mai 2005
Alain Bolle, Directeur de la Maison de l'Ancre, Membre du comité de la CRIAD, Genève
Parler de ressources dans la période que nous traversons nous amène forcément à effectuer un retour rapide sur les temps troublés que nous venons d’affronter.
Il est clair pour nous qu’après «l’affaire» des certificats médicaux, le modèle FiDé nous laissait espérer une stabilisation du financement de nos institutions. Malgré les critiques émises à l’égard de ce modèle et pour une partie laissées sans réponses, nous attendions avec intérêt son arrivée. Force est de constater qu’il n’a pas trouvé grâce aux yeux des décideurs cantonaux, à l’exception du canton du Tessin.
Au mois de décembre 2003, notre ministre de tutelle, Pascal Couchepin, a décidé d’abandonner définitivement le projet FiDé et cette décision a eu un effet rétroactif au 1er janvier 2003. Depuis, les institutions du secteur résidentiel «Drogues-Alcool» sont à nouveau confrontées à l’application stricte de la règle du 50% d’usagers au bénéfice d’une décision AI. A cet égard, la réalité des institutions du secteur Alcool n’est pas la même que celle du secteur drogues illégales. Cinq institutions œuvrant spécifiquement dans le secteur alcool et accueillant des usagers correspondant aux critères OFAS ont pu maintenir un subventionnement. Pour les autres, cette décision représente la fin d’un système.
C’est dans ce contexte que nous nous sommes retournés vers nos autorités cantonales pour des négociations souvent bilatérales, avec des réponses différentes d’une institution à l’autre et des pressions évidentes sur les coûts.
A Genève, depuis le 1er janvier 2004, le secteur du handicap, auquel sont rattachés l’Association ARGOS et la Maison de l’Ancre, dispose de la Loi sur l’intégration des personnes handicapées (L.I.P.H.). Un de ses volets concerne la gestion des institutions et traite de la délivrance des autorisations d’exploitation ainsi que de la définition des critères de subventionnement des institutions. Dans le cadre de cette loi, les deux institutions ont été associées à l’élaboration de la grille ARBA addiction¹ (www.geneve.ch/handicap/politique/arba.htm ).
A terme, l’application de cette grille devrait permettre de clarifier le financement des institutions tant au niveau de l’encadrement que du point de vue du back office et des frais liés à l’immobilier. Cependant, le processus en lien avec cette grille n’est toujours pas clos puisque l’étalonnage de nos institutions reste à faire. Nous espérons, au mieux pour la fin de l’année 2005, être fixés sur ces modalités. Ainsi, ce n’est peut-être qu’en mars 2006, dans le cadre de l’élaboration du budget 2007, que nous pourrons bénéficier de ce mode de financement un peu plus transparent et qui tient compte du rapport entre les prestations fournies et les besoins des usagers accueillis. Il est à relever que la Direction générale des affaires sociales (DGAS) effectue en ce moment une promotion de sa grille dans différents cantons romands.
Pour nos institutions, entre le 1er janvier 2003 et le 1er janvier 2007, il se sera écoulé quatre années difficiles faites d’incertitudes et de crises à répétition. Depuis 2004, un groupe de travail intercantonal issu du GRAS (Groupement des affaires sociales des cantons romands, de Berne et du Tessin) planche régulièrement sur la question du coût des institutions du secteur résidentiel «Drogues-Alcool» édictant en passant quelques règles de calcul des prix de pension et rendant un rapport de benchmarking romand sur les coûts, les taux d’occupation et les taux d’encadrement. Les effets de ces temps troublés sont multiples et l’exercice d’équilibristes auquel nous sommes contraints depuis plusieurs années se poursuit avec difficultés.
Plusieurs d’entre nous ont dû restructurer, licencier des collaborateurs, supprimer des prestations ou trouver de nouvelles offres. Pour la Maison de l’Ancre, le choix s’est porté prioritairement sur cette dernière solution avec le développement d’un service traiteur venant compléter les recettes de notre restaurant. L’équipe de cuisine et un collaborateur de l’équipe d’entretien sont mis à contribution pour assurer cette nouvelle prestation. Les résultats 2004 sont encourageants mais ne résolvent que très partiellement le trou de CHF 815’000 dû à l’absence de subventions de l’OFAS. Cette option a été prise dans l’attente d’une véritable négociation entre l’Hospice général dont dépend la Maison de l’Ancre et le DASS (Département de l’Action sociale). Nous sommes confrontés à la même question que nos collègues qui ont tenté depuis 2003 de trouver des ressources à travers les prix de pension. Malheureusement, ces derniers ont été bloqués par le DASS. Il est vrai que dans le contexte actuel, cette augmentation ne revient qu’à effectuer un vaste transfert de charges puisque le 90% des usagers accueillis dans le résidentiel est au bénéfice de l’assistance ou de l’AI avec des prestations complémentaires. Ainsi, toute ressource supplémentaire à travers les prix de pension qui nous permettrait d’équilibrer nos budgets représente une augmentation de charges pour l’assistance et pour l’OCPA (Office cantonal des personnes âgées) qui gère les prestations complémentaires en lien avec l’AI.
En conclusion, la crise que nous traversons n’a de solutions que si l’on prend le problème dans sa globalité. La volonté politique existe-t-elle pour que soit maintenu le secteur résidentiel «Drogues-Alcool» sachant, au regard des dernières statistiques Act-Info, que ses résultats sont bons? Il faut savoir qu’un usager dans la rue mobilise un nombre considérable de professionnels et coûte bien plus que le prix moyen de nos institutions qui est, soit dit en passant, proche de celui des EMS ou inférieur de deux tiers du prix de journée en hôpital psychiatrique.