header logo image
  • à propos
    • Qui sommes-nous ?
    • Membres
    • Charte et Statuts
  • Thèmes
  • Agenda
    • Agenda
    • Événements passés
  • Formations
    • La formation au GREA
    • Formations
    • Formations passées
  • Projets
  • Publications
    • Édito
    • Actualités
    • Dépendances
    • Addiction(s) : recherches et pratiques
    • GREA TV
    • Documents de référence
    • Publications GREA
    • Communiqués de presse
    • Dans les médias
    • Rapports annuels
  • Plateformes
  • search
  • Devenir membre
  1. Page d’accueil
  2. Dépendances
  3. Dépendances 52
  4. Et si les drogues étaient en réalité bien moins addictives qu’on ne le pense ?

Les états modifiés de conscience
Jean-Dominique Michel (anthropologue de la santé, formateur, Genève)
Et si les drogues étaient en réalité bien moins addictives qu’on ne le pense ?
Interview de Carl Hart par François Roulet
Place des thérapies basées sur « un état de conscience modifié » dans le champ des addictions
Jean-Marie Coste (responsable thérapeutique au Drop-in, Neuchâtel)
Hypnose et addiction
Dr Gérard Salem ( directeur et formateur à Consyl, Lausanne)
L’application des interventions basées sur la pleine conscience dans le domaine des addictions
Daniela Dunker Scheuner et Valérie Rossier (DP-CHUV, Lausanne)
Psychothérapie et médication psychotrope : qu’est-ce qui fait que nous ne sommes pas des dealers ?
Jeorge M. Riesen (superviseur DAS en TCC)
Les hallucinogènes dans la thérapie des addictions
Dr. med. Robert Hämmig (Société Suisse de Médecine de l’Addiction)

Dépendances 52 - Les états « modifiés » de consciences: Et si les drogues étaient en réalité bien moins addictives qu’on ne le pense ?

juin 2014

Et si les drogues étaient en réalité bien moins addictives qu’on ne le pense ?

Interview de Carl Hart par François Roulet

Durant des années, il a eu le sentiment de prêcher dans le désert. Aujourd’hui, il fait salle comble partout où il est invité à présenter ses recherches. Carl Hart y voit le signe d’une évolution des mentalités sur la question des drogues, y compris dans son pays, les Etats-Unis, fer de lance de la prohibition. Car ses travaux remettent en cause bon nombre de certitudes. A commencer par le fait que les drogues sont rarement aussi addictives qu’on a bien voulu le penser. Hart en veut pour preuve ses recherches en laboratoire effectuées sur des…humains. Des études menées durant plusieurs semaines avec des consommateurs de crack ou de méthamphétamines qui montrent que leur comportement est avant tout rationnel. Ainsi, lorsqu’on leur offre des alternatives (financières en l’occurrence), les usagers diminuent drastiquement leur consommation. Dans son dernier ouvrage, High Price, Hart mêle constats scientifiques et éléments autobiographiques. Il y raconte donc l’histoire d’un afro-américain qui, avant d’être professeur d’université, a grandi dans les quartiers pauvres de Miami, côtoyant tous les jours le monde de la rue, du deal et de la consommation de drogues. Son histoire.

Vous affirmez qu’en matière de drogue, la science, les autorités politiques et, par conséquent, la société ont commis beaucoup d’erreurs au cours des dernières décennies. Qu’avons-nous fait faux ?

Les erreurs ont été et demeurent si nombreuses qu’il serait impossible de toutes les énumérer. Prenons l’exemple de la science. Des données mal interprétées ont eu une influence considérable sur les politiques publiques. En science, nous concentrons notre attention sur les effets négatifs associés aux drogues. En partie parce que ceux qui nous financent, attendent que l’on décrive les conséquences néfastes de l’usage de psychotropes. Or, en tant que bon scientifique, je ne peux pas me satisfaire de cette mission. Il faut considérer l’ensemble des effets et des comportements liés à la consommation, sans a priori.

Attention, il est nécessaire de décrire les effets négatifs des drogues mais le problème est qu’à force de ne décrire et de n’étudier que cela, les gens finissent par penser qu’il s’agit du seul impact des psychotropes. Or les drogues ont beaucoup d’autres effets, bien plus nombreux que ceux sur lesquels les chercheurs concentrent communément leur attention, qui sont en réalité minoritaires. En procédant ainsi, vous ne pouvez pas comprendre, ni appréhender la problématique des drogues dans sa globalité.

En mettant l’accent sur les effets négatifs des drogues, la science accorde une légitimité à la politique de prohibition…

Oui. Pour les politiciens, il est plus simple de dire : « Les drogues sont mauvaises c’est pourquoi nous allons punir sévèrement les infractions en matière de drogue et nous allons bannir la drogue de nos sociétés. » Non. Les drogues ne sont pas mauvaises. Elles ne sont pas bonnes non plus. C’est plus compliqué que cela. Mais c’est beaucoup plus difficile pour les politiciens de dire : « Nous allons nous assurer que les citoyens auront du travail, des compétences, nous allons nous assurer que la société sera bénéfique à l’épanouissement de l’être humain. »

Vous considérez que la recherche s’est trop longtemps concentrée sur les effets négatifs des drogues. Diriez-vous pour autant qu’elles ont des effets positifs ?

Absolument. Mais vous n’avez pas besoin de moi pour savoir cela. Les usagers ne se drogueraient pas s’il n’y avait pas d’effets positifs associés à la consommation. Pensez aux amphétamines. Elles sont prescrites pour régler les déficits d’attention. Elles aident à la concentration. Elles vous maintiennent éveillés si vous êtes fatigué. L’héroïne, quant à elle, offre à certains le meilleur sommeil qu’ils aient jamais connu. Elle permet de stopper des diarrhées. Toutes les drogues dont nous parlons ont des effets positifs sinon elles ne seraient pas utilisées.

Les neurosciences occupent désormais une position très importante dans la recherche scientifique en matière de drogues et d’addiction. Que faut-il en attendre ?

Le recours aux explications de type neuroscientifique s’est indiscutablement accru au cours des dernières années. Il s’est accru notamment parce que le fait de comparer des images de cerveaux est terriblement « sexy » et attrayant. Les neurosciences ont clairement un rôle important à jouer pour comprendre l’effet biologique des drogues et décrire les mécanismes cérébraux à l’œuvre dans la dépendance. Mais elles posent un certain nombre de problèmes. En effet, nous pensons à tort que les scanners et radiographies du cerveau nous disent quelque chose du comportement. Or il n’en est rien. Ces images cérébrales représentent un fait et non des données. Les auteurs les interprètent pourtant comme des données et c’est dangereux, parce que cela conduit à simplifier à l’extrême un phénomène complexe.

Avez-vous des exemples de ces interprétations abusives ?

J’ai rédigé une synthèse critique des recherches en imagerie cérébrale sur les méthamphétamines. Des neuroscientifiques ont comparé des cerveaux de consommateurs et de non-consommateurs. L’imagerie montre une différence. Les chercheurs ont interprété cela comme étant un trait pathologique, un horrible effet de la drogue. En réalité la différence n’est pas une pathologie. La différence est juste… une différence. Elle ne conduit pas d’office à des comportements pathologiques. Or elle a pourtant été interprétée comme telle dans le champ neuroscientifique. Nous devons donc nous assurer que la recherche se concentre sur l’essentiel : le comportement. Nous voulons savoir comment les gens se comportent dans les faits. Est-ce qu’ils évoluent selon un fonctionnement cognitif normal ? Est-ce qu’ils paient des impôts ? Est-ce qu’ils font ce que l’on attend communément des gens responsables dans nos sociétés ? Voilà ce qui compte.

Vos études en laboratoire montrent que, lorsqu’ils sont confrontés à des alternatives, les usagers réduisent leur consommation. Vous utilisez pour cela des incitations financières. Dans la réalité, quelles sont ces alternatives ? Quels outils peuvent prévenir l’addiction ?

L’un des symptômes de l’addiction, selon le DSM, consiste à surinvestir un comportement, en terme de temps et de ressources, au détriment d’autres comportements sociaux. Pour prévenir cela, il faut donc s’assurer que les gens sont bien intégrés à la société. S’assurer qu’ils travaillent, qu’ils ont des compétences, qu’ils ont des conditions de vie appropriées et des opportunités d’être des membres à part entière de la société. Ce sont des éléments importants que l’on a parfois tendance à oublier lorsque l’on parle d’addiction et de prévention.

L’addiction serait donc plus le symptôme que la cause d’un problème ?

Il est compliqué de comprendre pourquoi quelqu’un s’engage dans la conduite répétée d’un comportement que nous, en tant que société, jugeons inapproprié. Parfois nous y apposons donc des jugements de valeur. Mais ces jugements limitent notre compréhension de ces comportements. Si l’on analyse sans jugement de valeur, on s’aperçoit que l’addiction a peu à voir avec la drogue elle-même mais qu’elle résulte d’autres problèmes : traumatismes, maladies psychiatriques, misère sociale, solitude.

Vos recherches montrent d’ailleurs que, contrairement aux idées reçues, réduire ou cesser sa consommation de drogue n’est, dans la plupart des cas, pas si difficile…

Oui. Nous parlons toujours des drogues comme si elles étaient spéciales. Comme si la cocaïne, l’héroïne ou les amphétamines étaient, en tant que telles, particulièrement addictives. Les drogues ne sont pas spéciales. Lorsque vous réalisez que la plupart des gens qui consomment ces drogues ne sont pas dépendants et qu’ils n’ont pas de problèmes, vous comprenez que ces drogues ne sont pas spéciales. En fait, si elles ne sont pas spéciales et que la plupart des consommateurs ne souffrent pas d’addiction, cela doit nous permettre d’apporter un autre éclairage sur les gens qui sont dépendants et qui en souffrent. Cela peut offrir une meilleure compréhension des mécanismes de l’addiction. Les causes sont multiples. Certains manquent d’alternatives et d’options dans leur vie, d’autres ont des troubles psychiatriques. Il y a en fait un très large éventail de raisons pour lesquelles les gens deviennent dépendants à la drogue mais, encore une fois, beaucoup de ces raisons ont très peu à voir avec les drogues elles-mêmes. Et nous, en tant que société, nous ferions bien d’essayer de comprendre pourquoi tel individu est accro à peu importe quelle substance plutôt que de lutter contre la drogue en tant que telle. Car cette politique est absurde. Imaginez que l’on dise « Des gens ont eu des problèmes avec leur voiture, ils ont conduit dangereusement et ont eu des accidents : interdisons les voitures ! » Voilà comment nous nous comportons vis-à-vis des drogues depuis des décennies.

Pourquoi est-il si difficile de faire évoluer les mentalités sur cette question ?

Il est difficile de changer la perspective des gens sur la question parce que l’on assiste à des discussions sur la drogue nourries par l’ignorance et l’hystérie plutôt qu’à des échanges qui laissent les évidences scientifiques dicter nos positions.

Ignorance, hystérie…vous y allez fort non ?

Non. Aux Etats-Unis, nombreux sont ceux qui pensent encore que nous pouvons éradiquer les drogues. C’est le credo d’associations comme Drug Free America (Amérique sans drogue). Je ne connais pas de croyance plus ridicule que celle-ci. Il n’y a jamais eu une Amérique sans drogue, ni une société sans drogue et il n’y aura jamais un monde sans drogue. Il s’agit d’un slogan politique vide de sens, d’une ineptie insultante et frustrante pour quelqu’un comme moi qui réfléchit et travaille sur ces questions. Le problème est que ce type de slogan guide souvent les choix politiques, y compris ceux de politiciens très intelligents. Nous en payons le prix, tous les jours.

Votre livre s’appelle d’ailleurs High Price (Prix Elevé). De quel prix s’agit-il et qui le paie ?

Ce prix comporte plusieurs composantes, car nous sommes nombreux à le payer. Mon livre est en partie autobiographique. Une manière de signifier que je paie aussi un peu ce prix. Je le paie pour parler de drogues librement et honnêtement. Les positions que je défends ne sont pas populaires, surtout dans mon domaine de recherche. Elles vont aussi à l’encontre de la politique américaine en matière de drogue. Le prix de mon discours et de mes recherches se traduit par une forme d’ostracisme.

D’autres paient un prix bien plus élevé. Ce sont les consommateurs de drogue. Qu’ils en usent ou abusent. Les usagers non dépendants paient le prix car ils sont identifiés comme des drogués même s’ils sont intégrés dans la société. Ils sont stigmatisés. Les « addicts » paient un prix élevé aussi car ils sont mal renseignés sur les produits et sur les conditions d’utilisation. Nous devrions les informer. Par exemple, la très grande majorité des overdoses d’héroïne résultent d’un mélange avec l’alcool. Ce serait très utile de les tenir au courant et de leur conseiller d’éviter de mélanger les deux produits. Ils paient un prix élevé parce que, pour des raisons morales, nous ne leur avons pas appris à bien utiliser les drogues.

L’éducation est donc fondamentale…

Oui. C’est la clé pour protéger la société. Qu’il s’agisse de consommation de drogues, de conduite automobile ou de comportements sexuels. Si vous expliquez, de façon réaliste, quelles sont les bonnes pratiques, quels sont les risques, alors vous pouvez accroître la qualité de vie de l’ensemble de la société. Mais nous avons complètement échoué en matière d’éducation aux drogues.

Pourquoi ?

À cause de cette croyance irrationnelle selon laquelle si vous procédez à une éducation réaliste sur les drogues, vous encouragez les gens à consommer, à essayer. Bref, vous faites la promotion des drogues. Il faut se souvenir que cet argument était aussi en vogue à l’époque pour lutter contre l’éducation sexuelle chez les adolescents. Aujourd’hui, plus grand monde ne remet en question la nécessité d’une éducation réaliste à la sexualité. En matière de drogues, nous n’en sommes pas encore là. Le discours envers les adolescents reste largement fondé sur la peur, qui n’est pourtant pas un outil d’éducation.

On a tout de même l’impression que l’approche pragmatique et réaliste que vous défendez gagne du terrain. Peut-être même plus rapidement qu’on ne le croit ?

Oui, c’est clair. Nous sommes dans un moment inédit car jamais la possibilité de faire évoluer la politique de prohibition n’a semblé aussi réaliste. Vous pouvez le voir en Uruguay qui vient de réguler la marijuana.

Les gens commencent à comprendre l’hypocrisie d’une démarche qui insiste uniquement sur les dangers des drogues. Il est plus difficile désormais de mentir à un jeune en lui disant comme à l’époque : « si tu fumes de la marijuana, tu vas devenir fou et tuer tes parents ! » Attention, je ne dis pas que les drogues n’ont pas potentiellement des effets horribles et dangereux, car elles en ont, mais vous ne pouvez plus exagérer ces effets comme par le passé. Nombreux sont ceux qui vous croiront encore si vous exagérez les effets de l’héroïne, de la cocaïne ou des amphétamines mais ce n’est plus possible avec le cannabis. Et j’espère qu’on en arrive à un point où l’on ne pourra plus non plus exagérer les effets de l’héroïne, de la cocaïne et des amphétamines. Je suis plutôt confiant car nous sommes dans un moment, dans une période, où les gens, y compris les politiciens, sont à l’écoute des évidences en matière de drogue.

52_2_Et-si-les-drogues-etaient-en-realite-bien-moins-addictice-quon-ne-le-pense_Hart_Dependances_2014.pdf
chevron_left Article précédentArticle suivant chevron_right

    Recevez les infos du GREA

    Rue Saint-Pierre 3
    1003 Lausanne
    • +41 24 426 34 34
    • info@grea.ch
    • Actualités
    • Charte et Statuts
    • Devenir membre
    • Offres d’emploi
    • Location de salles
    • Communiqués de presse
    • Dans les médias
    • Politique de confidentialité
    • Contacts

    Design CREATIVES - Développement web FFLOW agency