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La politique des jeux d'argent fait débat

10.06.2022

Selon le think tank libéral avenir suisse, l'organisation des jeux d'argent doit être dépolitisée. Dans une publication parue récemment, la fondation dénonce les conflits d'intérêts inhérents à la régulation des jeux en Suisse et propose un catalogue de mesures pour y remédier. Bien que tout ne soit pas bon à prendre, certains aspects rejoignent les critiques que le GREA formule depuis de nombreuses années sur le cadre légal des jeux. 

Chaque année, les jeux d'argent génèrent un produit brut d'environ 1,6 milliard de francs, dont 1 milliard environ est redistribué à des objectifs d'utilité publique (AVS, culture, sport, soutien associatif, etc.). La politique des jeux d'argent, telle qu'acceptée par la population en 2017 avec l'adoption de la LJAr, place l'État dans une position où il est à la fois organisateur des jeux, responsable de leur surveillance, bénéficiaire de leurs revenus et en charge de la prévention. Cette multiplication des intérêts empêche le bon fonctionnement du système, dénonce le think tank libéral avenir suisse dans une opinion parue cette semaine dans Le Temps. Une opinion partagée par le GREA. 

Selon une étude publiée par avenir suisse, une réforme du domaine est nécessaire. Plusieurs propositions sont formulées: certaines rejoignent les positions du GREA, d'autres pas. Nous pouvons notamment relever les points suivants :

  • L'AVS et les cantons reçoivent environ 1 milliard de francs par année, issu des poches des joueuses et des joueurs. C'est beaucoup, selon avenir suisse, et ce fait empêche l'Etat d'assumer correctement son rôle de surveillance et de protection contre la dépendance au jeu. Lors des discussions sur l'adoption de la LJAr, le GREA, avec ses partenaires de la Coalition pour la protection des joueurs, avait regretté que cette loi serve avant tout la logique des profits au détriment de la protection des joueurs. La décision récente du Conseil fédéral de créer deux nouvelles concessions de maison de jeu montre bien la volonté de maximiser les profits. 
  • Pour dépolitiser les jeux d'argent, avenir suisse propose de redistribuer le bénéfice des jeux à l'ensemble de la population, par exemple via les primes maladie, sur le même modèle que la taxe CO2. Cette solution permettrait peut-être de réduire les conflits d'intérêt de l'Etat, du moins en partie, mais le GREA tient à rappeler que :
    • Un tiers des revenus des jeux provient des joueuses et joueurs excessifs, soit 3% de la population : ces personnes sont le plus souvent jeunes et issues de milieux socioéconomiquement défavorisés
    • En redistribuant les revenus des jeux à l'ensemble de la population, le fait est que les jeux d'argent vont rester un impôt sur les pauvres : une minorité vulnérable de la population paie pour le reste. Le principe de l'équivalence fiscale voudrait qu'un tiers des bénéfices des jeux revienne directement à cette population particulièrement touchée.
  • avenir suisse propose également de renoncer à la séparation historique entre les maisons de jeu, régulées par la Confédération, et les loteries, qui dépendent des cantons. La fin de cette organisation bicéphale avec la fusion des autorités de surveillance permettrait de réduire le nombre d'acteurs impliqués, de diminuer les coûts et de renforcer la position de régulateur. 

La Coalition pour la protection des joueurs n'a jamais été enthousiasmée par la Loi sur les jeux d'argent (LJAr) qui priorise les profits des jeux sur la protection des joueuses et des joueurs. Bien que toutes les propositions d'avenir suisse ne soient pas bonnes à prendre, elles ont le mérite de placer la régulation et le cadre politique des jeux dans le débat public. L'Office fédéral de la justice a annoncé qu'une évaluation de la LJAr était prévue : le processus et les résultats s'annoncent passionnants.