l’étendue des éléments probants concernant le rapport coût-efficacité du Housing First même si, de l’avis général, ce modèle représente une alternative plus économique. 22 Cependant, il est important de remarquer que le Ministère fédéral de la santé et des services à la personne considère maintenant le modèle Housing First comme un modèle fondé sur des données probantes.
La France a adopté une démarche Housing First dans son chantier national 2008-2012 pour l’hébergement et l’accès au logement des personnes sans-abri ou mal logées. 23 Un certain nombre de pays européens suivent le même chemin, par exemple la Finlande 24 et le Danemark, 25 tandis que la Suède examine le modèle Housing First 26 et que cette approche est également envisagée au Royaume-Uni. 27
Il faut bien distinguer l’utilisation de Housing First comme un service spécifique destiné à une catégorie spécifique de sans-abri et l’adoption d’une approche « Housing First » au sens plus large. L’appellation « Housing First » peut parfois être employée comme la description rapide d’une politique d’aide aux sans-abri mettant l’accent sur leur accès immédiat à un logement, par opposition à l’utilisation de services évolutifs parallèlement à des hébergements d’urgence.
C’est au Royaume-Uni que l’on trouve le plus d’exemples de services d’aide aux sans-abri qui placent ces derniers dans des logements ordinaires et utilisent ensuite des services d’aide à domicile pour les assister dans l’entretien de leur nouveau logement. Ces services britanniques sont proches des services Housing First dans le sens où ils ne fonctionnent pas comme un modèle évolutif et n’exigent pas des sans-abri qu’ils franchissent plusieurs étapes pour accéder à un logement cependant, ils diffèrent du modèle Housing First américain par plusieurs aspects clé. 28 Housing First n’attend pas de ses bénéficiaires qu’ils cessent de consommer de la drogue, ou que les traitements psychiatriques à disposition soient suivis, ni qu’ils s’engagent dans une démarche d’éducation, de formation et, le moment venu, de recherche d’un emploi fixe. Contrairement à ce principe, beaucoup de services britanniques attendent des sans-abri qu’ils utilisent les services de santé et de désintoxication et qu’ils cherchent un emploi, rémunéré si possible, ce qui constitue une différence importante de philosophie de fonctionnement. Etre centré sur le logement et placer les sans-abri directement dans des habitations ordinaires peut représenter une adhésion partielle plutôt que totale au concept « Housing First » américain.
L’une des questions clé de l’utilité du modèle Housing First américain pour la France concerne l’acceptabilité de ses objectifs auprès des décisionnaires français et de la population. Aux Etats-Unis, Housing First se fixe des objectifs limités : stabilité de logement et réduction des risques si possible, le tout en faisant appel à un modèle qui exige relativement peu de la part de ses bénéficiaires. Ainsi, Pathways Housing First à New York demande uniquement à ses bénéficiaires de consacrer 30% de leurs revenus au paiement du loyer, de respecter les conditions d’occupation et de se réunir avec l’équipe d’aide une fois par semaine. Nous l’avons décrit ci-dessus, cette démarche a été choisie en réponse aux nombreuses critiques formulées aux Etats-Unis selon lesquelles le modèle évolutif en demandait trop aux sans-abri, ce qui expliquait son échec.
Cependant, certains universitaires américains remettent en cause le « succès » affiché par Housing First, suggérant qu’il est peut-être trop limité. Bien que les taux de conservation de logement par les bénéficiaires de Pathways Housing First à New York soient très impressionnants, tout comme le coût relativement réduit de ce service, son succès n’est pas sans réserve. Malgré l’impression de sécurité procurée par leur logement, il apparaît que les bénéficiaires de Pathways Housing First peuvent être socialement isolés, économiquement inactifs et avoir le sentiment de ne pas appartenir réellement à la société dans laquelle ils vivent. 29 Ceci vient s’ajouter aux informations laissant penser que Housing First n’a qu’un impact marginal sur les problèmes de drogue ou d’alcool, sur la santé psychiatrique, ainsi qu’aux questions portant sur la proportion de toxicomanes sévères pris en charge par les services Housing First ayant fait l’objet d’essais contrôlés randomisés.
Le soutien du Gouvernement fédéral aux services Housing First est dû à l’existence d’une population de sans-abri chronique pour laquelle le modèle Housing First peut être bénéfique. C’est pourquoi la question de l’utilité des services Housing First en France est centrée sur l’importance de la population de sans-abri chroniques.
On pourrait s’attendre à ce que les sans-abri chroniques soient plus nombreux aux Etats-Unis car les services de soins psychiatriques, de désintoxication ainsi que les prestations sociales sont moins étendus et moins accessibles que leurs équivalents en France. D’ailleurs, tout laisse penser que la proportion de sans-abri en général est inférieure en France. 27
Cependant, des recherches récentes menées en France suggèrent que certains citoyens sont exclus du fonctionnement du système social. Ainsi, il apparaît que les critères d’accès à un logement social en France pourraient avoir une influence sur la composition de la population de sans-abri, dans la mesure où certaines personnes ou certaines catégories ont moins de probabilité d’y accéder. 30 Des recherches françaises sur la prévalence de l’absence de logement au cours d’une vie ont établi un lien entre la situation de sans-abri à l’âge adulte et avoir connu une enfance perturbée, être un homme seul, sans relation, avoir des problèmes de santé et un faible niveau scolaire. 31 Toutes ces caractéristiques ont aussi été associées à la situation de sans-abri aux Etats-Unis. Il est possible qu’une population de sans-abri chroniques existe en France, au moins dans une certaine mesure, mais une étude longitudinale à grande échelle serait nécessaire pour confirmer sa véritable nature et son étendue.
Bien que des recherches américaines plus récentes mettent souvent l’accent sur le rôle des facteurs structurels dans la causalité de la situation de sans-abri, ces travaux s’intéressent aussi aux caractéristiques, aux besoins et aux expériences des sans-abri chroniques qui diffèrent de ceux des citoyens américains ordinaires. Se concentrer en grande partie sur des caractéristiques individuelles pour « expliquer » des problèmes sociaux va à l’encontre de la tradition française en matière de recherche sociale puisque celle-ci rejette les explications centrées sur ce type de caractéristiques pour leur préférer des interprétations plus complexes et nuancées sur la manière dont des groupes comme les sans-abri sont mis en corrélation avec la société au sens large. 32 Certaines interrogations peuvent être émises concernant la place d’un service comme le dispostif Housing First, qui cible une population largement définie par des caractéristiques individuelles pour lui fournir un service centré sur des caractéristiques individuelles, au sein de débats sur une ligne de conduite plus générale. Cette question concerne la mesure dans laquelle les services Housing First favorisent la réintégration des sans-abri chroniques dans la société au sens large, par rapport à l’idée de sortir de la rue des personnes vulnérables et de réduire ainsi les coûts directs et indirects engendrés par la situation de sans-abri chroniques.
Enfin, étant donné que Housing First est conçu pour fonctionner dans un contexte très spécifique, quelles incidences cela peut-il avoir dans un sens plus large ? Un examen récent de la transférabilité du dispositif Housing First, a soulevé des inquiétudes concernant l’application en l’état de ce modèle de service américain à l’Europe, où les systèmes sociaux sont différents. 27 Ainsi, il existe des arguments très convaincants pour procéder à des essais rigoureux des services Housing First, afin de s’assurer que ce modèle convienne bien à la France, avant de le déployer à grande échelle.
Ceci établit un lien avec le dernier point qui traite de l’ampleur du rôle que doivent jouer les services Housing First pour répondre au problème des sans-abri. Selon des commentateurs américains, les modèles Housing First devraient remplacer l’ensemble des services destinés aux sans-abri chroniques, en commençant par les services de modèles évolutifs, jusqu’au secteur des hébergements d’urgence. 8 D’autres commentateurs américains considèrent le programme Housing First comme un moyen d’améliorer la situation des sans-abri, mais en tant que composant d’une stratégie plus large incluant des travailleurs sociaux de proximité, des logements sociaux soutenus par l’Etat et de véritables programmes de réinstallation à destination de personnes sortant de prison, d’hôpital psychiatrique ou d’autres institutions et présentant un risque élevé de devenir sans-abri. 33
Le modèle de service Housing First ne peut fournir une réponse unique et simple au problème des sans-abri en France. La réponse globale que peut fournir Housing First à la situation de sans-abri est limitée car il n’est pas conçu pour fonctionner avec tous les sans-abri. Au contraire, il cible principalement la catégorie minoritaire des sans-abri chroniques. Cependant, le programme Housing First peut apporter une alternative viable et moins coûteuse aux modèles de services évolutifs ou en escalier, et qui donne de meilleurs résultats en matière de sortie à long terme de la situation des sans-abri. Par ce seul résultat, le modèle Housing First mérite d’être très sérieusement envisagé comme un des moyens permettant de régler le problème des sans-abri en France.
Les Etats-Unis 8 et le Royaume-Uni 33 permettent de constater que garantir l’accès à un logement convenable et à loyer modique en tant que réponse d’urgence à toutes les formes que peut prendre la situation de sans-abri représente un principe général sensé. Bien que les hébergements d’urgence fournis par les institutions puissent jouer un rôle auprès de certains groupes de sans-abri, ils ne sont pas aussi efficaces en tant que solution à long terme qu’une politique centrée sur l’accès rapide à un logement convenable.