avril 2001
Guido Bondolfi (HUG Psychiatrie) ; Christian Osiek (Université de Fribourg de psychologie)
Selon Lamberton et al. (1997), dans les pays industrialisés où des enquêtes ont été conduites, la prévalence de joueurs pathologiques probables oscille entre 1 et 2% (entre 1 et 3% selon le DSM IV), alors que celle de joueurs potentiellement pathologiques est estimée comme variant entre 2 et 3%. Notre étude concerne, d’une part, la quantification du taux de prévalence à fin 1998 des joueurs pathologiques dans la population âgée de 18 ans et plus résidant en Suisse; complémentairement, nous essayons de mettre en évidence quelques caractéristiques différentielles des joueurs par rapport aux non-joueurs. D’autre part, elle évalue la relation entre l’offre de jeux et le taux de prévalence de joueurs. En effet, plusieurs études ont montré qu’il existe une relation entre la disponibilité des activités de jeu et le nombre de personnes y prenant part, et, par voie de conséquence, le nombre de joueurs pathologiques probables ou potentiellement pathologiques. L’augmentation de cette disponibilité entraîne également une augmentation du coût social (Volberg, 1994, Ladouceur, 1996). Dans notre étude, le lien entre offre de jeux et taux de prévalence a pu être testé en comparant le taux de prévalence dans différentes régions du pays, celles-ci étant définies par rapport à un critère d’offre de jeux dépendant entre autres des particularités législatives cantonales (en 1998) et de la proximité de casinos étrangers.
Pour dépister les personnes présentant un problème de jeu sur la base d’un entretien téléphonique, l’instrument utilisé dans les enquêtes épidémiologiques ainsi qu’en clinique est le questionnaire SOGS (South Oaks Gambling Screen), créé par Lesieur et Blume, 1987. Il comprend vingt items dérivés des critères diagnostiques du DSM-III retenus pour le jeu pathologique (à commander au GREAT). Les répondants sont classés de la manière suivante: 1: “joueur pathologique probable” (par la suite, “JPAT”), si les interviewés répondent affirmativement à 5 questions et plus; 2: “joueur potentiellement pathologique” (“JPOT”), lorsque les personnes répondent affirmativement à 3 ou 4 questions; 3: “joueur occasionnel ou non joueur” (“JOCC”) si les sujets donnent deux réponses affirmatives ou moins. En plus du SOGS, d’autres questions concernant des données d’ordre socio-démographique, les habitudes de jeu et de consommation d’alcool ont été posées. Pour ce dernier problème, le questionnaire “CAGE” (Ewing, 1984) a été utilisé (à commander au GREAT). En effet, certaines études ont mis en évidence une relation entre le jeu pathologique et une consommation abusive d’alcool (par exemple, Lesieur et al., 1986), dans le sens où les joueurs ont tendance à consommer plus d’alcool que la population générale. Toutefois, à notre connaissance, aucune étude n’a posé simultanément dans un même questionnaire des questions relatives au jeu et à la consommation d’alcool: soit on interrogeait une population de joueurs sur leur consommation d’alcool, soit on interrogeait une population abusant de l’alcool sur ses habitudes de jeu, mais on n’a pas comparé directement ces deux aspects dans une population générale.
A l’instar de plusieurs études dans le domaine du jeu, les interviews ont été conduites par un institut de sondage (LINK Institut à Lausanne) sous la supervision directe des auteurs. Les sujets ont été sélectionnés selon la méthode “random-quotas” respectant la représentativité de chaque région (voir ci-après) selon le sexe, l’âge et le degré d’activité professionnelle. Le choix des numéros de téléphone est généré par ordinateur et une seule personne par numéro atteint a été inteviewée. En cas de non-réponse, plus de 10 tentatives ont été faites pour recontacter le même numéro. 59% des correspondants atteints ont accepté de répondre, ce qui correspond au taux habituel observé dans les sondages effectués en Suisse. Le sondage a été effectué entre octobre et novembre 1998.
2526 personnes représentatives des trois principales régions linguistiques de la Suisse ont été interviewées. L’âge des répondants variait de 18 à 93 ans (moyenne = 43,5 ans; écart-type = 16,4 ans). Dans le but de pouvoir analyser la relation entre la disponibilité de jeux et le taux de prévalence des différents types de joueurs, quatre régions spécifiques ont été choisies pour les raisons suivantes: la législation du canton de Fribourg autorise l’exploitation des machines à sous, non seulement dans les lieux réservés à ces activités, mais encore dans les lieux publics, tels que cafés, bars, restaurants, etc. Le nombre de ces machines était estimé à 1200 et elles étaient réparties dans plus de 600 établissements. La région ouest lémanique (ZE 11) est caractérisée par la proximité en France voisine de trois casinos importants (Divonne, Evian, Annemasse), par l’existence d’un casino à Genève et par environ 1000 “machines à points” dispersées dans les cafés et les bars. (Les points gagnés par les consommateurs sont la plupart du temps échangés sous le manteau). Dans le reste de la Suisse romande, l’offre de machines est beaucoup plus limitée, du fait de l’absence de grandes agglomérations proches des casinos (mis à part celui de Montreux, proche de Lausanne, où se trouvent 200 machines à sous; casino de Saxon: 192 machine; casino de Courrendlin: 138 machines) et du fait de restrictions dues aux législations cantonales: par exemple, on ne trouve pratiquement pas de machines à sous, ni à points, dans le canton de Neuchâtel. Dans le canton du Tessin, en plus des casinos de l’Italie voisine (Campione et vallée d’Aoste), les casinos de Lugano, Locarno et Mendrisio offraient ensemble 500 machines à sous.
De plus, à l’époque de l’enquête, environ 1200 machines à points étaient fonctionnelles dans bon nombre de bars et dans certaines stations d’essence. Le nombre de personnes interrogées est reporté dans le tableau I. Dans ce tableau figurent également les effectifs que devraient avoir chaque région pour respecter leur proportionnalité avec la population suisse et le facteur de pondération utilisé pour calculer le taux de prévalence de joueurs sur l’ensemble du pays. Il est calculé sur la base des données fournies par l’Office fédéral de la statistique concernant la population suisse en 1997 ( Total: 6’374’451 personnes âgées de 18 ans et plus). L’offre de jeux figure dans le tableau III.
Tableau I: Nombre de personnes interrogées en fonction des régions, effectif rapporté de chaque région respectant la répartition réelle de la population suisse et facteur de pondération
Région | Nb. personnes effectivement interrogées | Effectif rapporté à la population suisse (%) | Facteur de pondération |
Ouest lémanique (ZE 11) | 401 | 152 (6,0 %) | 0,378 |
Canton de Fribourg | 407 | 61 (2,4 %) | 0,149 |
Reste Suisse romande | 406 | 386 (15,3 %) | 0,952 |
Canton du Tessin | 502 | 120 (4,8 %) | 0,240 |
Reste Suisse alémanique | 810 | 1807 (71,5 %) | 2,231 |
TOTAL | 2526 | 2526 | 1,00 |
Pour que les échantillons régionaux soient représentatifs de la population suisse, nous avons pondéré leurs effectifs en fonction de la répartition réelle de la population nationale. Cette répartition et le facteur de pondération figurent dans le tableau I.
La répartition des sujets selon leur statut par rapport au jeu est la suivante: pour l’ensemble de la population suisse (résultats pondérés), la prévalence de “JPAT” (joueur pathologique probable) est de 0,79% (n=20), celle de “JPOT” (joueur potentiellement pathologique) est de 2,18 % (n=55), et celle de “JOCC” (joueur occasionnel ou non-joueur) est de 97,03% (n=2451). Cela signifie qu’en Suisse l’estimation du nombre de “JPAT”, avec un intervalle de confiance de 95%, se situe entre 32’712 et 77’768 personnes et celui de “JPOT” entre 107’090 et 179’759 personnes. En réunissant les deux groupes (“JPAT + JPOT” = “joueurs pathologiques”), le taux de prévalence se situe entre 2,07% et 3,87%. Les comparaisons des caractéristiques des “joueurs pathologiques” et des “JOCC” figurent dans le tableau II. Les analyses faites par le test binomial montrent des différences significatives selon le sexe (la proportion d’homme est plus forte chez les “joueurs pathologiques”), l’état-civil (il y a plus de célibataires chez les “joueurs pathologiques” et les gens vivant en couple sont plus nombreux chez les joueurs occasionnels ou non-joueurs), l’âge (les “joueurs pathologiques” sont globalement plus jeunes que les “JOCC”). On observe également des différences au niveau de la situation professionnelle: la proportion de salariés est plus grande chez les “joueurs pathologiques” et le pourcentage de personnes travaillant à plein temps est également plus grande chez les “joueurs pathologiques”), ainsi qu’au niveau du revenu (globalement, les “joueurs pathologiques” gagnent plus que les “JOCC”).
Relevons encore que les analyses des variables nationalité et niveau de formation scolaire et professionnelle ne montrent pas de différence entre les deux échantillons. Par ailleurs, on observe que seulement 36% des “joueurs pathologiques” pensent avoir un problème de jeu et que c’est le cas de 0,1% des “JOCC”. La différence est significative: z = 25,1, p <.0001. L’examen des habitudes relatives au jeu ne concerne que les personnes ayant dépensé plus de 5 Fr. en une journée (n = 1942), quel que soit le type de jeu considéré. Elles se répartissent en 75 “joueurs pathologiques” et 1867 joueurs occasionnels ou non-joueurs.
Tableau II:Comparaison des caractéristiques démographiques des “joueurs pathologiques” (“JPAT” + “JPOT”, n = 75) et “JOCC” (n = 2451)
Joueurs pathologiques (« JPAT » + « JPOT ») |
« JOCC » | Prob. du test binomial |
|
Sexe | |||
• Homme | 73% | 49% | <.001 |
Etat civil | |||
• Célib. | 48% | 29% | <.001 |
• Marié | 37% | 55% | <.001 |
Age | |||
• moins de 29 ans | 43% | 19% | <.001 |
• 29 – 49 ans | 43% | 45% | NS |
• 50 ans et + | 12% | 36% | <.001 |
Situation professionnelle | |||
• Salarié | 76% | 55% | <.001 |
• Indépendant | 9 % | 9% | NS |
• En formation | 8% | 5% | NS |
Temps de travail | |||
• 100% | 79% | 51% | <.001 |
• Autres | NS | ||
Revenu | |||
• Moins de 4000 fr. | 13% | 29% | <.005 |
• 4000 – 6000 fr. | 42% | 31% | <.05 |
• 6001 – 9000 fr. | 35% | 25% | <.04 |
• Plus de 9000 fr. | 10% | 14% | NS |
La différence avec le nombre total de répondants montre que 23% des interviewés n’ont pas joué une telle somme au cours d’une journée dans l’année écoulée. Ce chiffre est inférieur à ce que l’on observe dans d’autres études. Par ailleurs, on constate que la proportion de personnes ayant commencé à jouer pour de l’argent avant l’âge de 21 ans est significativement plus grande chez les “joueurs pathologiques” (89%) que chez les “JOCC” (66%): z = 4,18; p< .001. L’examen du premier type de jeu pour lesquels les gens ont misé de l’argent, permet de distinguer trois catégories. Premièrement, les jeux pour lesquels la proportion de “joueurs pathologiques” est significativement plus grande que celle des “JOCC”: il s’agit des jeux de cartes (jass, poker, tarot, etc.) , z = 3,2; p<.001 et des jeux d’adresse (billard, fléchettes, bowling, etc.), z = 3,2; p< .01. Deuxièmement, ceux pour lesquels la proportion de “joueurs pathologiques” est significativement plus petite que celle des “JOCC”: il s’agit des jeux de loterie (grattage, loterie à numéro, etc.) z = 3,22; p <.001. Troisièmement, les autres types de jeux où l’on n’observe pas de différence statistique entre les proportions des deux échantillons (loto, courses d’animaux (PMU), machines à sous, jeux de dés, casino traditionnel, bourse).
L’analyse de la fréquence de participation à des jeux pour de l’argent au cours des 12 derniers mois, montre que les “joueurs pathologiques” ont significativement joué plus souvent que les “JOCC” à la loterie (z = 4.44, p<.01), aux cartes (z = 4.05, p< .01), aux machines à sous (z = 6.28, p < .001) et aux jeux d’adresse (z = 3.34, p< .01). Les autres catégories de jeux (loto à carton, pari sur les sports, casino, courses d’animaux, jeu de dés, bourse dans le but de profit immédiat) ne montrent pas de différence significative entre les deux échantillons. Complémentairement, on observe que la loterie est le jeu auquel les trois catégories de joueurs participent en plus grand nombre au moins une fois par semaine (50% de “JPAT”, 28 % de “JPOT”, 15 % de “JOCC”). En ce qui concerne la consommation d’alcool, rappelons que nous avons posé les quatre questions du questionnaire « CAGE » (voir annexe). Si les sujets répondent affirmativement à deux questions et plus, on peut faire l’hypothèse qu’un problème d’alcool est présent. Dans le tableau III (voir page 7) sont reportés les pourcentages de réponses positives à chaque question pour les sous-groupe de joueurs, ainsi que la signification statistique de la comparaison entre les joueurs pathologiques et les “JOCC”.
Les résultats mettent en évidence une différence statistiquement significative pour chaque question du « CAGE », dans le sens où le pourcentage de “joueurs pathologiques” répondant affirmativement est significativement plus grand que celui observé pour les “JOCC”. Les deux questions pour lesquelles la différence entre ces deux catégories est la plus marquée concernent la culpabilité au sujet de la consommation d’alcool et le fait d’avoir été ennuyé par des remarques faites par un tiers au sujet de la consommation d’alcool. En prenant le critère limite de réponse positive à au moins deux questions du « CAGE » et en le croisant avec le critère relatif au jeu (“JOCC” versus “joueurs pathologiques”), la répartition du nombre de sujets selon ces 2 critères montre que 36 % des “joueurs pathologiques” répondent positivement à au moins deux questions du « CAGE », alors que ce n’est le cas que pour moins de 8% des “JOCC”. Cette différence est significative: 21 = 47.1 > 21 à .01 = 7.88 et signifie donc que la proportion de personnes abusant probablement d’alcool est plus grande dans l’échantillon des “joueurs pathologiques” que dans l’échantillon des “JOCC”.
Comme mentionné sous méthode, le but de cette analyse est d’examiner s’il existe une relation entre l’offre de jeux et le taux de prévalence; les niveaux de la variable indépendante “offre de jeux” correspondent à différentes régions de notre pays. Nous les avons ordonnés de manière croissante dans le tableau IV. Dans ce tableau figurent également les taux de prévalence des “JPAT”, des “JPOT”, de la somme des deux (“joueurs pathologiques”); les valeurs des coefficients de corrélation de Pearson entre l’offre de jeux et les taux de prévalence ainsi que leurs probabilités associées sont reportées dans les deux dernières lignes du tableau.
Tableau III: Commorbidité entre le jeu et la consommation d’alcool. Pourcentage des réponses affirmatives aux questions du “CAGE”. Comparaison statistiques entre les joueurs pathologiques (“JPAT” + “JPOT”) et les joueursoccasionnels ou non-joueurs “JOCC”.
« JPAT » Joueurs pathologiques probables n=20 |
« JPOT » Joueurs potentiellement pathologiques n=55 |
« JOCC » joueurs occasionnels n=2081 |
valeur de z et p. du test binomial « JPAT » + « JPOT » vs. « JOCC » | |
Q 1 (coupable) |
30 % | 32,7 % | 8,9 % | z = 6,7 < .01 |
Q 2 (réduction) |
33,3 % | 40,4 % | 13,5 % | z = 5,5 < .01 |
Q 3 (réveil) |
16,7 % | 10,6 % | 2,2 % | z = 5,5 < .01 |
Q 4 (remarques) |
66,7 % | 36,2 % | 9,2 % | z = 8,3 < .01 |
Les trois coefficients de corrélation sont positifs et élevés, puisqu’ils varient entre .89 pour les “JPOT” et .96 pour les “JPAT”. D’autre part, les coefficients concernant les “JPAT” et les “joueurs pathologiques” sont statistiquement significatifs. Cela signifie donc qu’il existe une relation positive entre l’offre de machines à sous d’une part et le taux de prévalence de joueurs pathologiques (et de “JPOT”) d’autre part.
La première partie de l’enquête montre que la prévalence de joueurs pathologiques probables en Suisse est de 0,79%. En plus, on relève que 2,18% de la population interrogée sont des joueurs potentiellement pathologiques. Ce résultat indique que le nombre de « joueurs à risques » (“JPAT” + “JPOT”) existant en Suisse est loin d’être négligeable puisqu’il est compris dans une fourchette allant de 151’468 à 235’855 personnes. Cette étude permet donc pour la première fois de quantifier l’ampleur du phénomène “jeu pathologique” dans notre pays.
Bien que légèrement plus faibles, les prévalences de joueurs potentiellement pathologiques et de joueurs pathologiques probables sont du même ordre de grandeur que celles enregistrées par d’autres études ayant utilisé la même méthode d’enquête. Par exemple, les taux de prévalence de joueurs pathologiques probables et de joueurs potentiellement pathologiques estimés sont respectivement de 1,2% et 2,6% dans la province de Québec, et 2,9% dans l’état de Californie.
Tableau IV: Prévalence des différentes catégories de joueurs en fonction de la disponibilité de jeux. Valeur correspondante du coefficient de corrélation de Pearson et probabilité associée.
Région | Nb. machines / 1000 h. | % « JPAT » | % « JPOT » | % joueurs pathologique |
Reste Suisse romande | 0,7 | 0,74 | 0,74 | 1,48 |
Ouest lémanique | 5,25 | 1 | 2,24 | 3,24 |
Canton de Fribourg | 7,03 | 1,23 | 1,72 | 2,95 |
Canton du Tessin | 9,27 | 1,59 | 2,59 | 4,18 |
r de Pearson | .96 | .89 | .95 | |
Prob. associée | .036 | .108 (NS) | .048 |
Cette étude montre également que 77% des personnes interrogées ont misé au moins une fois de l’argent au cours de leur vie et que 45% d’entre elles l’ont fait au cours de l’année précédant l’enquête. Les caractéristiques mises en évidence sur le plan suisse correspondent pour la plupart à celles observées dans les études de prévalence faites dans les pays industrialisés. Toutefois, en Suisse, on n’observe pas de différence significative en ce qui concerne le niveau de formation professionnelle, alors que la majorité des études montrent que le niveau de formation des joueurs pathologiques probables et potentiellement pathologiques est supérieur à celui de la moyenne des interviewés.
Soulignons encore que seul un joueur sur 75 a reçu de l’aide pour ses problèmes de jeux, ce qui représente 1,3% des joueurs pathologiques. Dans l’étude canadienne de Ladouceur (1991), on observait que 11,5% des joueurs avaient demandé de l’aide pour leur problème de jeu, bien qu’à cette époque, (comme c’était le cas en Suisse au moment de l’étude), il n’existait pas encore de structure de prévention et de traitement du jeu pathologique au Québec. Nous ne sommes pas en mesure d’interpréter cette différence. Il est toutefois possible que, dans notre pays, les joueurs pathologiques ne considèrent pas leurs habitudes de jeu comme pouvant faire l’objet d’une demande d’aide et de soins appropriés et ceci essentiellement par manque d’information: en effet, seulement 36% de joueurs, (respectivement 27% de joueurs potentiellement pathologiques et 60% de joueurs pathologiques probables) disent avoir un problème de jeu.
Nous avons également mis en évidence une forte relation de comorbidité entre les problèmes de jeu et d’alcool. Ce résultat est important dans la mesure où il concerne un échantillon représentatif de la population générale et qu’une telle étude n’avait pas encore été entreprise. Les résultats de la seconde partie confirment l’existence d’une forte corrélation entre l’offre de jeux et le taux de prévalence de joueurs pathologiques. Dans un avenir proche, l’augmentation de la disponibilité de jeux légalement exploités en Suisse pourrait vraisemblablement s’accompagner d’une augmentation de la prévalence de joueurs pathologiques, comme cela a déjà été constaté dans d’autres pays. Il nous paraît évident que des efforts considérables doivent être entrepris sur le plan national et cantonal, afin de développer des structures de prévention et de soins destinées aux joueurs à problème.
Cette étude a pu être conduite grâce au financement de la Romande des Jeux SA
Bibliographie
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