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  4. L’accueil de patients migrants au cabinet du psychiatre-psychothérapeute

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Brigitte Longerich (rédactrice romande de « Soins infirmiers », St Georges)
Post-Scriptum : La prise en compte du tabagisme dans les lieux spécialisés en addiction : état des lieux et perspectives
Frédéric Richter (GREA), Richard Blaettler (Fachverband Sucht), Raphaela Dux (Fachverband Sucht) et Jann Schumacher (Ticino addiction)
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Thierry Musset, HUG, Lore Barbier, HUG, Eliana Induni, HUG et Anne François, HUG
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Dr Pablo Sanchez-Mazas (Appartenances-Genève)
L’accueil de patients migrants au cabinet du psychiatre-psychothérapeute
Nelson Feldman (Service d’Addictologie, HUG, Genève)

Dépendances 46 - Migration: L’accueil de patients migrants au cabinet du psychiatre-psychothérapeute

mai 2012

L’accueil de patients migrants au cabinet du psychiatre-psychothérapeute

Nelson Feldman (Service d’Addictologie, HUG, Genève)

Ce texte présente à travers deux situations cliniques la pertinence de la clinique des addictions et de la santé mentale auprès de patients en situation d’asile. Il invite à la réflexion sur l’accueil, la prévention et l’accès aux soins à proposer à une population en situation de précarité en raison de leur trajectoire et de leur statut en Suisse. La concentration de groupes importants de migrants dans une région ou dans un quartier et dans des lieux d’hébergement pas toujours adaptés, implique la mise en place d’un dispositif de prévention et de soins, incluant la santé mentale et les addictions.

 

La santé mentale parmi les patients migrants requérants d’asile

En 2010, 33 millions de sujets dans le monde étaient concernés par l’aide du HCR (Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés) et parmi eux 10.5 millions avaient le statut de réfugiés. 1

La prévalence très élevée de troubles psychiques et, parfois, des problèmes d’addiction constituent des aspects à prendre en compte dans l’accueil et le suivi des migrants requérants d’asile. Il est important de proposer une évaluation clinique à ceux qui présentent des troubles psychiques. Une proposition de soins contribue à soulager et traiter une souffrance psychique et des symptômes qui, sans traitement, peuvent évoluer vers l’aggravation et la péjoration. Une bibliographie abondante montre l’importance de troubles psychiques et des problématiques addictives au sein de cette population. 2 3

Plusieurs facteurs de risque, décrits par Ager 4 et Mc Crone 5, exposent les patients migrants à la souffrance psychique et aux troubles psychiatriques. D’une part il y a les expériences traumatiques dans le passé et des problèmes de santé préexistants dans le pays d’origine, d’autre part il y a des facteurs de risque dans le pays d’accueil : barrières de langue, incertitude légale, précarité de logement, isolement, absence de réseau social, rupture avec la famille d’origine, manque d’accès à l’emploi et à la formation, maigres ressources, différences culturelles, discrimination.

Le risque de développer des conduites addictives augmente les risques pour la santé, la marginalisation sociale et les conséquences légales.

Les problèmes de santé mentale plus fréquents parmi les patients migrants sont la dépression, la suicidalité et le stress post-traumatique. Les addictions sous ses formes multiples peuvent s’ajouter comme un double diagnostic, la prise de substances initiale étant parfois un moyen de traiter un malaise qui va s’aggraver avec la consommation de substances.

Des soins spécialisés sur la problématique de double diagnostic (troubles psychiques associés à l’addiction) dans la population migrante concernée doivent faire partie d’une approche globale de santé mentale.

L’organisation rationnelle de ces soins devrait inciter à la concertation des efforts entre la médecine du secteur public, les services spécialisés et la participation du secteur privé.

Je présente deux vignettes cliniques issues de ma pratique de consultation clinique dans la région de Nyon où il n’y a pas, à l’heure actuelle, de structure de soins ou de suivi psychiatrique spécifique pour migrants requérants d’asile.

L’histoire de Shahin ou comment faire avec la barrière de la langue ?

Shahin est arrivé en Suisse comme requérant d’asile. Après son passage à Vallorbe au centre d’accueil, il a été transféré par l’EVAM au centre d’accueil de Nyon dans un abri PC où ont vécu jusqu’à 130 autres requérants en même temps en 2011.

Il consulte à mon cabinet à Nyon sur indication du Centre de Santé Infirmier de l’abri PC, relié au CHUV, qui a évalué son état préoccupant en raison d’idées suicidaires et de quelques épisodes d’abus d’alcool. Shahin est d’origine iranienne, il ne parle pas le français mais s’exprime en anglais. Dans les deux premières consultations, je l’ai reçu en présence d’une interprète parlant la langue perse, outil précieux mis à disposition de praticiens qui accueillent des patients migrants par l’intermédiaire de l’Association Appartenances. La possibilité de s’exprimer dans sa langue maternelle lui a permis de se présenter et d’expliquer avec moins d’obstacles sa souffrance, sa situation actuelle et son histoire.

A l’entretien il m’explique que les conditions de vie dans l’abri PC sont très difficiles en raison de la situation de tension extrême dans le contexte de surcharge de résidents (130) et des conflits, parfois violents, entre requérants.

Il a des difficultés à dormir, ressent des crises d’angoisses et se remémore des moments pénibles lors de son arrestation en Iran peu après des manifestations contre le régime en place. Il faisait des études universitaires et avait protesté contre des élections contestées par l’opposition. Comme beaucoup d’autres étudiants, il a été identifié et arrêté au domicile de ses parents et retenu en détention dans un centre pendant une dizaine de jours. Il aurait signé un document accusatoire de « complot contre le gouvernement » pour être libéré et très rapidement sa famille l’a aidé à quitter l’Iran avant le début du procès contre les protestataires par crainte d’une très lourde condamnation.

Sa vie a changé de façon radicale, il est passé d’étudiant universitaire et d’une vie de famille confortable à requérant d’asile en Europe. Après un passage par l’Italie où les conditions d’accueil étaient très précaires, il est arrivé en Suisse où il a demandé le statut de réfugié politique. L’état anxieux et dépressif lors de son évaluation clinique était en lien avec une situation de perte de repères et d’insécurité de l’abri PC, connu pour des incidents violents à répétition. Dans ses cauchemars se mêlent des moments de sa détention en Iran avec des bagarres entre requérants dans l’abri. Sa consommation sporadique d’alcool était souvent liée à la recherche d’une sédation pour apaiser ses angoisses et lutter contre ses troubles du sommeil.

Progressivement nous trouvons une deuxième langue, l’anglais, dans laquelle il s’exprime correctement ce qui lui permet de dire qu’il ne trouve plus nécessaire l’interprète. Il s’engage dans plusieurs activités bénévoles : l’aide aux personnes âgées dans un EMS, sa présence dans la buvette d’une association culturelle de la région, et commence de cours de français à l’université ouvrière de Genève. Peu à peu l’anglais est remplacé par le français dans lequel il s’exprime de mieux en mieux. Nous avons trouvé une langue commune qui nous rapproche dans le travail nécessaire pour aborder davantage ses symptômes et il s’engage dans un suivi régulier.

Le travail thérapeutique permet de cerner une souffrance liée à une situation de rupture avec sa culture, sa famille et son projet de vie antérieur. Sur le plan médical, un état anxieux et des symptômes dépressifs étaient présents.

Le travail psychothérapeutique, facilité par ses efforts pour communiquer, a permis d’aborder à travers sa parole les difficultés de sa situation ainsi que resituer son histoire personnelle.

Le traitement va s’appuyer à la fois sur une médication antidépressive appropriée qui permettra d’arrêter l’usage sporadique de l’alcool et sur les entretiens thérapeutiques réguliers, facilités par son appropriation progressive de la langue française. Il établit des liens sociaux avec des habitants de la région qui étaient solidaires de sa situation.

Le suivi thérapeutique s’est prolongé pendant une année avec une amélioration clinique qui a permis de diminuer la médication. Shahin était ponctuel à chaque rendez-vous. La couverture des frais était couverte par l’assurance maladie. Cette prise en charge montre la possibilité d’accueillir des patients migrants et requérants d’asile par des professionnels disponibles à le faire, y compris dans un cadre privé. Par contre, une difficulté dans ces situations réside dans la précarité du statut de requérant qui peut entraîner le changement du lieu de vie, de la couverture de soins et le départ forcé vers un autre pays en cas de refus de la demande d’asile.

La situation de Shahin résume les nombreux facteurs de stress qui affectent les migrants en situation d’asile : rupture avec la culture et la famille d’origine, précarité du logement, barrière de langage, discrimination, manque d’accès au travail et la formation.

La demande d’asile de Shahin n’a pas été acceptée par l’Office Fédéral des migrations en raison de son passage initial par l’Italie (accords de Dublin). Malgré un large mouvement de solidarité en sa faveur, Shahin a été obligé de quitter la Suisse vers l’Italie une année et demi après son arrivée en Suisse, accompagné par deux citoyens suisses qui l’ont soutenu pendant son séjour.

Malgré un accueil très difficile et précaire en Italie, j’ai su une année plus tard qu’il avait appris l’italien et qu’il poursuivait une formation professionnelle. A nouveau l’apprivoisement de la langue du pays d’accueil et sa volonté de trouver une place ont été les moyens pour éviter l’exclusion et la ségrégation.

Khaled : comment traiter avec le risque de renvoi ?

Ce jeune patient d’origine maghrébine est adressé par le Centre de santé infirmier après une évaluation dans l’abri PC où il loge pour commencer un traitement avec méthadone en raison d’une dépendance à l’héroïne, confirmée par des contrôles d’urine.

Il parle un français très rudimentaire car il vient d’une région où on parle un dialecte arabe. Sa consommation d’héroïne a commencé il y a une année en Suisse peu après son arrivée comme requérant d’asile. Il est soulagé par le début du traitement avec la méthadone prise à doses modérées dans une pharmacie proche de l’abri PC. La prise de méthadone lui permet d’éviter la recherche quotidienne de drogue qui lui a déjà valu plusieurs arrestations.

Il s’est présenté aux cinq rendez-vous à l’heure précise mais a manqué le sixième. La pharmacie me précise qu’il était absent pour sa prise de méthadone la veille et que la police de Genève viendra chercher son traitement avant son transfert à la prison de Champ Dollon. Le lendemain je reçois un fax du service médical pénitentiaire pour vérifier les doses du traitement.

Le même service me contacte un mois plus tard pour demander un rendez-vous après la sortie de Khaled de prison. Quand je le reçois, il est reconnaissant pour la poursuite du traitement en pharmacie, mais me précise que sa demande d’asile n’a pas été acceptée et qu’il devra probablement quitter le canton de Vaud pour un autre lieu de vie décidé par les autorités fédérales et cantonales et arrêter son suivi dans la région. Il me précise que son arrestation était liée à des faits précédant le début du traitement avec la méthadone.

Ce deuxième cas témoigne des conditions difficiles pour le suivi avec des changements de logement fréquents associés aux problèmes légaux et au risque de renvoi, ce qui complique tout projet de suivi et de séjour. Le début d’un traitement plus précoce aurait apporté encore plus de bénéfices à Khaled. La détection précoce de problématiques addictives parmi cette population et la création de programmes de soins spécifiques apporterait une réponse mieux adaptée pour éviter une péjoration sur le plan de la santé et diminuer les risques médicolégaux.

Conclusions

Favoriser l’accès aux professionnels de la santé mentale et de l’addictologie aux patients requérants d’asile est une mesure utile pour permettre une évaluation clinique et des traitements adaptés en cas de besoin.

Cela exige une bonne coordination entre les centres d’attention primaires déjà en place et les services de santé mentale du secteur public dans les régions ou les villes qui accueillent ces sujets.

Les cas plus complexes relèvent des équipes multidisciplinaires. L’engagement du secteur public dans ce dispositif est essentiel mais la participation du secteur privé peut contribuer également à fournir une attention de qualité aux patients migrants. Dans ce sens, la participation des sociétés médicales cantonales à travers les groupes de spécialistes peut contribuer à un véritable réseau de soins adapté aux besoins. La participation de services d’addictologie et de praticiens installés formés aux addictions est un atout indispensable pour la qualité de soins. En ce qui concerne l’abus de substances, et de l’alcool en particulier, le dépistage et les interventions brèves par des soignants formés peuvent avoir un impact intéressant à évaluer.

Dans le premier cas, les efforts de Shahin pour s’approprier la langue française et ses activités bénévoles montraient sa lutte contre le risque de ségrégation qui touche cette population arrivée en Suisse en quête d’asile. Les accords de Dublin ont finalement décidé de son lieu de vie en Europe. Comme disait le psychanalyste Jacques Lacan : « Notre avenir des marchés communs trouvera sa balance d’une extension de plus en plus dure de processus de ségrégation ». 6 L’accès aux soins en santé mentale et en addictologie est aussi un moyen important de lutter contre la ségrégation.

46_9_Laccueil-des-patients-migrants-au-cabinet-du-psychiatre-psychotherapeute_Feldman_Dependances_2012.pdf
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  1. HCR / UNHCR, Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, Year Book 2010, statistiques disponibles sur le site : www.unhcr.org[↑]
  2. Textbook of Cultural Psychiatry, ouvrage collectif édité par Dinesh Bhugra and Kamadelp Bhui, Cambridge University Press 2010,Grande Bretagne.[↑]
  3. Nasir Warfa et Kamaldeep Bhui, Refugees and mental health, dans Textbook of cultural psychiatry, op cit, 503-511.[↑]
  4. Ager A., Mental Health issues in refugee populations: a review. Queen Margaret College, Edinburgh, 1993,U.K.[↑]
  5. Mc Crone P., Bhui K., Craig T., Mental Health needs, service use and costs among Somali refugees in the U.K., Acta psychiatrica scandinavica, 111(5),351-357, 2005.[↑]
  6. Jacques Lacan, Proposition du 9 octobre 1967 sur le psychanalyste de l’école, ECF[↑]

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