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  4. Lutte contre les stupéfiants : stigmatiser les minorités plutôt que de se saisir des vrais problèmes ?

Quand mondialisation rime avec aliénation
Brigitte Longerich (rédactrice romande de « Soins infirmiers », St Georges)
Post-Scriptum : La prise en compte du tabagisme dans les lieux spécialisés en addiction : état des lieux et perspectives
Frédéric Richter (GREA), Richard Blaettler (Fachverband Sucht), Raphaela Dux (Fachverband Sucht) et Jann Schumacher (Ticino addiction)
Lutte contre les stupéfiants : stigmatiser les minorités plutôt que de se saisir des vrais problèmes ?
Alain Barbezat (Université de Neuchâtel) et Ludivine Ferreira (Université de Neuchâtel)
Le dispositif d’asile à l’épreuve du deal de rue
Interview de Cécile Ehrensperger par Jean-Félix Savary
Qui sont les dealers nigérians ? Pourquoi s’adonnent-ils à cette activité ?
Interviews d’un dealer et de Vincent Osamchuks par Peter Chibuzo
Migrations et toxicodépendance : gare à la stigmatisation
Catherine Jung (maison de santé du Neuhof, Strasbourg)
Migration, précarité, addiction et accès aux soins : situation à Genève
Thierry Musset, HUG, Lore Barbier, HUG, Eliana Induni, HUG et Anne François, HUG
« Anne, ma sœur Anne, vois-tu venir des usagers de drogues migrants ? … »
Martine Baudin (Première Ligne, Genève) et David Gachet (Première Ligne, Genève)
Migration et addictions
Dr Pablo Sanchez-Mazas (Appartenances-Genève)
L’accueil de patients migrants au cabinet du psychiatre-psychothérapeute
Nelson Feldman (Service d’Addictologie, HUG, Genève)

Dépendances 46 - Migration: Lutte contre les stupéfiants : stigmatiser les minorités plutôt que de se saisir des vrais problèmes ?

mai 2012

Lutte contre les stupéfiants : stigmatiser les minorités plutôt que de se saisir des vrais problèmes ?

Alain Barbezat (Université de Neuchâtel) et Ludivine Ferreira (Université de Neuchâtel)

Les problématiques liées à la migration se retrouvent aujourd’hui au centre de la question du marché de la drogue. Les auteurs adoptent ici une vision plus large, en interrogeant de manière critique le système actuel de régulation des drogues et ses conséquences sur le terrain. Ils pointent les incohérences actuelles et font le constat que celui-ci favorise l’implication de populations vulnérables, notamment migrantes, sur ce marché. Leur conclusion est sans appel. Le système actuel doit être réformé en profondeur. (réd.)

 

S’il est vrai que la politique criminelle en matière de lutte contre les stupéfiants et la politique en matière de migrations ont quelques points en commun, force est de constater que l’amalgame est très souvent fait dans l’esprit du citoyen lambda ; cette situation est favorisée par le fait que les médias relatent à satiété, voire à réplétion les affaires liées aux stupéfiants, qu’elles soient de grande ou de toute petite envergure. Par conséquent, bien souvent la réflexion se limite à considérer tout migrant comme un dealer potentiel et le trafic de drogues serait ainsi l’apanage d’une population migrante.

Mais est-ce réellement le cas ? Si l’on s’en réfère aux statistiques de condamnations d’infractions à la LStup 1 pour l’année 2010, la part relative aux étrangers représente 62% du total. Il semblerait donc que les étrangers sont plus enclins à enfreindre la LStup… Néanmoins, on ne peut pas décemment se contenter d’une conclusion si abrupte.

Parmi les différents facteurs qui établissent un profil criminogène chez l’auteur potentiel, la nationalité n’occupe que la cinquième position. L’auteur type est avant tout (1) un homme, (2) jeune, (3) d’une catégorie socioéconomique défavorisée et (4) dont le niveau d’éducation est relativement bas. Il en va bien évidemment du domaine des stupéfiants comme de la criminalité en général. Il convient ici de relever que la migration est principalement le fait d’hommes jeunes au statut socioculturel et éducatif peu élevé. Au surplus, un autre facteur pourrait potentiellement expliquer la participation disproportionnée des étrangers en matière de LStup : la tradition socioculturelle.

En effet, la relation homme-plante n’est pas une nouveauté mais remonte bien à des millénaires. Les plantes à drogue en faisaient donc parties ; à titre d’exemple, nous pouvons citer la plantation du pavot à opium bien avant l’ère chrétienne en Mésopotamie, celle de la feuille de coca en Amérique latine env. 2000 ans av. J.-C. ou encore celle du chanvre en Asie près de 3000 ans av. J.-C.

Ainsi, chaque époque a connu et connaît encore aujourd’hui des substances naturelles ou transformées qui permettent de modifier le comportement et l’appréciation des êtres humains, par exemple pour soulager certains maux, pour se détendre ou pour augmenter ses capacités physiques et/ ou intellectuelles. Il s’agit « d’une consommation culturelle, intégrée, faisant l’objet d’une socialisation parfaitement convenue et plus ou moins bien contrôlée » 2; le cannabis en Afrique du Nord, l’opium en Orient, les feuilles de coca et les champignons hallucinogènes en Amérique latine, le vin, et plus largement l’alcool, et le tabac en Occident sont autant d’exemples. De la sorte, le migrant ramènerait avec lui tout son bagage culturel dont la consommation de certaines substances qui, sous nos latitudes, sont considérées comme stupéfiantes.

Par la suite, durant l’époque coloniale, mais également en raison du commerce et des échanges y relatifs, ces substances, au même titre que le cacao, le thé ou tout autre produit méconnu, ont principalement voyagé en direction du continent européen.

Ce phénomène a petit à petit engendré des dépendances dans les pays riches, non producteurs, et est devenu un marché lucratif pour les gouvernements, et peu à peu pour les groupes mafieux, etc. En parallèle, les traditions des pays cultivateurs ont été petit à petit stigmatisées et les populations marginalisées ; ce patrimoine culturel – utilisations ancestrales, rites, etc. en relation avec les plantes à drogue – devient le fait de minorités. Cette évolution explique néanmoins la localisation des plus grandes plantations de plantes à drogue, qui sont liées à la culture et aux traditions. Ainsi, aujourd’hui encore, la Bolivie, le Pérou et la Colombie sont les plus grands producteurs de feuille de coca, alors que la Birmanie et l’Afghanistan sont en pool position pour la culture de pavot à opium, et enfin le Maroc, l’Afghanistan et le Pakistan pour le cannabis (haschich) 3.

Sans remettre en cause la thématique de la migration au sein de la politique de lutte contre les stupéfiants, il convient de rester vigilant à ne pas décentrer l’objet du débat. Le nœud du problème demeure la drogue et ses dommages collatéraux et non une partie mineure de la population qui s’y adonne sous forme de trafic ou de consommation. C’est donc la drogue qu’il convient de combattre et non le migrant…

Jusqu’à présent et universellement, combattre la drogue et ses ravages, c’est avant tout user d’une politique de prohibition associée à une politique criminelle (ultra) répressive. Pourtant, un tel angle d’attaque est voué à l’échec et ce, notamment, pour les raisons suivantes. La prohibition implique que les drogues sont illicites ; ce constat est trivial mais les conséquences pour les consommateurs le sont moins. En premier lieu, ces derniers sont criminalisés, stigmatisés et exclus, ce qui les contraint à la clandestinité, à l’éloignement des structures de prise en charge thérapeutique et les oblige parfois à des actes de consommation à haut risque sanitaire (p. ex. l’échange de seringues entre consommateurs).
Par ailleurs, il est impossible, sur un marché illégal, d’envisager des mesures de réglementation : la prohibition tue le contrôle. On se trouve face à une situation paradoxale où par la prohibition on s’interdit d’agir de manière efficace et l’on amplifie les maux que l’on veut combattre par un effet iatrogène, la prohibition entraînant des aggravations de santé publique telles que le sida, les hépatites ou la tuberculose. Sur un plan plus international, la prohibition est créatrice d’un immense marché criminel parallèle qui exploite le profit et le pouvoir. Selon l’OMS, le trafic de drogues serait le troisième commerce en importance dans le monde, après le pétrole et l’alimentation 4. La prohibition et sa mise en œuvre ont également un coût. Rien qu’aux Etats-Unis, 51 milliards de dollars sont annuellement dépensés pour tenter d’éliminer l’offre de stupéfiants.

En Suisse aussi la prohibition a un coût, c’est celui de la répression : CHF 798 mio pour l’année 2000, qui représente à elle seule les deux tiers du budget des ressources affectées à la politique des quatre piliers 5.

Force est de constater qu’au niveau international, la répression n’atteint pas les objectifs fixés. A ce propos, en 1998, l’Assemblée générale des Nations Unies déclarait vouloir aboutir à un monde sans drogues et éliminer ou réduire significativement la production d’opium, de cocaïne et de cannabis dans les dix ans, soit d’ici 2008. Nous laissons le lecteur constater de lui-même l’échec. En Suisse, ces objectifs sont définis par la Confédération 6) et se résument en trois points : diminution de la consommation de stupéfiants, la réduction des risques pour les consommateurs et la diminution des effets néfastes pour la société dans son ensemble. Pour y parvenir, elle mise sur la politique des quatre piliers.

Puisque l’échec de la répression est cuisant, il convient d’envisager d’autres solutions, parmi lesquelles la légalisation. Si elle peut paraître radicale, elle est à nos yeux la seule qui soit optimale et satisfaisante. La légalisation consiste à placer dans un cadre légal la fabrication, la vente et la consommation de stupéfiants. En d’autres termes, cela signifie que ces activités ne seraient, en soi, plus considérées comme des infractions passibles de sanctions pénales, mais qu’elles seraient régies par des règles étatiques (les lois) tout comme c’est le cas actuellement pour d’autres substances comme l’alcool, le tabac et surtout les médicaments. La légalisation et la régulation des drogues ne rend pas leur usage sans danger – une consommation de drogue ne peut jamais être sans dangers – mais cela permettrait de réduire ces derniers au travers d’un contrôle. Il n’est pas question de faire l’apologie des drogues, pas plus que de considérer positivement leur consommation. Toutefois, elles sont une réalité et croire qu’elles pourront disparaître tient du rêve éveillé. Ainsi, quand bien même la légalisation n’est sans doute pas la panacée, en ce qui concerne tous les dommages dont les drogues sont la cause, elle ouvre cependant beaucoup de nouvelles opportunités pour une intervention plus responsable sur le plan de la santé publique.

Légaliser ne signifie pas que l’Etat donne un blanc-seing au citoyen quant à la consommation de drogues. Il est tout à fait concevable d’entourer la légalisation de tout un arsenal de dispositions spécifiques propres à éviter les abus et les problèmes 7. Nous n’envisageons pas que les supermarchés puissent ouvrir un rayon « dopes », dès lors qu’une régulation s’avère nécessaire.
Les outils de base de cette dernière sont d’ores et déjà en place pour les drogues légales, qui sont déjà contrôlées par le biais d’ordonnances prescrites par les médecins en ce qui concerne les médicaments psychotropes et par certains points de vente spécifiques pour l’alcool ou le tabac. Chaque drogue nécessite des modalités de régulation appropriées au regard des risques associés à son utilisation. Il n’existe à l’heure actuelle pas de solution clé en main et un travail interdisciplinaire, notamment en terme de santé publique, doit être entrepris. Parmi les modèles de mise en œuvre nous pouvons déjà en retenir deux : celui de la prescription et celui de la pharmacie. Le premier est celui qui existe actuellement pour les médicaments nécessitant une ordonnance médicale, mais est réservé aux usagers dont la dépendance est problématique. Quant au second, il est moins strict que le précédent. C’est le modèle dans lequel le pharmacien est habilité à délivrer des prescriptions médicales de drogues sans pouvoir les prescrire lui-même. Par contre, il peut vendre certaines substances dont le risque est moins grand, de façon autonome. Ainsi, le pharmacien habilité pourrait restreindre la vente de tels produits en fonction de critères préétablis, tels que l’âge, la quantité, etc.

Se pose évidemment la question de l’approvisionnement. À notre sens, il n’est pas nécessaire de créer de nouveaux cadres légaux pour ce qui concerne les drogues à usage non médical, il suffit d’étendre les règlements relatifs aux médicaments. A titre d’exemple, la moitié de la production d’opium est produite de façon légale pour être utilisée dans des médicaments à base d’opiacés comme la morphine et la codéine.

A priori, il vient à l’esprit de tout lecteur qu’une légalisation des drogues jusqu’ici illégales s’accompagnerait inévitablement d’une augmentation massive de la consommation. L’idée sous-jacente est basée sur la prémisse que la prohibition est un moyen efficace pour limiter la consommation. En réalité il n’en est rien. La décision pour un individu de prendre de la drogue ou de ne pas en prendre est dictée par plusieurs variables (le niveau socioéconomique, la mode, la culture d’appartenance, la publicité, le prix ou encore la perception que l’on se fait du risque lié à l’usage de telle ou telle drogue) parmi lesquelles la dissuasion ne joue qu’un rôle minime.

À notre sens, la légalisation est une solution envisageable en tant qu’elle serait plus efficace que la prohibition pour lutter contre les effets néfastes de la consommation de drogues mais également pour lutter contre le trafic de stupéfiants. Ce modèle éviterait également la criminalisation, et les suites pénales des consommateurs du seul fait de leur consommation.

Toutefois, il va sans dire que la mise en œuvre d’un tel modèle doit être faite à grande échelle, idéalement au niveau international. En effet, s’il se limite à un seul État, le changement de paradigme ne peut porter ses fruits sur tous les points, en particulier en matière de trafic international ; dès lors que ses acteurs ne perdraient qu’un seul client.

Le marché illicite de stupéfiants, se révélant extrêmement lucratif dans un pays riche, est propre à intéresser un certain pan des populations migrantes. Se trouvant finalement sans travail ni statut légal, certains migrants sont inévitablement tentés par des activités illégales offrant d’intéressantes perspectives de gain à court terme. Par ailleurs, par la répression, l’État crée un marché illégal alléchant et très lucratif propre à susciter l’intérêt de personnes qui, dans leur pays, ont de maigres perspectives économiques.

En tout état de cause, un monde sans drogue est une utopie, une société sans drogue est un mythe tout comme l’idée que le droit pénal est nécessaire et efficace pour éradiquer la drogue. C’est du moins la position de plus en plus de pays et d’organisations qui soutiennent qu’il faut apprendre à vivre avec la drogue ; la position très récente du président du Guatemala, Otto Perez, pour une légalisation totale de toutes les drogues n’en est que le dernier exemple.

46_2_Lutte-contre-les-stupefiants-stigmatiser-les-minorites-plutot-que-de-se-saisir-des-vrais-problemes_Barberzat-et-Ferreira_Dependances_2012.pdf
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  1. Cf. statistiques de l’OFS[↑]
  2. Robert C.-N., « Stupéfiant(s) : le juridique et ses variations », in : « Limites du droit pénal, quelques interrogations », in « Cahiers psychiatriques genevois » n° 6, Genève, 1989, p. 5. Cet auteur pose d’ailleurs un regard rétrospectif complet sur l’évolution des substances naturelles et de leur criminalisation[↑]
  3. Labrousse A., Géopolitique des drogues, Que sais-je ? puf, 2ème édition, Paris 2006, pp. 11-12[↑]
  4. Le chiffre d’affaire annuel du trafic de drogues se monterait en 2009 à quelque 380 milliards d’euros[↑]
  5. Prévention, Thérapie, Réduction des risques et Répression[↑]
  6. Programme ProMeDro III (2006-2011[↑]
  7. Qui tiendraient de la prévention, de l’information et de l’encadrement[↑]

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