décembre 2000
Luc Chabot, M.Ed., I.C.A.D.C., Directeur des programmes d’études en toxicomanie, Université de Montréal
Au début des années 70, les travaux de la Commission Le Dain ont suscité un vigoureux débat au Québec sur la consommation des drogues et ils ont produit un résultat concret: la création, dans chaque région de cette grande province, de centres publics de réadaptation offrant gratuitement des soins aux toxicomanes. Très vite, des besoins de validation et de perfectionnement ont émergé. C’est dans ce contexte que deux professeurs de l’Université de Montréal, Madame Louise Nadeau, une pionnière de la recherche dans le domaine des toxicomanies, et Madame Marie-Andrée Bertrand, criminologue et membre de la Commission Le Dain, ont créé le premier certificat en addictologie pour intervenants de première ligne au monde en 1978.
Depuis, ce programme a fait l’objet de trois révisions importantes, dont l’une, il y a dix ans, a permis de développer un complément nécessaire au volet de la prise en charge, le volet prévention. À ce jour, plus de 4000 professionnels ont été certifiés. Ils proviennent de tous les horizons concernés par les toxicomanies: infirmières, policiers, enseignants, travailleurs sociaux, jeunes diplômés en psychoéducation ou en criminologie, intervenants de terrain…
La diversité du personnel en formation reflète bien la volonté de qualifier des intervenants de première ligne en contact direct avec le public sur leur lieu de vie. L’axe directeur de la formation est celui de la promotion de la santé au sens de la Charte d’Ottawa (OMS 1986):
C’est donc la personne qui est au centre des préoccupations et non la dépendance. L’approche des conduites addictives est ici démédicalisée et se veut bio-psycho-sociale, pour acquérir une compréhension globale des problèmes. L’intervention intègre les pratiques de la santé communautaire, c’est-à-dire qu’elle demeure centrée sur la participation des personnes à toutes les étapes allant de la prévention à la réadaptation vers la réinsertion. Nous ne formons pas des «soignants» au sens médical du terme, mais des intervenants capables à la fois:
Pour que l’intervenant puisse exercer toutes ses compétences, le programme du certificat en toxicomanie de l’Université de Montréal propose plusieurs types d’apprentissage:
Tous les intervenants formés par l’Université de Montréal sont actifs dans les principales structures du Québec et constituent un réseau solide. Cette formation, qui, au fil des ans, a permis de standardiser des pratiques professionnelles, a favorisé un certain nivellement des standards dans l’agir professionnel auprès des personnes souffrant de toxicomanie.
Cette réalité de l’addictologie est un problème mondial, il devient donc nécessaire aujourd’hui d’offrir une dimension internationale à la formation. C’est pourquoi la Faculté d’éducation permanente développe maintenant des partenariats avec la France, la Suisse et la Martinique. L’Université catholique de Lille a donc mis en place un diplôme interuniversitaire international en prévention et en prise en charge des conduites de dépendance. Cette formation permet aux étudiants français de suivre les cours à distance provenant du certificat en toxicomanie de l’Université de Montréal. Cette université a donc également, à la lumière de l’expérience canadienne, effectué un virage technologique et mis en place plusieurs productions qui lui sont propres.
Un programme de 200 heures en comorbidité (santé mentale et toxicomanie) est donné depuis peu en Martinique par des intervenants de l’Université de Montréal et des professeurs et professionnels antillais.
À Lausanne, le programme s’est également développé en partenariat avec les centres de traitement Les Olivers et Le Levant. La formation proposée s’est inspirée du profil et du cadre pédagogique de l’Université de Montréal, mais ce sont majoritairement des enseignants et des professionnels de la santé suisse qui offrent le support de formateur. L’optique de ces partenariats est toujours de reconceptualiser la formation dans son cadre et de permettre aux aspects théoriques de se marier, de se jumeler à ce qui est présent sur le terrain. Des projets pour de nouveaux partenariats sont en cours avec d’autres pays. Ainsi, peu à peu, une plateforme mondiale mettant en réseau l’intersectorialité et le partage des meilleures pratiques au profit des populations les plus fragilisées, se développe. Ces 22 années d’expérience, d’essais, d’erreurs, et d’efforts constants pour mettre à profit une intervention efficace dans ce champ de pratique, permettent, aujourd’hui, de favoriser l’impact et la résonance d’actions concertées en toxicomanie au Québec et dans les pays francophones.
Peut-on réellement, dans un domaine aussi complexe que celui dans lequel nous évoluons, se permettre d’autres choix que des intervenants de première ligne compétents et efficaces?