Jeux d’argent

Les jeux de hasard et d’argent peuvent être définis comme toute activité impliquant une mise d’argent ou d’un bien, dont l’issue laisse espérer un gain et est déterminée en partie ou exclusivement par le hasard. En Suisse, l’offre concerne principalement les casinos, les jeux de table (poker, blackjack), les loteries et les paris sportifs.

Si le jeu peut être une activité amusante, ses caractéristiques en font un produit addictif. L’addiction aux jeux d’argent implique de nombreuses conséquences graves sur la vie des personnes concernées. Cette activité nécessite une réglementation qui tienne compte de la sécurité des joueuses et des joueurs.

L'addiction au jeu

Le trouble lié au jeu d’argent, ou dépendance aux jeux d’argent, est un trouble psychique reconnu par l’Organisation Mondiale de la Santé. Le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM 5, ouvrage de référence mondial de la psychiatrie sur les troubles psychiques) classe cette dépendance dans la section des troubles addictifs, au même titre que l’alcool ou les drogues. Selon le DSM 5, le trouble lié au jeu d’argent peut être défini comme une « pratique inadaptée, persistante et répétée du jeu d’argent conduisant à une altération du fonctionnement ou une souffrance, cliniquement significative ».

Une pratique de jeu d’argent risquée se traduit notamment par :

  • L’envie de miser des sommes toujours plus importantes
  • L’envie de jouer lorsque l’on ne va pas bien
  • Le fait de jouer pour tenter de récupérer l’argent que l’on a perdu
  • Le fait de jouer avec de l’argent emprunté à ses proches
  • Le fait que le jeu commence à prendre plus de place que d’autres activités ou obligations, comme les études, le travail, les relations avec les proches ou d’autres loisirs.

En Suisse et selon la dernière Enquête suisse sur la santé (ESS 2022), 4,3% de la population est concernée par un comportement de jeu à risque ou pathologique, soit près de 350’000 personnes. Les jeunes (15-24 ans) sont deux fois plus concerné·e·s que les adultes.

Avec la digitalisation croissante des jeux, leur disponibilité illimitée, leur marketing agressif, leur hybridation avec les jeux vidéo et des cadres légaux insuffisants, les jeux de hasard et d’argent sont aujourd’hui considérés comme une menace majeure en termes de santé publique, comme l’indiquait la Lancet Public Health Commission on Gambling dans une méta-analyse internationale publiée fin 2024.

Le marché des jeux d'argent en Suisse

En Suisse, le contour du marché des jeux d’argent est défini dans l’art. 106 de la Constitution fédérale :

  • Les casinos doivent obligatoirement obtenir une concession de la Confédération pour ouvrir. Ils paient un impôt qui est entièrement affecté à l’assurance vieillesse et survivants (AVS).
  • L’autorisation et la surveillance des jeux de loterie et paris sportifs sont du ressort des cantons. Les bénéfices de ces jeux doivent intégralement être affectés à des buts d’utilité publique (culture, social, sport).

Ces principes sont ensuite précisés dans la Loi fédérale du 29 septembre 2017 sur les jeux d’argent (LJAr). Cette loi, entrée en vigueur en 2019, a introduit plusieurs nouveautés dans le marché des jeux d’argent, dont :

  • Les casinos peuvent désormais demander une extension de leur concession pour l’exploitation de jeux en ligne
  • À l’inverse, tous les jeux en ligne non autorisés doivent maintenant être bloqués et donc inaccessibles depuis la Suisse, au moyen du blocage DNS, qui utilise l’adresse IP des internautes.
  • Les jeux de loteries sont pour la plupart interdits aux mineur·e·s. Les gains sont défiscalisés.
  • Les tournois de poker en dehors des casinos sont libéralisés, sous réserve d’une autorisation cantonale.

Actuellement, la Suisse compte 21 casinos terrestres, dont 10 exploitent un site de jeu en ligne. Pour la période de 2025 à 2044, le Conseil fédéral a augmenté le nombre de concessions disponibles de 21 à 23, considérant dans un rapport publié en mars 2022 que des marchés étaient encore exploitables dans les régions de Lausanne et de Winterthour. Un nouveau casino terrestre devra donc prochainement ouvrir ses portes dans la commune de Prilly. De même, 2 nouvelles concessions pour des jeux en ligne ont été octroyées, portant l’offre de jeu sur internet de 10 à 12 sites. Le secteur est surveillé par la Commission fédérale des maisons de jeu (CFMJ).

Concernant les jeux de grandes envergures (loteries et paris sportifs), deux sociétés de loterie disposent chacune d’un monopole régional. En Suisse romande, la Loterie romande est la seule autorisée à exploiter des jeux de tirage, grattage, paris hippiques et sportifs ou encore de loterie électronique. En Suisse allemande et au Tessin, c’est Swisslos qui bénéficie du monopole. L’autorité de surveillance est la gespa.

La Suisse figure ainsi parmi les pays au monde où l’offre de jeu est la plus dense

Chiffres clés

Pour la première fois de l’histoire, en 2022, le marché des jeux d’argent suisse a passé le cap des 2 milliards de produit brut des jeux. Le produit brut des jeux (PBJ) représente le total de l’argent misé par les joueuses et les joueurs, moins leurs gains. En d’autres termes, il s’agit la perte nette de la population dans les jeux d’argent.

  • En 2023, le produit brut des jeux s’est élevé 2,068 milliards de francs. Cela représente 1’158 millions de francs issus des deux loteries (420 millions de la Loterie romande et 738 millions de Swisslos) ainsi que 909 millions issus des casinos.
  • À titre de comparaison, les cantons n’ont reçu que 5,8 millions de francs la même année pour financer leurs activités de prévention et de traitement du jeu excessif, soit 0,3% du PBJ.
  • Les plateformes de casinos en ligne ont généré un PBJ de 285 millions en 2023, contre 23,5 millions en 2019.
  • En 2022, 4,3% de la population est concernée par un comportement de jeu à risque ou problématique.
  • Selon une étude suisse parue en 2021, on estime qu’un tiers du produit brut des jeux est généré par ces joueuses et joueurs à risque et problématique.
  • Les jeux d’argent coûtent chaque année jusqu’à 570 millions de francs aux collectivités en Suisse, selon une étude de l’Institut de sciences économiques de l’Université de Neuchâtel publiée en 2024. C’est ce qu’on appelle le coût social du jeu excessif.
  • Pour chaque personne concernée par une addiction au jeu, on estime que 6 personnes de son entourage, en moyenne, sont impactées.
  • En 2023, 14’787 personnes ont été interdites de jeu. En 2019, au moment de l’entrée en vigueur de la LJAr, 4’755 personnes ont été exclues (CFMJ).

Prévention et protection sociale contre le jeu excessif

Selon l’art. 85 de la LJAr, les cantons sont responsables de la prévention contre le jeu excessif. Si la Confédération dipose d’une Stratégie nationale Addictions, les jeux d’argent en sont exclus. Pourtant, si la loi impose des activités de prévention aux cantons, elle ne prévoit aucun financement à cet effet.

Dès 2006, sur la base d’une convention intercantonale, les cantons ont instauré une taxe de 0,5% sur le produit brut des jeux des loteries et paris pour financer la prévention. La Suisse romande a fait office de pionnier en instaurant dès 2007 un Programme intercantonal de lutte contre la dépendance au jeu (PILDJ), ce qui a permis, entre autres, la mise en place d’une permanence téléphonique gratuite et anonyme fonctionnant 24h sur 24h (0800 040 080), d’un site internet d’information (www.sos-jeu.ch) ainsi que des mesures de prévention et de formation. Sur le site sos-jeu.ch, vous trouverez toutes les informations sur le jeu excessif, les services de soutien dans les cantons, des auto-tests ou encore la procédure d’exclusion de jeu volontaire.

De leur côté, les opérateurs de jeu sont tenus par la LJAr de mettre en œuvre des programmes de mesures sociales, qui visent à limiter les risques d’addiction chez leurs client·e·s. Ces mesures vont de la protection des mineur·e·s à la détection précoce des joueurs à risque en passant par l’information sur les risques. En attendant l’évaluation de la LJAr, qui est en cours, il y a débat sur l’efficacité de ces mesures. Selon le pôle enquête de la RTS, en 2022, près de la moitié des casinos suisses terrestres et en ligne présentaient des lacunes en matière de détection précoce et de protection sociale. Pour le GREA ainsi que d’autres acteurs, dont le think tank libéral avenir.suisse, le système actuel implique de trop nombreux conflits d’intérêt.

Le rapport sur l’évaluation de la loi est attendu pour l’année 2026.