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Parole à… Jean-Félix Savary, secrétaire général du GREA

Fondation Le Relais

01.04.2008

Jean-Félix Savary s'exprime dans la revue ZOOM de la Fondation Le Relais sur les politiques cannabis.

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Parole à… Jean-Félix Savary, secrétaire général du GREA

- Quelle est la position du GREA au sujet de la politique concernant le cannabis ?

Le GREA est en faveur de la dépénalisation de la consommation de toutes les substances psychotropes. Nous estimons par ailleurs que les risques sont mieux maîtrisés dans un contexte de marché légal. En ce qui concerne le cannabis, il s'agit d'un produit très largement répandu dans notre société, tout spécialement chez les jeunes. Il nous semble donc urgent de légiférer aujourd'hui sur cette question.

- par rapport à l’initiative populaire « Pour une politique raisonnable en matière de chanvre protégeant efficacement la jeunesse » ?

Le GREA a toujours soutenu le modèle du Conseil fédéral de 2001, qui, au delà de la dépénalisation, visait également une réglementation du marché. C'est de ce même modèle que s'inspire l'initiative, que nous soutenons donc sur le fond. Cependant, la situation politique actuelle, tout comme la composition du comité d'initiative ne sont pas sans poser problèmes.

- par rapport au contre-projet ?

Par pragmatimse politique, le GREA s'est battu pour un contre-projet sur l'initiative. Une première victoire a été remportée au Conseil des Etats, avec la proposition d'un contre-projet par la commission santé (CSSS-E). Ce modèle proposait une dépénalisation de la Consommation sans entrer sur le terrain difficile de la régulation d'un marché légalisé. Cette solution était susceptible de réunir une majorité et aurait même probablement permis un retrait de l'initiative. Malheureusement, la présence massive de l'UDC dans la Commission santé du National n'a pas permis de confirmer ce contre-projet, qui a été enterré le 15 février. Cette défaite cuisante donne une bonne idée de l'état du parlement suisse aujourd'hui. Bien que tous les grands partis se soient battus pour une solution, le rapport de force actuel ne permet plus de trouver de solutions de compromis.

Ce résultat est réellement regrettable. Nous allons donc voter sur l'initiative, sans contre-projet. Comme ce texte est très ambitieux, il y a de grands risques que la population la rejette avec force. Hors, un score très négatif sera forcément utilisé politiquement par les milieux conservateurs. Il sera interprété comme un rejet d’une vision pragmatique sur les drogues et donc la volonté d'un retour à une politique plus répressive. Le GREA craint donc une glaciation de la politique drogue, suite à l'instrumentalisation du score de l'initiative 

- Quelles seraient actuellement les priorités en matière de politique cannabis ?

La première priorité concerne la protection de la jeunesse. 

Aujourd'hui, les jeunes consomment de grandes quantités de cannabis à un âge beaucoup trop précoce, augmentant les risques de développer des problèmes de consommation. Hors, aujourd'hui, seulement 10% des efforts des dénonciations concernent les mineurs, alors que 20% concernent des consommateurs de plus de 35 ans (chiffres de la police). Cette situation est totalement contraire au bon sens et doit impérativement être changée. Nous devons réorienter les ressources consacrées au contrôle en direction des jeunes, à savoir là où c'est efficace et utile. Plusieurs actions, comme le projet DEPART1 à Lausanne montrent qu'une prise en charge déterminée à l'adolescence peut effectivement apporter des solutions. 

Ensuite, il faut retrouver une cohérence dans le message donné aux jeunes sur le cannabis. Les discours qui "banalisent" le produit, comme ceux qui le "diabolisent" font un tort immense à la prévention.  Les jeunes ne connaissent pas les dimensions pharmacologiques du cannabis, par contre ils le côtoient partout. A l'école, en sortie, dans les médias, même chez leurs propres parents pour certains. Ils ont besoin de repères sur un sujet qu'ils perçoivent bien comme quelque chose de potentiellement problématique. Face à cet émiettement du discours, si éloigné de ce qu'ils vivent au quotidien, le monde adulte perd sa crédibilité et les adolescents se retrouvent sans balises pour adopter une attitude plus responsable face au cannabis. 

- Qu’apporterait la réglementation de la consommation ?

La réglementation permet d'abord le rétablissement du lien éducatif entre les ressources d'aide et les personnes concernées. L'interdit pénal inhibe tout le monde et empêche d'en parler. Ceci est vrai autant pour le jeune, qui craint une sanction étatique, que pour le professionnel (instituteur, infirmier, éducateur), qui appréhendera cette situation. La conséquence est dramatique. On n’en parle pas, alors que c'est justement central de pouvoir échanger sur ce sujet.

Ensuite, elle peut à notre avis rétablir une certaine sérénité dans le discours. La réglementation fait passer la question du cannabis de la sphère morale à la sphère réglementaire. On change d'optique en choisissant de traiter les problèmes plutôt que de les nier. Les discours extrémistes s'en trouvent décrédibilisés.

Enfin, elle trace des frontières claires. Le cannabis se trouve dans une zone de flou. Relativement accepté socialement, il fait l'objet d'une sanction pénale. Comment s'y retrouver? Avec la dépénalisation de la consommation pour les adultes, on a un message clair. Avant 18 ans, c'est interdit et c'est tout. Comme pour l'alcool. Le GREA se prononce d'ailleurs pour une levée de l'âge de la consommation à 18 ans pour tous les produits. Ce qui compte avec les adolescents, c'est la clarté du message.

- La dépénalisation ne provoque-t-elle pas une banalisation du  produit ?

On associe trop souvent "dépénalisation" avec laxisme et "laisser  faire". Nous nous opposons totalement à cette assertion. Pour le GREA,  la dépénalisation s'accompagne d'un renforcement des mesures orientées vers la jeunesse, et donc, concrètement, par un renforcement des  mesures coercitives chez les mineurs et ceux qui leur procurent le produit. Il s'agit simplement d'agir là où les risques sont les plus importants et là où nous avons le plus de succès.

1. DEPART, Dépistage, évaluation, parrainage d’adolescents consommateurs de substances www.infoset.ch/inst/depart/

 

Auteur(s)
Fondation Le Relais