décembre 1998
LA PRÉVENTION: à l’instar de M. Jourdain, tout le monde en fait sans le savoir. Cependant, de l’empirique au professionnalisme, la démarche se complexifie, s’enrichit de nouvelles terminologies, de nouveaux enjeux, de regards différenciés. Selon qu’on pratique la prévention en tant que médecin, travailleur social, psychologue, pédagogue, parent, personnalité politique, l’action prend un sens différent. Prévenir, c’est tour à tour anticiper, prévoir, informer, mettre en garde, sensibiliser, moraliser, normaliser, empêcher, apprendre à gérer, dépister, prendre en charge, etc.
A l’heure où la prévention cherche à acquérir ses lettres de noblesse en même temps qu’elle semble quelque peu récupérée par des milieux politiques en mal d’actions positives, il nous paraît nécessaire de consacrer un numéro de « dépendances » à cette thématique. Unefois de plus, impossible en une trentaine de pages de tout dire, ni même d’en rester à l’essentiel …
Nous avons dès lors choisi de laisser s’exprimer des professionnels qui pratiquent la prévention, afin qu’ils nous en donnent un éclairage pragmatique, directement transposable par d’autres dans leurs activités.
La réflexion est néanmoins toujours présente, démontrant à l’évidence que ce domaine est en constante évolution, qu’aucune recette miracle n’existe vraiment. Quelles que soient les approches préventives présentées, toutes, après avoir mis l’individu au centre des préoccupations, orientent une part de leur action sur son environnement social, culturel, politique, économique. Chacun constate alors qu’il y aurait beaucoup à faire dans ce domaine pour améliorer la qualité de vie des individus. Et c’est là que le bât blesse! Notre société porte en elle de nombreux facteurs de risques, de fragilisation, de déstabilisation, toutes choses qui peuvent pousser des personnes à entrer dans des comportements de consommation de substances psychotropes.
Si les milieux politiques voulaient vraiment prendre des mesures de prévention efficaces, c’est ici qu’ils devraient investir: dans une politique sociale soutenant les familles, dans une politique scolaire qui évite la compétition, en militant pour un monde professionnel qui vise aussi à la qualité de vie au travail et pas seulement au profit, dans une politique de protection de la jeunesse cohérente, dans …
Arrêtons là l’utopie! regardons froidement la réalité et poursuivons nos efforts pour donner à chacun les moyens de faire face à une société qui ne fait pas de cadeaux aux plus faibles, pour renforcer les individus, les soutenir.
Prévention sparadrap donc, pour une société qui a mal à son éthique.
Michel Graf (ISPA)